
Introduction et contexte
Au cours de la dernière décennie, le soutien aux athlètes réfugiés de haut niveau par l’intermédiaire du sport a fait l’objet d’une attention accrue, notamment en ce qui concerne les équipes internationales aux Jeux olympiques ainsi que les équipes nationales dans le nouveau pays de ces athlètes. Nombre d’entre eux ont participé à des compétitions internationales pour leur pays d’origine et cherchent à en faire autant au Canada, un chef de file mondial pour ce qui est de l’accueil d’athlètes réfugiés. Cependant, on ne connaît pas les expériences de transition vers un nouveau système sportif que vivent les athlètes réfugiés, ni la meilleure manière d’appuyer ces transitions. L’objectif de cette recherche consiste à explorer les expériences des athlètes réfugiés de haut niveau en matière de transition entre les organisations sportives de leur pays d’origine et celles de leur pays d’accueil. Cette recherche nous permet de mieux comprendre les transitions forcées, et formule une série de recommandations à l’intention des organisations sportives et de leur personnel dans le but d’appuyer les athlètes réfugiés de haut niveau. Ces derniers, lorsqu’ils sont appuyés, s’adaptent aux exigences de la transition et se montrent positifs en participant à des compétitions et en encadrant bénévolement des athlètes au sein de la collectivité.
Méthodes
En partenariat avec des membres de l’Olympic Refuge Foundation, nous avons interrogé 14 athlètes réfugiés de haut niveau qui ont émigré au Canada et participé à des compétitions nationales ou internationales. L’entretien a commencé par une activité de dessin artistique destinée à mettre les participants à l’aise et à établir un lien avec l’enquêteur. Cette œuvre a ensuite été placée au cœur de la conversation afin d’inviter les athlètes à communiquer leurs expériences de transition dans le système sportif canadien. Les données des entretiens ont fait l’objet d’une analyse thématique de manière à créer des thèmes représentant les expériences des athlètes.
Principales constatations et répercussions
Le premier thème, intitulé « Signification et migration », rend compte des expériences des athlètes lors de leur transition vers le système sportif canadien. Une transition consiste à quitter un emplacement pour un autre en prévision d’occasions sportives. Les athlètes réfugiés se distinguent des autres athlètes en transition, tels que les athlètes immigrés quittant leur pays, dans la mesure où leur migration initiale est forcée plutôt que volontaire. La nature de ces transitions fait en sorte que de nombreux athlètes réfugiés ont vécu une expérience chaotique et dû surmonter de multiples obstacles imprévus. Ces transitions ont souvent commencé par des sentiments d’espoir et d’autonomisation, les athlètes se sentant à l’abri du conflit qui a cours dans leur pays d’origine. Ces sentiments positifs se sont toutefois rapidement transformés en désespoir lorsqu’ils ont constaté les différences entre leur nouveau pays (le Canada) et leur ancienne patrie. Ces différences incluent des changements dans la politique sportive faisant en sorte qu’ils n’étaient plus autorisés à s’entraîner ou à participer à des compétitions, le manque d’infrastructures sportives dans les zones rurales, l’impact financier et la difficulté à établir des liens avec autrui dans une société culturellement différente. Bien que tous les athlètes aient été confrontés à ces obstacles, ceux qui ont pu trouver un sens personnel à ce processus se sont adaptés positivement par rapport à ceux qui ne l’ont pas fait.
Le deuxième thème, intitulé « Grandir après l’adversité », nous a permis d’étudier les facteurs qui ont facilité la capacité des athlètes à trouver un sens à leur vie. Ces facteurs ont été classés en facteurs individuels et facteurs environnementaux. Les athlètes ont déclaré à propos des facteurs individuels qu’il leur incombait de guérir de leur passé tout en avançant vers une vision d’avenir. Il s’agit de se fixer des objectifs allant au-delà du soi, par exemple être un modèle positif pour les jeunes réfugiés, et de faire correspondre ses valeurs personnelles à l’atteinte de ces objectifs. Les athlètes ont également déclaré que l’organisation sportive et les personnes qui la composent, telles que les entraîneurs et le personnel sportif, facilitaient leur capacité à trouver un sens à leur vie si leurs différences personnelles étaient appuyées et acceptées, si le personnel s’efforçait de tisser des relations de confiance et s’il trouvait des moyens de cultiver le sentiment d’appartenance au groupe.
Voici les considérations qui découlent de ces deux thèmes :
- Les politiques devraient être élaborées conjointement avec les athlètes réfugiés afin de s’assurer qu’elles tiennent compte de l’expérience de la migration forcée. Cela permettra d’apporter davantage de soutien aux athlètes qui s’efforcent de surmonter les obstacles de la transition.
- Les obstacles aux transitions des athlètes sont inévitables. Les athlètes qui parviennent à trouver un sens à leur transition s’adapteront sainement à leur nouveau contexte.
- Aider les athlètes à trouver un sens à leur vie signifie créer des environnements favorables à la croissance et à la responsabilité personnelle dans la recherche d’une signification à l’adversité. Les organisations sportives peuvent bâtir un tel environnement en appliquant trois recommandations :
- Il convient de renforcer la confiance dès le début de la relation. L’immersion initiale dans le pays d’accueil et l’environnement sportif peut être une expérience solitaire si l’on ne fait pas les présentations. Une visite guidée de l’organisation sportive présente à l’athlète à la fois l’environnement sportif et le personnel de soutien sportif.
- Au fil de l’évolution des relations, le personnel de soutien sportif doit appuyer les différences personnelles des athlètes. Pour ce faire, le personnel de soutien sportif doit apprendre et comprendre les besoins de l’athlète. Au fur et à mesure que ces besoins sont communiqués et que la confiance s’installe, le personnel de soutien sportif peut apporter son appui, au besoin.
- Il convient de renforcer le sentiment d’appartenance. Les repas partagés, le mentorat et la possibilité pour les athlètes de participer à des activités liées à l’environnement peuvent renforcer le sentiment d’appartenance.
Points forts et limites
Cette recherche est la première du genre à explorer les expériences des athlètes réfugiés de haut niveau en matière de transition vers un nouveau système sportif. À ce titre, sa force réside dans la richesse apportée par 14 athlètes de haut niveau. Sur les 14 participants, trois étaient des femmes, et l’une des limites concernait la représentation des athlètes féminines. De futurs chercheurs voudront peut-être étudier les besoins des athlètes réfugiées.
Conclusions et prochaines étapes
Malheureusement, avec les guerres et les conflits en cours dans le monde, il semble que la tendance à la migration forcée s’accentuera dans un avenir prévisible. Cela signifie que de nombreux athlètes de haut niveau et leurs familles chercheront à poursuivre leur carrière sportive dans de nouveaux pays. Les organisations sportives peuvent servir de plateforme à l’appui des besoins des athlètes réfugiés, qui s’adapte ensuite pour devenir culturellement inclusive. De leur côté, les athlètes réfugiés représenteront fièrement le Canada sur la scène internationale et au sein de leurs collectivités locales. En continuant à explorer la manière dont les milieux sportifs canadiens peuvent aider, ou ont aidé, les athlètes réfugiés à s’intégrer dans le système sportif canadien, nous découvrirons d’autres méthodes de soutien qui pourront être communiquées à l’échelle nationale.