Dans le domaine de la psychologie du sport, les recherches sur l’attention et son lien avec la performance athlétique ne datent pas d’hier. La plupart de ces recherches mettent l’accent sur l’entraînement des jeunes athlètes visant à développer leur talent, comme la pratique délibérée. Bien que le vieux dicton nous dise que « c’est en forgeant qu’on devient forgeron », les recherches indiquent clairement que le temps de pratique n’est pas le principal facteur qui permet d’améliorer la performance et d’assurer la réussite, mais bien le temps d’entraînement concentré. Autrement dit, la pratique délibérée augmente le potentiel d’un athlète d’améliorer sa performance. En fait, « la pratique délibérée semble être le facteur clé qui permet de développer de l’expertise, et l’attention exclusive est un élément essentiel de ce concept. »1
L’objectif de bon nombre de jeunes athlètes est de pratiquer un sport élite au niveau senior et de réaliser leur rêve d’exceller dans leur sport. Cependant, ces athlètes sont confrontés à une diversité de facteurs quotidiens qui influencent leur capacité à se concentrer uniquement sur l’entraînement. Des éléments externes comme l’école, la famille, les collègues et les faits divers de la vie peuvent agir comme facteurs de stress et avoir une incidence sur la concentration des athlètes ou devenir une source de distraction. Pour mettre en œuvre une pratique efficace et délibérée, un athlète doit s’entraîner en vue de réduire son stress, ses distractions et ses pensées négatives. Il doit entraîner sa capacité à concentrer son attention sur une seule chose. Par conséquent, l’entraînement de l’attention a suscité l’intérêt des scientifiques sportifs qui veulent améliorer le développement des athlètes et veiller à ce que ceux-ci performent à un niveau optimal.
Attention et pleine conscience
Parallèlement aux concepts de la pratique délibérée et de l’entraînement de l’attention, il y a la théorie de la pleine conscience, qui consiste à « avoir une attention consciente, dans le moment présent, sans jugement ». 5 Si cette pleine conscience est développée autour de l’attention, l’athlète peut se concentrer sur le moment présent et axer consciemment son attention sur son objectif et éviter ainsi toute distraction comme des pensées, des sentiments ou des éléments relatifs aux sens. Les recherches dans ce domaine soulignent l’importance de développer cette aptitude en raison de la capacité limitée de la mémoire active et de l’attention d’une personne.
Dans une étude réalisée par Worthen et Luisell5, les auteurs se sont penchés sur des athlètes féminines d’écoles secondaires pour évaluer leurs opinions et leurs comportements relativement à un programme d’entraînement de la pleine conscience axée sur un sport. Les conclusions révèlent que ce programme a amélioré la sensibilité émotive, le maintien de la concentration et l’esprit d’équipe des athlètes. Les auteurs ont toutefois remarqué qu’il est nécessaire de lier l’entraînement de la pleine conscience à des contextes de sport précis (séances d’entraînement, conditionnement physique, compétitions, etc.) afin d’obtenir des résultats.
Dans une autre étude de Mardon, Richards et Martindale2, on a fait l’hypothèse que l’entraînement de la pleine conscience auprès de six nageurs de niveau national permet d’améliorer la prise de conscience, la concentration, l’efficacité de l’attention, les temps de performance et même le niveau de performance des athlètes et de l’entraîneur. L’étude a démontré que dans le cas des six athlètes, la plupart d’entre eux ont considéré que l’entraînement de la pleine conscience était une réussite et qu’ils pouvaient le faire par eux-mêmes. « Quatre des participants ont amélioré leur concentration […], cinq ont rehaussé leur cote de rendement autoévaluée, et quatre ont amélioré leur temps de performance par rapport à leur record de saison avant l’étude. » De plus, cinq athlètes ont amélioré leur performance au-delà des attentes de l’entraîneur. Bien qu’on reconnaisse que l’échantillon soit petit, les conclusions indiquent que l’entraînement de la pleine conscience est un facteur qui pourrait améliorer la performance.
