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Il s’avère que ce que nous pensions être prouvé… en fait ne l’était pas. Vous l’avez entendu à plusieurs reprises : nous devrions encourager les enfants à pratiquer une grande variété de sports et éviter de tomber dans le piège de la spécialisation sportive précoce. Il s’agit d’une idée répandue et généralement acceptée selon laquelle les jeunes devraient pratiquer plusieurs sports plutôt qu’un seul. Cette idée préconçue vient du fait que nous croyons, que la participation précoce à une variété d’activités est liée à une plus faible probabilité d’épuisement sportif, de blessure ou d’abandon ultérieurs. De nombreuses icônes du sport canadien, telles que Wayne Gretzky, Heather Moyse et Steve Nash, sont invoqués comme exemples pour démontrer que la diversification précoce de la participation sportive est la clé de la réussite sportive future.   

De nombreuses études concluent que la participation multisports est la meilleure voie vers la participation à long terme et la promotion de la performance (Gallant & Bélanger, 2021). Cependant, la plupart de ces études pourraient être considérées comme n’apportant qu’un très faible niveau de preuve pour soutenir cette affirmation (Balshem et al., 2011). Cela ne veut pas dire que la notion communément acceptée qui encourage la participation multisports est erronée, mais simplement que cette conception  manque de preuves empiriques pour être reconnue comme concluante. Le problème des études précédentes est qu’elles sont généralement effectuées à posteriori, c’est-à-dire en recrutant des athlètes d’élite et en leur demandant de se souvenir des sports qu’ils pratiquaient lorsqu’ils étaient plus jeunes. Les résultats de ce type d’études sont difficiles à généraliser, car les participantes et participants (par exemple, les athlètes d’élite) ne sont pas représentatifs de la population générale. De plus,  les réponses des participants à ce type d’étude manquent souvent de précision, car elles sont influencées par leurs expériences les plus récentes et les idées les plus socialement acceptées. La méthodologie à privilégier pour ce type de recherche serait de recruter un échantillon de jeunes plus grand et représentatif et de suivre ces participants pendant plusieurs années afin d’observer l’évolution de leurs pratiques sportives au fil du temps.

Comment avons-nous développé des preuves

En 2011, nous avons lancé l’étude MATCH (Mesurer les activités des jeunes pour mieux comprendre leurs habitudes) afin de mieux comprendre comment et pourquoi la pratique d’un sport ou d’une activité physique évolue au cours de l’adolescence. Nous avons recruté 929 enfants âgés de 10 à 12 ans et les avons interrogés trois fois par an durant huit années, jusqu’à ce qu’ils terminent leurs études secondaires. Une fois à l’âge adulte, nous avons continué à sonder ces mêmes participantes et participants annuellement. L’étude MATCH dispose désormais de 27 cycles de données qui nous aident à établir des preuves sur la façon dont différents profils de pratique sportive se développent pendant l’adolescence et comment ils influencent la pratique sportive future, les niveaux généraux d’activité physique, la santé mentale ainsi que d’autres issues.

Avec des données sur les niveaux d’activité physique, les types de sports pratiqués, la fréquence de la participation, les personnes avec qui la participation a eu lieu et si elle a eu lieu dans un contexte organisé ou non, nous avons effectué une variété d’analyses pour identifier ce qui caractérise les profils les plus communs de la participation au sport et à l’activité physique pendant l’adolescence et comment ces profils influencent le devenir des participants.

Ce que les données mettent en avant

L’analyse des données de MATCH démontre que les adolescents peuvent se situer dans un de cinq profil de pratique du sport et de l’activité physique (Bélanger, 2023) :

1. les non-participants (ceux qui ne participent que peu ou pas du tout à des activités sportives et physiques).

2. les décrocheurs (ceux qui entrent dans l’adolescence en étant plutôt actifs, mais qui abandonnent rapidement le sport et l’activité physique).

3. actifs par le biais d’activités organisées (ceux qui restent actifs tout au long de l’adolescence en raison de leur participation à des activités physiques organisées uniquement).

4. actifs par le biais d’activités non-organisées (ceux qui restent actifs tout au long de l’adolescence en pratiquant uniquement des activités non-organisées).

5. actifs par le biais de tous types d’activités (ceux qui déclarent avoir participé à une variété de sports et d’activités physiques, organisés ou non, tout au long de l’adolescence).

D’une certaine façon, sachant que les adolescents caractérisés par le profil « actif par le biais d’activités organisées » pratiquent pour la plupart qu’un seul sport, ceux-ci offrent une représentation de la catégorie de spécialisation sportive que l’opinion commune suggère d’éviter. En revanche, le profil « actif par le biais de tous types d’activités » représente le parcours multisports. Lorsque nous comparons ce qu’il advient de ces participantes et participants, nous constatons que les participantes et participants multisports sont au final parmi les plus actifs physiquement lorsqu’ils entrent dans l’âge adulte. Cependant, un autre groupe semble être tout aussi actif physiquement à l’âge adulte : les « actifs par le biais d’activités nonorganisées » pendant l’adolescence.

