Le Groupe de recherche sur l’exercice physique adapté (GREPA) de l’Université de Windsor exploite le pouvoir de transformation du sport et de l’activité physique par l’entremise de programmes inclusifs et sans obstacles pour les adultes atteints de déficience intellectuelle et de développement (DID). En collaboration avec la Community Living Essex County, le GREPA offre un entraînement physique individuel dirigé par des bénévoles dans le centre de remise en forme de l’Université de Windsor. L’objectif du présent article est de résumer nos principales conclusions et recommandations issues de près d’une décennie de mise en œuvre des programmes du GREPA dans notre communauté.
Le sport et l’activité physique dans la communauté des personnes atteintes de DID
Les adultes atteints de DID (y compris les troubles du spectre autistique et le retard dans le développement) ont tendance à faire moins d’activité physique que la population en développement normal, et sont donc en moins bonne santé et condition physique (Hsieh et coll., 2015; Li et coll., 2018). Heureusement, les données indiquent que l’augmentation des loisirs actifs dans cette population peut améliorer leur bien-être physique, social et émotionnel (Anderson et coll., 2013; Peterson et coll., 2008; van Schrojenstein Lantman-de Valk, 2005). Au-delà des avantages individuels, la participation peut également remettre en question les préjugés sur les capacités des personnes atteintes de DID, stimulant ainsi le changement social vers une plus grande inclusion.
Toutefois, il existe de nombreux obstacles à l’activité physique pour ces personnes, notamment des facteurs physiologiques, un manque de confiance en soi, des problèmes de transport, des limitations financières, une méconnaissance des possibilités, un soutien négatif de la part des soignants et des décideurs, et l’absence de politiques claires concernant l’engagement dans une activité régulière dans les programmes de services résidentiels et de jour (Bodde et Seo, 2009; van Schijndel-Speet et coll., 2014). Les facteurs clés de l’activité physique peuvent être le plaisir, le soutien des autres, les contacts sociaux, l’amitié, la familiarité et une routine régulière des activités quotidiennes (van Schijndel-Speet et coll., 2014).
Grâce aux programmes du GREPA, nous avons facilité la participation au sport et à l’activité physique de plus de 200 personnes atteintes de DID. Ce faisant, nous avons commencé à nous attaquer à ces obstacles et à tirer profit des éléments facilitateurs (p. ex. les moyens de transport, les abonnements à prix réduit à des salles d’entraînement, un environnement d’entraînement amusant, les routines de programmes uniforme, des bénévoles formés pour être solidaires et positifs). Nos participants ont amélioré leur santé et leur bien-être, ce qui s’est traduit par des améliorations dans de nombreux aspects de leur vie, tels que l’engagement accru dans les activités de la vie quotidienne, la préparation générale de leur condition physique pour les Jeux olympiques spéciaux et une meilleure gestion des situations sociales quotidiennes. En fait, après avoir participé à un programme du GREPA, une de nos participantes a acquis les compétences et la confiance nécessaires pour manger au restaurant avec sa famille pour la première fois de sa vie.
Résultats des participants au GREPA
Les participants aux programmes du GREPA sont généralement des adultes atteints de DID qui reçoivent des services de la Community Living Essex County. Des étudiants bénévoles sont formés et jumelés avec ces participants et les guident tout au long d’un programme de 12 semaines comprenant des séances d’exercice individualisées qui consistent en un échauffement, un entraînement cardiovasculaire (p. ex. un vélo stationnaire), un entraînement de la force pour tout le corps à l’aide de machines de musculation et de poids libres, un volet sports et jeux qui permet de jouer de façon non structurée dans un cadre de groupe, et un exercice de refroidissement du corps qui comprend un étirement statique. Les séances durent 90 minutes et ont lieu deux fois par semaine. Afin d’évaluer l’efficacité des programmes du GREPA pour améliorer la santé de cette population, nous avons recueilli et analysé plusieurs mesures de la condition physique au cours de la dernière décennie. Des données pour le suivi des progrès et à des fins de recherche ont été recueillies au début, au milieu et à la fin du programme (p. ex. la force, la souplesse, le rythme cardiaque, la pression artérielle). Plusieurs participants, employés de soutien, bénévoles, membres de la famille et spectateurs ont également participé à des entrevues de recherche pour nous aider à mieux comprendre leurs expériences subjectives dans le cadre du programme du GREPA. Nous avons fait de nombreuses observations des participants qui ont montré le pouvoir du sport et de l’activité physique pour le changement social.