Une autre recherche sur l’attention a été menée pour examiner plus en profondeur l’incidence des techniques d’entraînement de l’attention (TEA) sur les jeunes athlètes.1 Le programme des TEA implique un entraînement de l’audition pour renforcer la flexibilité mentale et le contrôle de l’esprit. Les conclusions montrent que les TEA aident les jeunes athlètes à contrôler leur attention lors d’entraînements sportifs. En effet, ces athlètes ont été en mesure de recentrer et de rajuster leur attention pour se concentrer sur des actions et des émotions précises qui concernent le moment présent. Cela leur a également permis de mieux contrôler leurs pensées et de mettre l’accent sur des situations complexes. Cet entraînement a aidé les athlètes à utiliser leur mémoire active pour vivre l’expérience du moment présent, notamment en prenant des respirations contrôlées, ce qui leur permet d’ancrer leur corps et esprit au moment immédiat et aux tâches à accomplir. Enfin, les TEA ont rehaussé le sentiment de maîtrise de soi des athlètes et ont permis à ceux-ci de recentrer la motivation sur eux-mêmes, ce qui a amélioré leur estime de soi. Les athlètes se sont donc concentrés davantage sur leur personne et leur performance et ont été moins distraits en raison de facteurs de stress externes (entraîneur, public, autres athlètes, etc.).
Stress et épuisement
Parallèlement aux conclusions de l’étude précédente, Moen, Firing et Wells4 ont voulu se pencher sur la façon dont les TEA ont une incidence sur le stress et la performance des athlètes élites juniors. Ils ont émis l’hypothèse que les TEA peuvent réduire le niveau de stress perçu des athlètes et rehausser leur performance sportive perçue. Les auteurs sont d’avis que les TEA permettent aux athlètes d’éliminer leurs pensées intrusives internes et de se concentrer sur les stimulants bénéfiques. Les TEA ont démontré que les athlètes peuvent consciemment arrêter de porter leur attention sur le stress, l’anxiété et leurs préoccupations, et elles semblent même réduire le niveau de stress perçu des athlètes. L’entraînement de la sensibilisation des athlètes à l’égard de leurs pensées et de leurs émotions leur permet d’accroître leur capacité de stabiliser l’attention sélective, de changer leur attention de place et de diviser celle-ci pour réduire leur anxiété et leur stress. On va même plus loin en mentionnant que la performance serait améliorée grâce aux TEA, car l’athlète serait en mesure de prendre le contrôle de son attention et de passer moins de temps et d’énergie sur la gestion du stress, de l’anxiété et de préoccupations pour consacrer plus de temps à la performance. Une étude secondaire réalisée par les mêmes auteurs3 a démontré que ce concept est également vrai pour prévenir l’épuisement des jeunes athlètes. En ayant un meilleur contrôle de la pleine conscience et de l’attention, les athlètes peuvent être conscients des émotions négatives ou distrayantes et des facteurs stressants, afin de les oublier intentionnellement pour se concentrer sur des comportements de l’attention positifs et des stratégies d’adaptation.
Les TEA semblent donner de nombreux avantages aux jeunes athlètes sur le plan du développement de la performance. En effet, on remarque des améliorations de la performance lorsque l’athlète met en pratique sa capacité de prendre une conscience volontaire des facteurs de stress ou de distraction extérieurs, lorsqu’il concentre son attention sur le moment présent ou lorsqu’il met l’accent sur la tâche à faire. On remarque également des améliorations lorsque l’athlète met à profit sa capacité de se concentrer sur des motivations internes de manière à être stimulé par ses propres objectifs au lieu de mettre l’accent sur des jugements externes. Bien que ces études montrent des tendances positives à l’égard des TEA, d’autres recherches doivent être faites pour examiner ces scénarios prometteurs plus en profondeur.