Contexte / Objectif
En réponse aux préoccupations croissantes qui s’expriment dans la société concernant le bon développement chez les jeunes, une abondante documentation laisse croire que les activités de loisir organisées peuvent servir de contexte optimal pour favoriser le développement positif chez les jeunes (Larson, 2000) et que le sport a toujours été considéré comme l’activité organisée la plus populaire chez les jeunes (Hansen & Larson, 2007). Bien que la participation au sport soit liée à de nombreux résultats positifs (p. ex. estime de soi, compétence et rendement scolaire accrus), celle-ci est également associée à des expériences et à des résultats négatifs (p. ex. consommation d’alcool accrue et faible degré de raisonnement moral) (voir Zarrett et coll., 2008 pour une étude). Ces résultats apparemment contradictoires ont une seule explication : la recherche actuelle a généralement considéré le sport comme une entité unique, sans tenir compte, dans une large mesure, de la diversité importante des philosophies, des structures, des objectifs et des atmosphères des programmes ou encore des approches d’entraînement (Gould & Carson, 2007). Par conséquent, l’objet de ce projet consistait à examiner les liens qui existent entre les caractéristiques de divers programmes de sport et les expériences liées au développement que connaissent les jeunes au sein de ces programmes.
Méthodes de recherche
Au nombre des participants, mentionnons 920 jeunes athlètes âgés de 10 à 18 ans (m=14.2, écart type=2.4; 53 p. 100 de garçons) répartis dans 32 sports différents (80 p. 100 de sports d’équipe, 20 p. 100 de sports individuels – p. ex. soccer, natation de compétition, hockey, volleyball, basketball, hockey sur gazon). Compte tenu de l’objet de l’étude, les participants ont été recrutés parmi un éventail de programmes de sport; ils sont issus de divers milieux sportifs (36 p. 100 à l’école, 64 p. 100 dans des clubs sportifs), possèdent des niveaux d’habiletés variés (à savoir, 39 p. 100 au niveau régional, 55 p. 100 au niveau provincial, 6 p. 100 au niveau national), et proviennent de l’ensemble des collectivités (population de 105 à 1,3 million d’habitants) de trois provinces (à savoir, Ontario, Alberta, Nouvelle-Écosse).
Afin d’évaluer les caractéristiques des programmes de sport, les participants ont dû répondre à de nombreuses questions au sujet de leur programme de sport, ce qui a mené à l’application de douze variables liées aux programmes : type de sport (d’équipe ou individuel), contexte du sport (club, école), nombre d’entraîneurs, chef d’équipe (oui, non), âge des entraîneurs, sexe des entraîneurs, durée d’entraînement (par année), durée de compétition (par année), sexe de l’équipe (mixte, même sexe), groupe d’âge des athlètes, taille de l’équipe et taille de la collectivité. Les données démographiques sur les participants ont également été recueillies, ce qui a mené à l’application de cinq variables liées aux individus : âge, sexe, années de participation, mois de naissance et niveau de compétition.
En vue de mesurer les expériences liées au développement que connaissent les jeunes au sein de leur programme de sport, les participants ont pris part à l’Enquête sur les expériences des jeunes par rapport au sport (Youth Experiences Survey for Sport), un outil en 37 points qui mesure les expériences vécues par les jeunes dans cinq domaines : a) habiletés personnelles et sociales, b) aptitudes cognitives, c) établissement d’objectifs, d) esprit d’initiative et e) expériences négatives.
Les analyses portaient sur cinq régressions multiples distinctes dans les cinq domaines de YES-S (cidessus) tenant lieu de cinq variables dépendantes. Compte tenu de la nature exploratoire de l’enquête, un modèle de régression pas à pas a été utilisé, et la totalité des 17 variables indépendantes ont été incluses dans chacun des cinq modèles.
Résultats
Dans la première analyse de régression, nous avons constaté que sept pour cent de la variance au niveau des habiletés personnelles et sociales étaient attribuables à des variables explicatives. Parmi celles-ci, mentionnons le type de sport, la durée d’entraînement et le sexe de l’équipe. En particulier, les jeunes qui pratiquaient des sports d’équipe, qui s’entraînaient plus intensivement et qui faisaient partie d’équipe mixte ont obtenu des notes plus élevées en ce qui concerne les habiletés personnelles et sociales.
Dans la deuxième analyse de régression, sept pour cent de la variance au niveau de l’esprit d’initiative étaient attribuables à des variables explicatives. Comme le sexe de l’entraîneur représentait une variable explicative importante de l’élaboration d’initiatives, les programmes auxquels prenaient part des entraîneurs du même sexe que celui des athlètes (à savoir, hommes encadrant des garçons, femmes encadrant des filles ou hommes et femmes encadrant des équipes mixtes) étaient associés à un plus grand nombre d’expériences liées au développement de l’esprit d’initiative.
Dans la troisième analyse de régression, neuf pour cent de la variance au niveau des aptitudes cognitives étaient attribuables à des variables explicatives, l’âge étant la seule variable importante. Par conséquent, les athlètes plus âgés avaient vécu un plus grand nombre d’expérience liées au développement des aptitudes cognitives. Enfin, dans la quatrième et la cinquième étude de régression, comme il n’y avait aucune variable explicative importante, aucune des variances au niveau de l’établissement d’objectifs et des expériences négatives n’était attribuable aux 17 variables explicatives.
