De nos jours, tout est à portée de main. Cependant, l’étude des comportements complexes est encore un processus qui prend du temps. La nature complexe du comportement lorsqu’il s’agit de sport et d’activité physique, particulièrement chez les enfants et les adolescents, est un domaine que de nombreux décideurs, administrateurs et autres intervenants du système sportif canadien tentent de mieux comprendre, que ce soit pour influencer les résultats pour la santé ou pour favoriser les inscriptions auprès des clubs. La recherche longitudinale joue un rôle important dans la compréhension des facteurs qui influencent ces changements pour améliorer les politiques et les pratiques et provoquer des changements de comportement.
De vastes études longitudinales comme l’étude sur les comportements liés à la santé des enfants d’âge scolaire (HBSC) et l’Enquête canadienne sur les mesures de la santé (Carson, Tremblay, Chaput et Chastin, 2016; Haug, Torsheim et Samdal, 2008) fournissent des aperçus représentatifs du niveau de participation d’une population à des activités physiques et sportives. Ce type de recherche permet de mesurer de nombreuses variables et de comparer différents groupes au sein d’une grande population à un moment donné. Cependant, ils n’ont pas la capacité d’établir des séquences d’événements.
En revanche, les études longitudinales nous permettent d’observer les changements de comportement et d’identifier diverses tendances au fil du temps, en l’occurrence la participation au sport et à l’activité physique. Elles donnent un aperçu unique de la façon dont les comportements sont affectés par les transitions de la vie telles que le changement d’école, la puberté et les changements dans les cercles sociaux. Comme les études longitudinales suivent les mêmes personnes au fil du temps, elles permettent de déceler les développements tant en ce qui concerne les groupes que les individus, et d’établir les facteurs et les résultats liés aux différents modèles de participation au sport et à l’activité physique. Par exemple, les enfants peuvent être très actifs pendant quelques années, puis abandonner soudainement l’école à l’adolescence. Les études longitudinales nous permettent de savoir précisément quand le décrochage survient et pourquoi. Comprendre ce qui influence les comportements en matière de sport et d’activité physique favorise l’élaboration de programmes adaptés aux besoins de chaque collectivité, école ou club sportif.
QU’EST-CE QUE L’ÉTUDE MATCH ?
L’étude MATCH (Monitoring Activities of Teenagers to Comprehend their Habits) est unique au monde (Bélanger et coll., 2013). Elle a suivi près de 1 000 enfants âgés de 10 à 17 ans pendant huit ans. Les participants ont rempli des questionnaires administrés trois fois par année au sujet de leur niveau de participation à des sports et à des activités physiques spécifiques, des motifs qui y sont associés et des principales influences, notamment le temps passé devant un écran, le sommeil, les obstacles à la participation et les événements de la vie.
MATCH a récemment terminé son 24e et dernier cycle de sondage en juin 2019. Depuis 2011, elle sert de base à la compréhension des déterminants de la participation au sport et à l’activité physique ainsi que des facteurs qui influencent ces comportements. À ce jour, les résultats de MATCH ont fait l’objet de six thèses d’étudiants diplômés, de 20 manuscrits publiés ou à l’étude et de 60 présentations à des conférences universitaires. Les analyses sont toujours en cours, mais certaines des principales constatations sont résumées ci-dessous.
LA PARTICIPATION AU SPORT ET À L’ACTIVITÉ PHYSIQUE DE L’ENFANCE À LA FIN DE L’ADOLESCENCE
Le modèle de développement de la participation sportive de Côté indique que les enfants de 10 ans et plus peuvent être classés selon trois profils de participation sportive :
- les échantillonneurs sportifs (qui pratiquent de nombreux sports différents au cours d’une année);
- les spécialistes du sport (qui se concentrent sur un sport tout au long de l’année);
- les non-participants (qui ne font pas de sport).
Les données de MATCH ont renforcé ce modèle en élaborant des définitions opérationnelles des profils de participation au sport pour permettre de documenter le parcours naturel des participants de 10 à 15 ans dans ces profils (Gallant, O’Loughlin, Brunet, Sabiston et Bélanger, 2017). Les résultats montrent que les enfants qui n’ont pas fait de sport avant l’âge de 12 ans sont presque trois fois plus susceptibles de ne pas en faire plus tard à l’adolescence. De plus, les enfants qui pratiquaient une grande variété de sports avant l’âge de 12 ans (échantillonneurs sportifs) étaient plus susceptibles de faire du sport à l’adolescence. Par contre, ceux qui se spécialisaient dans un sport étaient plus à risque d’abandonner le sport par la suite. Ces résultats concordent avec les données de plus en plus nombreuses sur la valeur de la participation multisports pour les pratiques d’activité physique soutenue, soulignant le besoin pressant pour les parents, les entraîneurs et les autres dirigeants sportifs des jeunes d’encourager la participation à une variété d’activités sportives et physiques. Les données probantes appuient également les initiatives et les programmes récents qui font la promotion d’une approche multisports, comme l’initiative Jouez à plus de sports.