Force et conditionnement
Dans une précédente cohorte du GREPA (Carr et coll., mai 2015), nous avons observé des augmentations significatives de la force du haut du corps (flexion isométrique du coude), de la force du bas du corps (extension isométrique du genou), et de la flexibilité (test de portée en position assise) chez les participants avant et après le programme. La force du haut du corps a augmenté d’environ 39 %, la force du bas du corps a connu une hausse d’environ 13 %, et la flexibilité a grimpé de 55 %. La fréquence cardiaque et la pression artérielle au repos n’ont pas présenté de changements considérables. Dans l’ensemble, il est apparu qu’un programme de force et de conditionnement adapté aux personnes atteintes de DID pouvait apporter des avantages pratiques pour la santé des participants et constituait une option de service intéressante.
Dépenses énergétiques
Dans une autre étude (Tillich et coll., avril 2018), les données des brassards BodyMedia® SenseWear de nos participants ont montré que plus d’énergie était utilisée pendant les sports et les jeux non structurés et l’entraînement cardiovasculaire que pendant l’entraînement musculaire. L’entraînement cardiovasculaire était généralement effectué sur un vélo stationnaire et les sports et jeux comprenaient des activités telles que le basketball, le badminton et le frisbee. Ces composantes du programme se déroulaient généralement pendant 20 à 30 minutes et se sont révélées être des options d’exercice accessibles pour atteindre une dépense énergétique suffisante qui peut avoir des effets bénéfiques sur la santé. Les sports et les jeux non structurés, en particulier, nécessitaient un minimum d’équipement, d’installations et d’expertise. De manière anecdotique, ils constituaient une expérience sociale amusante et agréable qui favorisait le jeu libre, l’autonomie et le choix, ce qui peut accroître l’adhésion à l’activité physique chez cette population.
Capacités motrices
Les problèmes de motricité, de coordination et de dextérité sont courants chez les personnes atteintes de DID. Ces déficiences peuvent rendre difficile l’exercice des activités de la vie quotidienne, des loisirs et de l’emploi. Dans un programme du GREPA précédent (Azar et coll., 2016), nous avons intégré l’entraînement de la dextérité motrice fine dans une atmosphère de jeu pendant un total de 20 minutes par séance, en plus de la composante « sports et jeux » qui met à l’épreuve la motricité globale et le temps de réaction. L’entraînement de la motricité fine a été mis en place dans le cadre d’un « parcours d’obstacles » qui consistait à manipuler divers petits objets tels que ramasser et trier des trombones de différentes couleurs et enfiler un écrou et un boulon (p. ex. courir jusqu’à un cerceau et faire 10 répétitions, puis sauter sur une table avec l’appareil à écrous et boulons). Nous avons utilisé des versions modifiées des 25 chevilles rainurées, d’une boîte et d’un bloc pour mesurer la motricité fine et globale, et nous avons eu recours à un test d’attrapage de bâton pour mesurer le temps de réaction. Les participants ont amélioré leur motricité fine et globale lors du test de rétention par rapport au niveau de référence. Il est important de considérer qu’il peut y avoir eu des effets de pratique (c’est-à-dire des influences sur les résultats des tests lorsqu’un test est effectué plus d’une fois). Cependant, nous avons conçu notre étude pour essayer de limiter ces effets. Nous avons également remarqué que les participants avaient des difficultés à exécuter le test d’attrapage de bâton pour le temps de réaction, de sorte qu’ils ne réagissaient pas à la chute du bâton, ce qui entraînait la chute du bâton de leurs mains jusqu’au sol. Après le programme, nous avons essayé d’utiliser un cylindre en mousse comme substitut plus confortable au bâton métallique, que les participants semblaient préférer. Nous avons suggéré que les futures recherches mesurant le temps de réaction des personnes atteintes de DID essayent cette approche ou envisagent d’autres moyens tels que les tests informatisés (voir Bested et coll., sous presse). Dans l’ensemble, nous avons conclu que les politiques et les programmes qui encouragent la participation sportive et le développement des aptitudes motrices dans les cas de DID sont utiles et peuvent contribuer à améliorer l’intégration et l’indépendance des communautés.