Incidences sur les politiques et orientations futures
Les résultats ont une incidence importante sur l’augmentation de la pratique du sport chez les jeunes et mettent en évidence les domaines susceptibles de faire l’objet de nouvelles recherches.
Premièrement, nous avons constaté que des durées d’entraînement plus longues étaient liées à des notes plus élevées chez les jeunes en ce qui a trait à l’acquisition d’aptitudes personnelles et sociales. Le Modèle de développement à long terme du participant/de l’athlète offre des recommandations en ce qui concerne les taux d’entraînement et de compétition tout au long des étapes du développement et accorde une grande importance à la compétition en fonction de l’âge et du niveau. De toute évidence, bien que la compétition soit importante pour l’acquisition d’habiletés techniques et de stratégies tactiques, il semble que l’entraînement offre un contexte plus favorable à l’acquisition d’habiletés personnelles et sociales importantes et que celui-ci ne devrait pas être négligé. Par conséquent, il importe que les politiques et les pratiques reconnaissent la valeur de la durée d’entraînement par opposition à la durée de compétition dans le développement personnel de l’athlète.
Deuxièmement, nous avons remarqué que les équipes composées de membres des deux sexes étaient liées à des notes plus élevées en ce qui concerne l’acquisition d’aptitudes personnelles et sociales. Ces résultats soulignent le besoin d’envisager des méthodes qui offrent aux jeunes de nombreuses possibilités de pratique du sport au sein d’équipes mixtes, que ce soit, par exemple, lors de matchs hors concours ou de camps d’entraînement.
Troisièmement, les sports d’équipe sont également liés à des notes plus élevées pour ce qui est de l’acquisition d’aptitudes personnelles et sociales. On pourrait supposer que ce résultat peut s’expliquer, du moins en partie, par le caractère interactif des sports d’équipe. D’autres recherches pourraient examiner la façon dont les sports individuels peuvent également favoriser l’acquisition des aptitudes personnelles et sociales comme le leadership et l’esprit d’équipe.
Quatrièmement, nous nous sommes particulièrement intéressés au résultat selon lequel l’appariement d’entraîneur et d’athlète de même sexe était associé à des notes plus élevées pour ce qui est de l’acquisition de l’esprit d’initiative. Ces résultats laissent croire que nous devrions favoriser l’encadrement de filles par des femmes, l’encadrement de garçons par des hommes et l’encadrement d’équipes mixtes par des entraîneurs des deux sexes lorsqu’il s’agit de développer l’esprit d’initiative. Par conséquent, ces résultats soulignent l’importance continue du programme Les entraîneures. En particulier, le programme pourrait accorder la priorité à la formation et au placement de femmes entraîneurs au sein d’équipes composées de jeunes femmes seulement et d’équipes mixtes. D’autres recherches pourraient aussi mettre l’accent sur la raison pour laquelle l’appariement d’entraîneur et d’athlète de même sexe pourrait favoriser l’acquisition de l’esprit d’initiative chez les jeunes sportifs.
Pour conclure, nous considérons qu’il est aussi important de prendre note des résultats non significatifs de notre étude. Nous avons été quelque peu surpris par nos résultats selon lesquels les caractéristiques de programmes de sport examinées n’ont pas permis de prévoir le développement des jeunes dans trois des cinq domaines (à savoir, aptitudes cognitives, établissement des objectifs ou expériences négatives) et selon lesquels huit des douze caractéristiques de programmes examinées (à savoir, contexte du sport, nombre d’entraîneurs, chef d’équipe, âge des entraîneurs, durée d’entraînement, groupe d’âge des athlètes, taille de l’équipe et taille de la collectivité) n’ont pas permis de prévoir des expériences liées au développement. Par ailleurs, lorsque les variables liées au programme étaient importantes, un très faible pourcentage de variance seulement au niveau des expériences liées au développement était attribuable à ces variables. Malgré ce résultat, il ressort de la recherche que les programmes de sport pour les jeunes peuvent favoriser des expériences et des résultats positifs et négatifs en matière de développement (Zarrett et coll., 2008). Par conséquent, d’autres études devront être menées sur la question. La recherche et les politiques futures devraient peut-être mettre l’accent sur d’autres facteurs au sein des programmes pouvant contribuer aux expériences liées au développement des jeunes dans le sport plutôt que sur les variables liées aux programmes. À titre d’exemple, un nombre croissant d’ouvrages mettent l’accent sur le rôle essentiel de l’entraîneur dans l’acquisition d’expériences positives liées au développement chez les jeunes (p. ex. Camiré et coll., 2011), ce qui souligne le besoin de mieux comprendre le rôle et les caractéristiques des entraîneurs, de même que leurs processus et mécanismes d’encadrement, afin d’optimiser l’affectation et la répartition des ressources au profit d’un développement positif chez les jeunes.
Principaux intervenants et avantages
ONS, OPS, Sport pur, programme Les entraîneures, ACSV, SportJeunesse, EPS