Le rôle de la nutrition pour récupérer d’une commotion cérébrale

Les commotions cérébrales liées au sport sont un sujet brulant depuis quelques années, avec la parution des Lignes directrices canadiennes sur les commotions cérébrales dans le sport en 2017, et la campagne Tenons tête de SIRC après l’adoption de la Loi Rowan (prévention des commotions cérébrales) le 7 mars 2018, en Ontario. Malgré une sensibilisation accrue, l’identification et les traitements, l’importance de la nutrition pour le rétablissement d’une commotion cérébrale est souvent négligée. De nombreux protocoles de traitement ne comprennent pas l’intégration des services de nutritionnistes du sport qui peuvent faciliter l’optimisation d’aliments neuroprotecteurs. De plus, les nutritionnistes font rarement partie des équipes de soutien interdisciplinaires des sports à risque élevé de commotion cérébrale.

Bien que la recherche dans ce domaine en est à ses débuts, l’intégration d’une approche sécuritaire et à faible risque de la nutrition peut non seulement protéger l’athlète, mais elle peut aussi faciliter le rétablissement. Vous trouverez ci-dessous une liste d’interventions essentielles dont on devrait tenir compte pour le traitement d’une commotion cérébrale liée au sport. Cet article est le premier de deux documents explorant le rôle neuroprotecteur de certains aliments spécifiques du point de vue de la sous-commotion cérébrale.

La gestion de l’appétit

Les symptômes de la commotion cérébrale comme la nausée, les maux de tête et la fatigue provoquent souvent une perte de l’appétit, ce qui peut se traduire par un manque d’énergie et une carence d’éléments nutritifs favorisant la guérison. Pendant le processus de récupération, il est essentiel que les athlètes consomment régulièrement des collations et des repas sains. L’athlète blessé peut demander à sa famille et à ses amis de l’aider à faire ses courses et à cuisiner, ou s’abonner à un service de livraison de repas santé dans sa région pour économiser temps et énergie.

Voici quelques conseils pour les athlètes qui souffrent d’une perte d’appétit :

  • Consommez plusieurs petits repas pendant la journée. Privilégiez des aliments faciles à digérer, comme des craquelins, du pain grillé, de la soupe, du yogourt, des avocats, du pudding au riz, du gruau, du beurre fait à partir de noix, du poulet et du poisson. Des petits repas fréquents peuvent aussi vous aider à gérer la nausée, car un estomac vide aggravera les symptômes.
  • Des substituts de repas liquides peuvent aussi fournir des éléments nutritifs essentiels et prévenir la déshydratation. Voici quelques exemples :
    • Les smoothies maison : 1 tasse de lait ou de substitut laitier enrichi, avec ½ tasse de yogourt grec nature 0 % à 2 %. Selon votre préférence, ajoutez à votre boisson l’une des combinaisons suivantes :
      • 1 banane + 2 c. à table de beurre d’arachide naturel
      • 1 tasse de fraises + ½-1 banane
      • 1 c. à table de cacao + 1 tasse de framboises
      • 1 poignée d’épinards + ¼ d’avocat + ½ tasse de baies
    • Des substituts de repas liquides commerciaux, comme Boost, Ensure, Carnation Breakfast, Vega ou Rumble Super.
    • Pour les athlètes âgés de plus de 18 ans, on peut aussi ajouter un supplément de protéines ou de glucides, mais uniquement après avoir consulté une nutritionniste du sport qualifiée ou un médecin du sport pour discuter des options possibles.

Vous aimeriez avoir d’autres recettes? Demandez à un expert ou une experte en nutrition du sport de partager des suggestions pour des repas et des collations faciles à préparer.

L’hydration

Les maux de tête sont un symptôme courant de la commotion cérébrale subie lors de la pratique d’un sport (Institute of Medicine, 2011) et la déshydratation peut empirer les symptômes. Dans un premier temps, il faut vérifier la couleur de l’urine. Celle-ci devrait être jaune pâle. Si elle est plus foncée, tentez de boire davantage de liquides pour vous hydrater.