Ce qui semble aider les adolescents des profils « actifs par le biais de tous types d’activités » et « actifs par le biais d’activités non-organisées » à être plus actifs à l’âge adulte, c’est leur exposition à une grande variété d’activités, et ce dans une multitude de contextes. Cette variété d’expériences a aidé ces adolescents à se sentir aptes à être actifs et a contribué à développer leur capacité à le rester en dehors de cadres structurés. Cela a été particulièrement évident au cours des premières phases du confinement de la pandémie de COVID-19, lorsque l’activité physique nécessitait essentiellement de s’engager dans des activités non organisées, hors des infrastructures sportives. Parmi les exemples d’activités physiques non organisées, nous pouvons citer la bicyclette, la randonnée, les exercices à domicile ou le basket-ball avec des amis.

Le maintien d’une participation à un plus grand nombre de sports pendant l’adolescence est également lié à une meilleure santé mentale à l’âge adulte. En effet, nous avons constaté qu’à chaque fois que les adolescents étaient confrontés à une situation stressante, nombre d’entre eux  se tournaient vers une activité physique non organisée comme moyen efficace de gérer leur stress.  Les individus qui avaient pratiqué davantage de sports au cours de leur adolescence étaient plus susceptibles d’utiliser l’activité physique comme stratégie d’adaptation. À son tour, nous avons noté que le recours accru à l’activité physique comme stratégie d’adaptation dans les situations stressantes est lié à une santé mentale plus positive.  

Comment utiliser les preuves

Les résultats de l’étude MATCH prouvent et soutiennent l’idée que les trajectoires multisports pendant l’adolescence sont préférables à l’engagement dans un parcours de spécialisation dans un seul sport. . Les résultats soulignent que l’engagement dans une variété d’activités physiques semble être la clé, et que cela peut se faire également dans le cadre d’activités physiques non organisées. D’un point de vue général, le message est que la participation à des activités physiques différentes et variées au cours de l’adolescence contribuera à promouvoir un mode de vie physiquement actif et une meilleure santé mentale à l’âge adulte.

Pour cela, il faut que notre système sportif accepte l’idée qu’il faut du temps pour développer les athlètes. La nature de nombreux sports favorise actuellement une approche de spécialisation, par exemple en proposant des séances de préparation d’avant-saison, des saisons régulières plus longues, des programmes d’élites, des ligues d’après-saison et des camps d’intersaison. Bien que cela puisse aider certains jeunes à devenir plus compétitifs dans leur sport des un âge précoce, notre programme de recherche indique qu’une approche diversifiée conduira à de meilleurs résultats en termes de maintien de participation tout au long de la vie et favorisera une meilleure santé mentale à long terme.


A propos de(s) l'auteur(s)

Mathieu Bélanger, PhD, est professeur titulaire au département de médecine de famille de l’Université de Sherbrooke et chercheur au laboratoire IMPACTS du Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick. Mathieu utilise des méthodes épidémiologiques pour documenter empiriquement l’évolution de l’activité physique au cours de la vie et son impact sur la santé. Il pratique de nombreux sports, construit des sentiers de vélo de montagne et est entraîneur de hockey sur glace.

François Gallant, PhD, est chercheur postdoctoral au département de médecine de famille de l’Université Dalhousie et du Réseau de santé Vitalité. François s’intéresse à l’utilisation créative de données observationnelles pour contribuer au développement d’évidences empiriques. Il aime passer du temps à l’extérieur et pratiquer de nombreuses activités physiques, notamment la course en sentier et le vélo de montagne.

Images réalisées par Michaël Garcia 

Références

Balshem, H., Helfand, M., Schünemann, H.J., Oxman, A.D., Kunz, R., Brozek, J., Vist, G.E., Falck-Ytter, Y., Meerpohl, J., Norris, S., & Guyatt, G.H. (2011). GRADE guidelines: 3. Rating the quality of evidence. Journal of Clinical Epidemiology 64(4), 401-406. doi.org/10.1016/j.jclinepi.2010.07.015 

Bélanger, M. (2023). Description of the MATCH study. IMPACTS Lab, Centre de formation médicale du Nouveau-Brunswick, Université de Sherbrooke.  https://impactslab.com/en/match_study/ 

Gallant, F. & Bélanger, M. (2021). Empirical support for the tenets of sport participation and activity-based models: A scoping review. Frontiers in Sports and Active Living 3, article 741495. doi: 10.3389/fspor.2021.741495. 


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