Pour plusieurs organismes sportifs, se doter d’officiels qualifiés et les retenir est un défi. Pourrions-nous favoriser leur rétention en leur demandant d’en faire plus? Ça peut sembler contre-intuitif, mais des recherches sur les défis rencontrés par les officiels sportifs et leurs motivations suggèrent que « l’arbitrage approprié au stade de développement » favoriserait la rétention des officiels tout en contribuant à des expériences sportives de qualité pour les jeunes athlètes.
Les organismes sportifs canadiens rapportent constamment qu’il leur est difficile de recruter et de retenir des bénévoles, qui sont pourtant indispensables. Les officiels sportifs, qu’ils soient rémunérés ou non, jouent un rôle clé, et les compétitions organisées dépendent souvent d’eux. Le travail d’un arbitre est souvent exigeant aux niveaux technique et physique, demande une formation adéquate et de l’expérience, et implique un niveau élevé de stress lié à la prise de décisions (Mascarenhas, Collins et Mortimer, 2005) et à la gestion des plaintes et des comportements agressifs des joueurs, entraîneurs et spectateurs (Ackery, Tator et Snider, 2012). Il n’est pas surprenant qu’il y ait un taux de départ élevé parmi les nouveaux officiels, certaines sources affirmant même que le hockey canadien perd jusqu’à 10 000 officiels chaque année (Gollom, 2014).
Susan Forbes, Ph. D., et Lori Livingstone, Ph. D. (2016) de l’Institut universitaire de technologie de l’Ontario, rapportent que « les abandons dans les rangs des officiels au niveau amateur sont un problème chronique, répandu et mondial. Des taux de départs annuels de 20% à 30 % dans la plupart des sports nécessitent continuellement du temps, des efforts et de l’argent pour recruter et former les nouveaux officiels ». Dans ce contexte, les organisations sportives ont choisi de se concentrer sur le recrutement d’officiels et de leur apporter du soutien sur une période suffisante pour qu’ils développent leur expertise et leur efficacité. Les recherches académiques ont examiné le stress que vivent les officiels et les facteurs qui influencent leur décision de rester à leur poste. Un plus petit groupe de recherche s’est quant à lui penché sur le développement des officiels et les aptitudes principales requises pour être efficace. Les organisations soutiennent-elles et développent-elles les officiels en s’inspirant des pratiques efficaces tirées de ces recherches?
Pour ce qui est des officiels qui n’ont pas participé de façon continue au hockey, Forbes et Livingstone (2013) ont conclu que « les nouveaux officiels inexpérimentés étaient plus susceptibles de mentionner le stress/des facteurs psychologiques (p.ex. abus verbal, menace de violence), tandis que les officiels expérimentés et en service depuis longtemps étaient plus enclins à mentionner leurs objectifs de carrière ou des raisons familiales pour quitter leur emploi ». De plus, « …les officiels qui ont mis un terme à leur participation avaient une opinion négative de leurs associations locales de hockey, attribuable au manque (1) d’opportunités de gravir les échelons; (2) de structure de rémunération appropriée pour les payer à juste titre; (3) de soutien pour les aider à remplir leurs fonctions au meilleur de leurs habiletés (p.ex., formation); (4) de considération accordée aux meilleurs intérêts des officiels lorsqu’ils prennent des décisions qui les touchent; et (5) de reconnaissance de leurs efforts ». (Forbes et Livingston, 2013). Ces conclusions confirment des résultats de recherche semblables portant sur le « soutien organisationnel perçu » (SOP), rapporté par les mêmes auteurs (Livingston et Forbes, 2016). En théorie, quand un individu croit qu’une organisation valorise sa contribution et se soucie de son bien-être, le SOP est élevé et cette personne aura plus tendance à s’investir dans l’organisation; toutefois, lorsque le SOP est faible, il y a de plus grandes chances d’absentéisme et de départ. Ainsi, afin de retenir les jeunes officiels, ce sont les organismes sportifs qui devraient en faire plus pour les protéger des abus. Pour ce qui est des officiels plus expérimentés et plus âgés, les organismes devraient les soutenir davantage, en investissant par exemple dans la formation continue ou en leur donnant plus d’opportunités de donner leurs commentaires et de participer aux décisions.