Voici quelques conseils pour améliorer l’hydratation :

  • Consommez des breuvages hydratants pendant la journée, comme de l’eau, du lait ou des substituts laitiers, des smoothies, de l’eau de noix de coco, des boissons d’électrolytes comme Nunn, des substituts de repas liquides, des jus de fruit naturels à 100 %, ainsi que des soupes froides ou chaudes.
  • Buvez davantage de liquides pendant vos repas et avec vos collations.
  • Choisissez des substituts de repas liquides lorsque vous avez peu d’appétit.
  • Évitez de consommer de l’alcool, lequel provoque la déshydratation.

Conseil : Lorsque vous tentez d’améliorer votre hydratation, remarquez combien de fois vous vous levez pendant la nuit pour aller aux toilettes. Si vous vous levez plus d’une fois ou deux fois, réduisez votre consommation de liquides pendant la soirée afin de pouvoir mieux récupérer pendant le sommeil.

Les acides gras oméga-3

Les plus récentes recherches examinant le lien entre les aliments et la récupération d’une commotion cérébrale se sont penchées sur les omégas-3, que l’on appelle aussi des corps gras polyinsaturés. Il existe trois types d’oméga-3, dont l’acide docosahéxaénoïque (DHA), que l’on retrouve en abondance dans le cerveau (Arterburn, Hall, & Oken 2006; Scrimgeour & Condlin 2014). L’acide DHA fait l’objet de nombreuses recherches sur la récupération suite à un traumatisme crânien subi pendant la pratique d’un sport, qui semble être prometteur pour la réduction des dommages au cerveau et du déclin cognitif après une commotion cérébrale (Rawson, Miles & Larson-Meyer 2018).

Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur les doses à l’heure actuelle, les athlètes blessés devraient consommer davantage d’acides gras oméga-3 quotidiennement, particulièrement les DHA. Le poisson est la plus importante source de DHA (voir tableau 1). Si vous souhaitez prendre un supplément, consultez un ou une nutritionniste du sport, qui pourra recommander une dose appropriée et sûre. Le tableau 2 représente les doses de DHA et d’EPA (acide éthyle-eicosapentaenoïque), un autre acide gras oméga-3, recommandées par Santé Canada.

Tableau 1 : sources alimentaires de DHA (National Institute of Health, 2019).
ALIMENTPORTIONEPA/DHA (MG)
Saumon, atlantique, d’élevage, cuit3 oz.1240
Saumon, atlantique, sauvage, cuit3 oz.1220
Hareng, atlantique, cuit3 oz.940
Sardines, en conserve avec sauce aux tomates, égouttées3 oz.590
Saumon, rose, en conserve, égoutté3 oz.440
Huitres, de l’Est, sauvages, cuites3 oz.230
Sardines, en conserve3 oz.740-1050
Dorade, cuite3 oz.470
Thon, léger, en conserve dans l’eau, égoutté3 oz.170
Morue, pacifique, cuite3 oz.110
Tableau 2 : Recommandations de Santé Canada de DHA et EPA (Santé Canada, 2018).
SOUS-POPULATIONEPA + DHA (MG/JOUR)
MINIMUMMAXIMUM
Enfants1-8 ans1001,500
Adolescents9-13 ans