Résultats de la communauté du GREPA
Les membres de la communauté qui entoure les personnes atteintes de DID sont des acteurs clés dans les expériences d’activité physique des participants. Cette communauté est également une cible importante pour le changement social en ce qui concerne les attitudes et les comportements qui sont plus inclusifs pour les personnes handicapées. Nous avons mené plusieurs entrevues avec des spectateurs, des bénévoles et des travailleurs de soutien associés au programme du GREPA afin d’évaluer la capacité de notre programme en matière de changement social.
Spectateurs
Comme les personnes handicapées sont moins susceptibles de participer à des activités de loisirs si elles perçoivent des attitudes négatives de la part des autres membres de la communauté (Choi, Johnson et Kriewitz, 2013), nous avons examiné les effets du programme du GREPA sur les membres du gymnase (c’est-à-dire les spectateurs du programme). Nous avons constaté que le programme du GREPA a influencé positivement les attitudes de plusieurs spectateurs concernant l’intégration des personnes handicapées dans un environnement de remise en forme (McAllister et coll., 2018). Un participant a souligné l’importance de l’exposition :
« Je pense qu’il serait formidable si plus d’étudiants pouvaient y être exposés [au programme du GREPA]. Pas seulement les gens qui participent à la recherche, mais les spectateurs qui l’entourent. Plus les gens sont exposés aux personnes handicapées, plus ils comprendront, et moins ils seront susceptibles de faire de la discrimination. »
Un autre participant a souligné comment l’exposition aux programmes du GREPA peut servir de source de motivation pour les spectateurs pendant les séances d’entraînement :
« Quand ils [les spectateurs de la salle d’entraînement] recevaient un sourire de l’un de vos participants [atteintes de DID], ils étaient de meilleure humeur, donc c’était génial. C’était presque comme quelque chose de contagieux. »
Non seulement les participants tirent profit de l’exercice, mais leur participation a également un effet positif sur les autres utilisateurs de la salle d’entraînement.
Bénévoles
La participation à des activités physiques par des personnes atteintes de DID peut remettre en question les idées reçues sur les capacités de ce type de personne. Nous avons évalué l’effet du bénévolat en tant que mesure de préparation physique et personnelle pour les programmes du GREPA et nous avons constaté que cette expérience remettait en question les conceptions préexistantes des bénévoles sur les DID. Les bénévoles ont également reconnu la capacité des participants à acquérir de nouvelles compétences et à réaliser des activités qui sont généralement hors de portée des possibilités imaginables. Par exemple, un bénévole a déclaré :
« Nous avons commencé avec des machines à poids et c’était intéressant de voir qu’ils pouvaient le faire. Une autre surprise aussi a été qu’ils pouvaient s’entraîner avec des poids libres. Ils peuvent faire la plupart des choses que peuvent faire les personnes non autistes. »
Nous avons également constaté que les bénévoles estimaient que les compétences acquises grâce au programme du GREPA (p. ex. la patience, l’humilité) contribueraient à favoriser un état d’esprit inclusif dans les futures carrières et activités bénévoles, ce qui pourrait créer un effet d’entraînement dans lequel la réduction des stigmates liés aux DID pourrait donner naissance à une communauté plus inclusive.
Travailleurs de soutien
Les participants au programme du GREPA étaient souvent accompagnés par un accompagnateur personnel pendant la durée du programme. Nous étions curieux de connaître le point de vue de l’assistant personnel au sujet des programmes du GREPA (Carr et coll., avril 2014). Les travailleurs de soutien ont souligné l’importance d’assurer une structure de programme uniforme et l’accès à des ressources qui ne sont généralement pas disponibles dans la communauté (p. ex. des étudiants bénévoles de premier cycle, des installations). En ce qui concerne l’uniformité, les travailleurs de soutien ont estimé que l’activité physique serait plus engageante pour les personnes atteintes de DID lorsque l’ordre et le type d’activités proposées sont prévisibles et lorsque les mêmes bénévoles reviennent pour que les participants voient des visages familiers. Les travailleurs de soutien ont également noté que les programmes du GREPA ont réussi à faciliter les interactions sociales, à renforcer la confiance et à offrir des possibilités uniques et nouvelles :
« Il est nettement plus sociable dans tous les aspects de la vie maintenant. Nous pouvons certainement voir que cela n’est arrivé que depuis la mise en œuvre de ce programme. Bon nombre de ces compétences ont été encouragées et développées [dans le cadre du programme]. »
Les travailleurs de soutien perçoivent les avantages comme étant dérivés à la fois des relations entre les participants et les bénévoles et des relations entre les participants et les bénévoles. En fin de compte, les travailleurs de soutien ont reconnu que les programmes du GREPA offraient aux participants des avantages qui allaient bien au-delà des résultats physiques.