De plus, les premières analyses des données MATCH ont révélé que l’ordre d’importance des motifs de participation au sport et à l’activité physique chez les participants à l’étude est le suivant (Goguen Carpenter et coll., 2017) :
- plaisir (valeur d’intérêt inhérente à l’activité elle-même);
- condition physique et santé (être actif par désir d’être en santé et fort);
- compétence/défi (s’améliorer dans une activité, relever un défi ou acquérir de nouvelles compétences);
- affiliation sociale (pour être avec des amis et rencontrer de nouvelles personnes);
- apparence (être actif pour devenir plus attrayant physiquement, développer ses muscles ou contrôler son poids).
Toutefois, d’autres analyses des données de MATCH ont révélé que même si les motifs de plaisir influencent positivement la participation sportive des filles durant l’enfance, ils n’étaient pas liés au maintien de la participation sportive à l’adolescence. En revanche, les motifs de compétence influencent positivement la participation sportive des filles tout au long de l’enfance et de l’adolescence. Chez les garçons, les motifs liés à la condition physique ont eu une influence négative sur la pratique du sport pendant l’enfance et l’adolescence, tandis que les motifs liés au plaisir ont eu une influence positive sur la pratique du sport de l’enfance à l’adolescence (Abi Nader et coll., article à l’étude). Ces résultats confirment l’importance d’adapter les programmes pour retenir certains groupes de la population dans le sport. En particulier, les résultats de MATCH montrent que les entraîneurs, les enseignants et les concepteurs de programmes devraient donner la priorité aux activités amusantes et stimulantes, offrir des possibilités de perfectionnement des compétences et offrir des défis réalistes et réalisables.
INFLUENCE DE L’ENVIRONNEMENT SOCIAL ET PHYSIQUE SUR LA PARTICIPATION
Les chercheurs de MATCH ont constaté que les environnements de transport actifs (présence de trottoirs, de supports à vélos, de brigadiers, etc.) aident les enfants à être plus actifs (Ward et coll., 2015). Ceci est conforme à une autre analyse de MATCH, qui documente que les adolescents qui se rendent activement à l’école (marche, vélo, planche à roulettes, etc.) ou qui utilisent des méthodes mixtes (transport actif et motorisé) rapportent des niveaux d’activité physique plus élevés que les adolescents qui vont à l’école sans activité (Larouche, Gunnell et Bélanger, 2018). Toutefois, cette même étude a révélé que les déplacements actifs pour se rendre à l’école sont influencés par les saisons, les déplacements actifs diminuant pendant les mois les plus froids. Des initiatives telles que la « Semaine de marche ou de vélo pour se rendre à l’école en hiver » visant à accroître le transport actif pendant les mois d’hiver seraient bénéfiques pour maintenir les niveaux d’activité physique chez les adolescents.
En ce qui concerne l’environnement social, les données de MATCH indiquent que lorsque les parents appuient et facilitent la participation sportive des adolescents en les inscrivant à des activités physiques, en les conduisant à des pratiques et en les encourageant verbalement, les adolescents sont plus susceptibles de pratiquer une activité physique (Wing, Bélanger et Brunet, 2016). D’autres analyses de MATCH ont également démontré que les jeunes dont au moins un parent participe à des sports de groupe sont plus susceptibles de maintenir une participation à long terme aux sports de groupe (Brunet, Gaudet, Wing et Bélanger, 2017). Il est intéressant de noter que la participation soutenue des adolescents aux sports individuels n’était pas associée à la participation sportive des parents.
OBSTACLES À LA PARTICIPATION
L’abandon du sport et de l’activité physique est une caractéristique malheureuse de l’adolescence pour la plupart des gens. Cette période est également marquée par l’émergence de facteurs de stress de la vie. Les résultats de l’étude MATCH ont révélé que l’apparition de facteurs de stress de la vie entraîne souvent une augmentation de la participation à des activités sportives et physiques non organisées (exercices à la maison, corde à sauter, trampoline), ce qui donne à penser que ces activités peuvent représenter une stratégie pour faire face aux expériences comme la rupture, le deuil et un faible soutien parental (Abi Nader, Ward, Eltonsy et Bélanger, 2018). Étant donné qu’environ le tiers seulement des jeunes Canadiens et Canadiennes participent régulièrement à des sports non organisés, bon nombre d’entre eux n’ont peut-être pas accès à ce qui semble être un mécanisme pour faire face au stress de la vie (Barnes et coll., 2016).