14-18 ans
100

100
2,000

2,500
Adultes  ≥ 19 ans1005,000
LA CRÉATINE

Le cerveau utilise environ 20 % de l’énergie totale du corps (Institute of Medicine, 2011). La commotion cérébrale cause une crise d’énergie dans le cerveau, qui éprouvera un besoin d’énergie accru et cherchera des sources d’énergie alternatives pour satisfaire la demande et favoriser la guérison (Ainsley Dean, Arikan, Opitz & Sterr, 2017; Giza & Hovda, 2015). Dans un tel cas, la créatine peut aider. Le corps produit de la créatine, mais celle-ci peut également venir de sources externes, comme les protéines animales ou les suppléments de créatine. En cas de commotion cérébrale, la créatine peut traverser la barrière hématoencéphalique et fournir une réserve d’énergie au cerveau pour soutenir la demande grandissante d’énergie nécessaire à la guérison (Institute of Medicine, 2011; Petraglia, Winkler & Bailes, 2011; Dolan, Gualano & Rawson, 2018). Sakellaris et al. (2006 & 2008) ont examiné l’apport complémentaire thérapeutique de créatine chez les enfants et les adolescents ayant subi des commotions cérébrales sérieuses. Dans le groupe ayant reçu le traitement, on a remarqué une réduction de la durée de l’hospitalisation, ainsi que des améliorations de la fonction cognitive, de la communication, de la prise en charge de soi, de la réduction des maux de tête, du vertige et des symptômes associés à la fatigue. Bien que les régimes d’administration thérapeutique n’aient pas encore été établis, la créatine semble être très prometteuse pour la protection neurale et la récupération d’une commotion cérébrale liée au sport (Ainsley Dean, Arikan, Opitz & Sterr, 2017; Dolan, Gualao & Rawson, 2018).

LES POLYPHÉNOLS

Les polyphénols sont une catégorie d’agents végétaux qui peuvent avoir des effets bénéfiques sur la santé. Le resvératrol est un polyphénol que l’on retrouve dans des aliments comme les raisins, les bleuets et les arachides (HealthLinkBC, 2018), et dans la curcumine, l’ingrédient actif du curcuma, une épice. Les deux laissent entrevoir des résultats prometteurs dans la réduction de l’inflammation après une commotion cérébrale tout en améliorant la performance motrice, la mémoire visuelle, la membrane protectrice du cerveau et la capacité d’adaptation et de compensation du cerveau après une blessure (Ashbaugh & McGrew, 2015; Zhu., et al 2014; Petraglia, Winkler & Bailes, 2011). À l’heure actuelle, aucune dose sécuritaire de resvératrol ou de curcumine n’a été établie, alors les athlètes devraient plutôt chercher des sources naturelles de resvératrol à ajouter à leur alimentation. Ils peuvent ajouter du curcuma en poudre à leur soupe, à leur ragout, à leur cari ou à leur sauté de légumes.

Conseil : La curcumine n’est pas bien absorbée par le corps. Pour améliorer son absorption, mélangez-la avec du poivre et avec des gras sains, et ajoutez de la chaleur. Ajouter de la poudre de curcuma à vos repas, comme les soupes ou les caris, vous permettra de faire ceci et d’améliorer votre absorption de la curcumine!

LES VITAMINES

Des études animales et cliniques se sont penchées sur l’effet d’antioxydants comme les vitamines E et C pour réduire les déclins cognitifs après une blessure, puisqu’on retrouve des concentrations élevées de ces deux vitamines dans le cerveau (Petraglia, Winkler & Bailes, 2011). Les recherches démontrent qu’un traitement combinant les vitamines E et C se traduit par de meilleures améliorations du fonctionnement cérébral qu’une administration de chaque vitamine séparément (Petraglia, Winkler & Bailes, 2011; Ashbaugh & McGrew, 2016). La recherche doit se poursuivre et il n’est pas possible de recommander des doses précises en ce moment, mais les deux antioxydants sont présents dans plusieurs aliments que vous pouvez consommer avec vos repas ou collations. Le tableau 3 contient une liste de ces aliments.

TABLEAU 3 : ALIMENTS CONTENANT DE LA VITAMINE E OU DE LA VITAMINE C
Meilleures sources alimentaires de vitamine E (Les diététistes du Canada, 2016)Amandes et beurre d’amande
Graines de tournesol
Noisettes
Germe de blé
Œufs
Épinards cuits
Avocats
Meilleures sources alimentaires de vitamine C (Les diététistes du Canada, 2016) Poivron
Brocoli
Chou rouge
Chou de Bruxelles
Goyave
Papaye
Kiwi
Orange
Fraise
Ananas
Jus de fruit 100 % naturel avec vitamine C ajoutée
CE QU’IL FAUT LIMITER