Incidences sur les politiques de sport adapté
L’adaptation des programmes d’exercices pour les personnes souffrant DID est une tâche gratifiante et utile qui profite aux participants, à leur communauté et à la société. Nous encourageons vivement à ce que les politiques soutiennent des programmes d’exercices adaptés aux personnes atteintes de DID dans des cadres communautaires. Ces programmes offrent un large éventail d’avantages tant aux participants qu’aux membres de la communauté au sens large. La participation aux programmes du GREPA confère aux personnes des compétences transférables à l’engagement social et à la main-d’œuvre. En outre, lorsque les membres de la communauté sont exposés à des personnes handicapées, on tend à mieux apprécier leurs capacités, ce qui se traduit par une plus grande acceptation (p. ex. les pratiques d’embauche) et une société plus inclusive.
Les programmes du GREPA ont également démontré la force des partenariats entre la communauté et le monde universitaire et leur capacité à tirer profit de la coopération. Pour qu’un programme de la taille et de l’ampleur du nôtre puisse fonctionner, nous avons eu besoin des services de travailleurs de soutien et d’administrateurs de la Community Living Essex County, ainsi que de la coopération du département des loisirs de l’université, en particulier du personnel et de la direction du centre de conditionnement physique de The Forge (p. ex. pour organiser les besoins en aide et offrir des abonnements à prix réduit). Du point de vue de la Community Living Essex County, nous avons pu apporter un grand nombre d’étudiants bénévoles ayant une formation en anatomie humaine et en sciences de l’exercice. Les fonds alloués à des collaborations similaires dans d’autres endroits pourraient offrir des possibilités intéressantes tant pour les étudiants que pour les participants.
Nous pensons que l’adaptation du sport et de l’activité physique sera particulièrement importante dans les programmes post-pandémie, surtout compte tenu des difficultés que cette communauté a connues en période de pandémie, au point de recevoir une attention nationale dans les grands médias (p. ex. Brown, 9 mai 2020). Les perturbations de la routine ainsi que le manque de programmes nécessitent un retour rapide et sûr au sport et à l’activité physique pour les personnes atteintes de DID.
Mot de la fin concernant les personnes atteintes de DID
La participation à un programme d’exercice physique peut améliorer votre santé mentale et physique. Lorsque vous faites de l’exercice dans un gymnase communautaire, vous pouvez également avoir un effet positif sur les personnes qui vous entourent en les aidant à mieux comprendre vos capacités. Il existe de nombreuses façons de faire des exercices qui vous sont bénéfiques, comme faire du sport, soulever des poids et faire du vélo. Les accompagnateurs et les bénévoles vous aideront à commencer votre parcours de remise en forme en vous aidant à choisir des activités sûres et agréables.
Ressources recommandées
Pour obtenir du soutien dans la mise en œuvre d’un programme d’activité physique pour les adultes atteints de DID dans votre communauté, consultez le manuel d’exercices du GREPA pour les adultes atteints de troubles du développement et le catalogue vidéo d’exercices qui l’accompagne.
Pour une liste des 10 principales recommandations pour créer un programme d’exercices réussi pour les personnes ayant une DID, consultez ce billet de blogue du SIRC.
Remerciements
Le GREPA est très reconnaissant envers la Community Living Essex County et ses sources de financement pour leur partenariat et leur soutien dans la facilitation de ses programmes : le ministère de la Promotion de la santé de l’Ontario, le Réseau communautaire de soins spécialisés du Sud, la subvention de recherche en kinésiologie, le fonds de priorités stratégiques de UWindsor 2013, la division des troubles de développement de la Schulich School of Medicine and Dentistry, le fonds Communautés en action, le fonds pour les initiatives locales de réduction de la pauvreté, la subvention de croissance de la fondation Ontario Trillium, et le département d’athlétisme et de loisirs de l’Université de Windsor. Le GREPA recherche actuellement des sources de financement supplémentaires pour poursuivre ses programmes. Nous tenons surtout à remercier les participants, le personnel de soutien et les familles pour leur dévouement et leurs efforts.