Points saillants
- Il est prouvé que les étudiants-athlètes universitaires sont plus souvent en mauvaise santé mentale que la population générale.
- Pour mieux comprendre et soutenir la santé mentale dans le cadre du sport universitaire, une équipe de recherche de l’Université de l’Alberta a étudié comment des étudiantes-athlètes en bonne santé mentale abordaient leur saison.
- Les étudiantes-athlètes participant à l’étude ont adopté une approche différente de leur santé mentale à chaque étape de la saison :
- Avant la saison, les étudiantes-athlètes planifiaient leur emploi du temps pour la saison et établissaient leurs réseaux de soutien social afin de jeter les bases de leur santé mentale.
- Pendant la saison, les étudiantes-athlètes gèrent leurs engagements, communiquent avec les entraîneurs et recherchent des éléments positifs pour maintenir leur santé mentale.
- Après la saison, les étudiantes-athlètes ont réfléchi à leur saison et ont pris une pause du sport pour réinvestir dans leur santé mentale.
- Les actions directes pour soutenir la santé mentale des étudiants-athlètes comprennent le fait de leur accorder du temps pour planifier en pré-saison, de faciliter la communication pendant la saison et d’engager les étudiants-athlètes dans des activités de réflexion pendant l’intersaison.
Si vous lisez cet article, il y a de fortes chances que vous soyez passionné par le sport universitaire canadien. Et pourquoi ne le seriez-vous pas? Le sport universitaire donne aux étudiants l’occasion de nouer des liens et d’améliorer leur confiance en eux en développant leurs compétences. Il donne également aux étudiants quelque chose à attendre avec impatience et qu’ils se sentent bien de faire. Toutes ces choses peuvent contribuer à renforcer la santé mentale.
Mais nous savons aussi que le sport n’est pas exempt de problèmes pour les étudiants-athlètes. Des expériences telles que les blessures, les performances décevantes et la pression exercée sur eux pour qu’ils performent créent une foule de défis qui peuvent nuire à leur santé mentale. Ces expériences peuvent également limiter les expériences positives d’un athlète dans le sport.
Par exemple, environ 60 % des nageurs universitaires canadiens ont déclaré avoir des symptômes de dépression (Hammond et coll., 2013), et environ 24 % de l’ensemble des étudiants-athlètes ont déclaré des niveaux de détresse psychologique suffisamment élevés pour justifier une intervention clinique (Sullivan et coll., 2019). Nous savons également qu’environ 45 % des étudiants-athlètes canadiens s’épanouissent (Van Slingerland et coll., 2018), ce qui est environ 33 % inférieur au taux de 77 % de la population générale, si l’on compare les données de Statistique Canada (Gilmour, 2014).
Donc, avec tous ces défis de santé mentale, il est important pour nous de comprendre ce que les étudiants-athlètes mentalement sains font pour protéger et promouvoir leur santé mentale. Ainsi, nous pourrons commencer à comprendre ce qui fonctionne pour eux (ainsi que le « comment » et le « pourquoi » de ce fonctionnement) afin d’orienter les futurs programmes, politiques et soutiens.
Afin de mieux promouvoir et soutenir la santé mentale des étudiants-athlètes universitaires, nous avons mené une recherche sur la façon dont les étudiantes-athlètes en bonne santé mentale abordaient leur saison sportive (Pankow et coll., 2021). Dans cet article, nous partagerons les résultats de notre recherche. Nous présenterons également les principales mesures à prendre par les entraîneurs et les administrateurs sportifs pour promouvoir la santé mentale des étudiants-athlètes.
Définition de la santé mentale : Le modèle à deux continuums
La santé mentale est un état de bien-être dans lequel les personnes peuvent réaliser leur potentiel, faire face au stress et aux défis normaux, et contribuer à leur communauté (OMS, 2018). Le modèle à deux continuums de la santé mentale, proposé par Corey Keyes (2002), a eu une influence incroyable sur notre compréhension de la santé mentale. M. Keyes a proposé que la santé mentale soit constituée de 3 composantes principales, chacune ayant ses propres dimensions.
Composante 1 : le bien-être émotionnel
Vous vous sentez :
- Heureux
- Satisfait de votre situation actuelle ou de votre avenir
- Intéressé par ce que vous faites
Composante 2 : le bien-être psychologique
Vous ressentez ou expérimentez :
- De la confiance en vous-même et en vos capacités
- De bonnes relations avec les autres
- De l’amour propre
- Des compétences dans la gestion de votre vie quotidienne
- Des possibilités de croissance
- Un but dans la vie
Composante 3 : le bien-être social
Vous avez le sentiment que :
- Vous avez quelque chose à apporter à la société
- Vous appartenez à une communauté
- Les groupes auxquels vous appartenez sont bons pour les gens et s’améliorent
- Les gens sont généralement bons
- Le fonctionnement de la société a du sens
Avec ce modèle, une personne qui s’épanouit ressent 2 des 3 parties du bien-être émotionnel tous les jours ou presque tous les jours, et elle ressent 6 des dimensions du bien-être psychologique ou social tous les jours ou presque tous les jours. Ce qui rend ce modèle utile, c’est qu’il considère que la santé mentale et la maladie mentale sont liées mais distinctes. Cela signifie qu’une personne qui réussit à gérer sa maladie mentale peut s’épanouir malgré son diagnostic clinique. En revanche, une personne qui ne souffre pas de maladie mentale peut ne pas être en bonne santé mentale.