Plusieurs aliments favorisent la récupération, mais certains peuvent nuire au processus de guérison. Il est important d’éviter l’alcool et les aliments à haute teneur en gras saturés et contenant des sucres raffinés pendant le processus de récupération. Après avoir subi une commotion cérébrale liée au sport, la consommation d’alcool peut vous déshydrater, causer des troubles de mémoire, nuire à la concentration et nuire à votre capacité de jugement. L’alcool peut aussi augmenter les risques de subir une autre commotion cérébrale pendant la récupération de la blessure initiale, ce qui prolonge davantage la période de guérison (Opreanu, Kuhn, & Basson, 2010).

Les aliments frits et enrobés, les croustilles, les produits de boulangerie-pâtisserie achetés en magasin, les bonbons, les biscuits et les boissons gazeuses sont des exemples d’aliments à haute tenir en gras saturés ou contenant des sucres raffinés. Non seulement ils nuisent à la capacité du cerveau à s’adapter ou à guérir après une blessure, mais ils nuisent également à la mémoire et empirent les effets généraux de la blessure (Wu, Molteni, Ying, & Gomez-Pinilla, 2003; Wu, Ying, & Gomez-Pinilla, 2004; Gomez-Pinilla, & Kostenkova, 2008; Wu, Ying, & Gomez-Pinilla, 2014). Les athlètes blessés devraient limiter leur apport d’aliments contenant des sucres raffinés et choisir des gras sains comme l’huile d’olive, les avocats, les noix, les graines et les poissons gras.

ADOPTER UNE APPROCHE NUTRITIONNELLE POUR RÉCUPÉRER D’UNE COMMOTION CÉRÉBRALE

Sachant quels aliments peuvent favoriser la récupération d’une commotion cérébrale liée au sport, les étapes suivantes peuvent aider les athlètes, les entraineurs et les autres membres de l’équipe de soutien de l’athlète à mettre en œuvre les conseils nutritifs proposés dans cet article.

  • Demandez l’aide d’un(e) expert(e) : Un ou une nutritionniste du sport peut informer les athlètes, les entraineurs, les parents et l’équipe médicale sur les principes essentiels d’une nutrition favorisant la récupération d’une blessure. Il ou elle peut offrir des conseils pour l’achat des aliments et la préparation de repas qui favorisent la guérison de la commotion cérébrale.
  • Faites un suivi : Faites un suivi de l’appétit et de l’hydratation ainsi que des autres symptômes d’une commotion cérébrale pendant la période de récupération.
  • Planifiez à l’avance : Lorsque vous voyagez, regardez les menus de l’hôtel et des installations à l’avance et pensez à des manières d’augmenter votre consommation d’aliments riches en oméga-3, polyphénols et antioxydants.
  • Protocoles de voyage : Un ou une nutritionniste du sport qualifié(e) peut travailler avec l’équipe médicale pour l’aider à créer des protocoles favorisant la récupération d’une commotion cérébrale qui tiennent compte des aliments qui favorisent la guérison et peuvent être mis en œuvre si un ou une athlète se blesse lorsqu’il ou elle est en déplacement.
CONSEILS ESSENTIELS POUR LES ATHLÈTES :
  • Demandez l’appui de vos proches pour vous aider à faire vos courses et préparer vos repas.
  • Soyez bien hydraté(e).
  • Évitez l’alcool et limitez la consommation de gras saturés et de sucres raffinés.
  • Augmentez votre apport d’aliments riches en gras oméga-3.
  • Choisissez des aliments riches en resvératrol et ajoutez du curcuma à vos mets.
  • Consommez quotidiennement des légumes et des fruits riches en antioxydants (p.ex., épinards, brocoli, poivrons, avocats, fraises et kiwis).
  • Si vous prévoyez prendre des suppléments, consultez votre médecin du sport ou une nutritionniste du sport pour discuter de vos besoins, des doses recommandées et des dangers.
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