Est-ce que demander aux officiels d’en faire encore plus les aiderait à se sentir plus impliqués et mieux soutenus? D’un côté, demander à des bénévoles ou à des officiels à temps partiel et souvent sous-payés d’accepter une plus grande charge de travail ressemble à une façon de les inciter à quitter, et non à les retenir. Mais d’un autre côté, les recherches fournissent des éléments de réponse. Beaucoup de chercheurs ont examiné la motivation et le désir de continuer chez les officiels sportifs, et la plupart affirment que c’est « la passion pour le sport » qui est le principal facteur de motivation pour devenir arbitre sportif (Auger et al., 2010; Gray et Wilson, 2010; Bernal, Nix et Boatwright, 2012; Cuskelly et Hoye, 2013; Forbes et Livingston, 2013). Et si, en impliquant de façon plus étroite les officiels au développement de l’athlète et au sport de qualité, leur capacité à venir en aide au sport qu’ils aiment et le SOP s’amélioraient et que les abus diminuaient?
Conformément au cadre de développement à long terme de l’athlète, plusieurs organisations canadiennes offrent maintenant des compétitions sportives modifiées pour les jeunes participants qui se situent aux premiers stades de développement. Elles comprennent des jeux et courses de plus petite durée, sur de plus petites surfaces ou pistes, ainsi que d’autres modifications amenées aux règles et à l’équipement. Dans ce contexte, on demande aux officiels de quelques sports d’arbitrer différemment pour les compétitions chez les jeunes, en permettant par exemple aux jeunes participants de faire « un autre essai » (p.ex. après avoir manqué une rentrée de touche) ou en leur donnant des conseils de vive voix (p.ex. « tu dois garder tes deux pieds par terre ») au lieu d’appliquer strictement le règlement. Toutefois, si on se fie aux observations de Le sport c’est pour la vie, ce n’est pas une situation répandue partout dans le système sportif canadien, et pour plusieurs sports, les officiels ne sont pas formés ou soutenus par des politiques et règlements permettant un « arbitrage approprié au stade de développement ». Par exemple, durant le stade « S’amuser grâce au sport » et au début du stade « Apprendre à s’entraîner », lorsque l’accent est mis sur le développement des habiletés de l’athlète, les officiels pourraient « orienter et rappeler » les athlètes; vers la fin du stade « Apprendre à s’entraîner », les officiels pourraient « avertir puis appliquer »; et au stade « S’entraîner à s’entraîner », ils pourraient appliquer les règlements traditionnels du sport. Cette approche rendrait la relation arbitre-entraîneur plus collaborative et potentiellement moins conflictuelle, en plus de créer un nouveau niveau de dialogue arbitre-organisation sur les meilleures façons de soutenir le développement des jeunes athlètes. Cela donnerait aussi aux officiels une meilleure idée de pourquoi les changements de règlements fondés sur le développement sont nécessaires, et leur permettrait d’amener leurs points de vue et partager leurs connaissances sur les meilleures façons d’intégrer ces changements.
Il peut sembler contre-intuitif de penser que demander aux officiels sportifs d’en faire plus plus les impliquerait davantage, et les inciterait à ne pas quitter. Mais les conclusions de la recherche suggèrent que les officiels sont motivés par leur amour du sport et qu’ils sont retenus en étant impliqués et soutenus par leurs organisations sportives. Faire en sorte que les officiels adoptent une approche centrée sur l’équipe afin d’offrir du sport de qualité grâce au développement à long terme pourrait s’avérer, surprenamment, très efficace.
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Un cadre pour les programmes de développement d’officiels