AVANTAGES DE LA PARTICIPATION POUR LA SANTÉ MENTALE
Les chercheurs de MATCH ont constaté qu’au moins deux années de participation à l’échantillonnage sportif avant l’âge de 12 ans sont associées à une meilleure auto-évaluation de la santé mentale à l’adolescence, et que ceux qui ne pratiquaient pas de sport étaient moins susceptibles de connaître une santé mentale positive (Doré et coll., 2019). De plus, la participation à des sports récréatifs et de performance pendant l’enfance et l’adolescence est positivement associée à une santé mentale positive à la fin de l’adolescence. Dans le même ordre d’idées, les données de MATCH ont aidé à préciser que le temps passé à l’extérieur est bénéfique pour la santé mentale parce qu’il représente un lieu de participation à l’activité physique. Par conséquent, les bienfaits pour la santé mentale associés au temps passé à l’extérieur semblent largement attribuables à l’activité physique (Bélanger et coll., article à l’étude).
Aristote disait que le bonheur est le sens et l’objectif de la vie – le but entier de l’existence humaine. Les théories psychologiques suggèrent que les humains ont besoin de satisfaire des besoins psychologiques pour vivre une vie heureuse. Plus précisément, la théorie de l’autodétermination stipule que pour être heureux, il faut avoir des interactions sociales positives ainsi que des sentiments positifs de compétence et, finalement, des sentiments d’autonomie comme celui de pouvoir faire ce qu’on veut quand on veut (Deci et Ryan, 2000). Les résultats de l’étude MATCH appuient cette affirmation en démontrant que plus les adolescents déclarent avoir des interactions sociales positives pendant le sport et l’activité physique ainsi que des sentiments positifs de compétence et d’autonomie, plus ils sont actifs. De plus, lorsque l’activité physique augmente en raison d’une meilleure satisfaction de ces besoins psychologiques, la qualité de vie s’améliore (Brunet, Gunnell, Teixeira, Sabiston et Bélanger, 2016; Gunnell, Bélanger et Brunet, 2016; Gunnell, Brunet, Sabiston et Bélanger, 2016).
COMMENT LA RECHERCHE PEUT-ELLE CONTRIBUER À ÉCLAIRER LES POLITIQUES ET LES PRATIQUES?
Les études longitudinales telles que MATCH sont conçues uniquement pour documenter les tendances à long terme de la participation au sport et à l’activité physique. Comprendre les corrélations entre les modèles de participation des enfants et ceux de l’adolescence, ainsi que l’effet des transitions de la vie et des facteurs de stress sur la participation, peut éclairer les politiques et les programmes visant à accroître et à maintenir la participation au sport. Cela va de la promotion d’une approche multisports dans les programmes de sport pour les enfants à la promotion du sport non organisé et de l’activité physique comme moyen pour les adolescents de gérer le stress, en passant par la conception de programmes fondés sur le développement des habiletés dans des environnements sociaux amusants. Les ministères gouvernementaux, les établissements d’enseignement, les groupes de parents, les organismes de sport et d’activité physique et les collectivités peuvent tous être des utilisateurs potentiels des résultats de l’étude.
QUELLE EST LA PROCHAINE ÉTAPE POUR MATCH?
Bien que l’étude MATCH ait terminé son dernier cycle d’enquête en juin 2019, l’analyse des données recueillies au cours des huit dernières années ne fait que commencer. Les thèses terminées, les manuscrits et les présentations n’ont fait qu’effleurer la surface de ce que les données de MATCH peuvent nous aider à découvrir sur les subtilités de la participation au sport et à l’activité physique. Cet automne, MATCH organise un atelier intitulé « Comment gagner le MATCH », où les chercheurs de MATCH rencontreront les principaux partenaires et mobilisateurs de connaissances. Cet événement servira de tremplin pour la mobilisation des résultats de MATCH ainsi que pour la planification de futures recherches sur le sport et l’activité physique.
RESSOURCES
Pour plus d’information sur le projet MATCH, consultez son site Web ou visionnez ces deux vidéos – l’une expliquant le projet MATCH, l’autre soulignant les résultats du projet MATCH.