Keyes considère qu’une personne est « languissante » si elle ne ressent presque jamais aucun des éléments du bien-être émotionnel, psychologique et social. L’alanguissement est différent d’une maladie mentale clinique, car il s’agit de l’absence de santé mentale, plutôt que de la présence de symptômes d’une maladie mentale. Les personnes qui ne sont ni florissantes ni languissantes sont modérément saines mentalement. Cela nous donne l’occasion de considérer la promotion de la santé mentale d’une manière différente, car nous pouvons commencer à voir comment les activités qui procurent aux gens un sentiment de bonheur, d’utilité, de confiance et d’appartenance (comme le sport!) peuvent constituer un cadre utile pour renforcer la santé mentale et aider les gens à s’épanouir.
Comment les étudiants-athlètes mentalement sains abordent leur saison sportive
L’objectif de notre recherche était d’examiner les facteurs qui protègent la santé mentale des étudiants-athlètes universitaires canadiens épanouis au cours de leur saison sportive. Les participants comprenaient 6 femmes, toutes athlètes USports, au cours de l’année compétitive 2019-2020. Elles étaient dans leur deuxième, troisième, quatrième ou cinquième année d’éligibilité et étaient membres d’équipes de rugby, de cross-country ou d’athlétisme.
Dans un premier temps, les étudiantes-athlètes ont répondu à un sondage sur leur santé mentale. Celles qui s’épanouissaient dans le sport et en général ont été invitées à participer au reste de l’étude, qui comprenait une entrevue avant et après la saison, ainsi que des journaux hebdomadaires pendant la saison. Au cours de l’entrevue d’avant-saison, nous avons demandé aux participantes ce qu’elles avaient fait pour s’épanouir avant leur saison et comment elles s’étaient préparées à celle-ci. Pendant leur saison de compétition, elles ont consigné dans leur journal hebdomadaire les expériences qui ont contribué ou nui à leur épanouissement. Une fois la saison de compétition terminée, nous avons interrogé les participantes une dernière fois. Ces entrevues finales ont porté sur le contenu de leur journal ainsi que sur leurs réflexions concernant l’ensemble de leur saison et leurs projets pour l’intersaison.
Nous avons analysé les données des sondages, des entrevues et des journaux pour mieux comprendre comment ces étudiantes-athlètes géraient leur santé mentale au cours d’une saison sportive. Grâce à notre analyse, nous avons constaté que les étudiantes-athlètes ont adopté une approche différente de leur santé mentale à chaque étape de la saison. Ces étapes comprennent la pré-saison, la saison en cours (pendant la période de compétition) et la post-saison (lorsqu’il n’y a plus de compétitions). Ici, l’après-saison fait référence au mois qui suit la fin des compétitions des étudiantes-athlètes, et non aux séries éliminatoires.
Pendant la pré-saison, les étudiantes-athlètes ont renforcé leur santé mentale globale en planifiant leur emploi du temps pour la saison et en établissant des liens positifs avec leurs amis, leur famille et leurs coéquipiers de club.
- La planification a aidé les étudiantes-athlètes à se sentir confiantes et préparées aux exigences temporelles de la saison sportive.
- L’établissement de liens positifs visait à créer des réseaux sociaux qui soutiendraient la santé mentale des étudiantes-athlètes tout au long de la saison.
Pendant la saison, les participantes sont passées au maintien de leur santé mentale. Pour ce faire, elles géraient leurs engagements, communiquaient avec les entraîneurs et recherchaient les points positifs.
- Gérer leurs engagements signifiait rester socialement connectés à leur famille, leurs amis et leurs proches. Les participantes prenaient généralement le temps de se rapprocher de ces personnes importantes pendant les pauses de la saison, comme les semaines d’intersaison.
- La communication avec les entraîneurs est une arme à double tranchant. Certaines étudiantes-athlètes ont déclaré que leurs entraîneurs les aidaient à gérer leurs attentes et à célébrer leurs succès. D’autres participantes ont indiqué que leur santé mentale était entravée par un manque de communication claire ou ciblée de la part des entraîneurs.
- La recherche de points positifs signifie que les étudiantes-athlètes ont identifié les points positifs qui pouvaient être tirés d’une situation, qu’elles aient initialement pensé que la situation était positive ou non. Par exemple, une étudiante-athlète qui a manqué le temps en raison d’une blessure a pris le temps d’apprécier à quel point elle avait grandi dans son rôle de leader sociale au sein de l’équipe, notamment en aidant les joueuses plus jeunes et débutantes à s’intégrer dans leur nouvel environnement.
Après la saison, les étudiantes-athlètes ont parlé de prendre le temps de réinvestir dans leur santé mentale. Le réinvestissement dans la santé mentale impliquait de réfléchir à leur saison et de faire une pause dans le sport.
- Lorsqu’elles ont réfléchi à leur saison, les étudiantes-athlètes ont discuté de l’importance de reconnaître leur croissance et les choses qu’elles avaient améliorées dans l’ensemble. Cela a permis aux étudiantes-athlètes d’avoir une vision positive de la saison, même si leur propre performance ou celle de leur équipe n’a pas répondu à leurs attentes.
- Faire une pause dans le sport leur a donné le temps et l’espace nécessaires pour réfléchir, mais aussi pour reprendre contact avec leurs amis et leur famille. De plus, la pause sportive a donné aux étudiantes-athlètes le temps et l’espace nécessaires pour reprendre des activités auxquelles elles n’avaient pas pu s’adonner (ou du moins autant qu’elles l’auraient voulu) pendant la compétition.
Ensemble, ces approches de la santé mentale peuvent nous donner des idées qui pourraient être en mesure de changer notre façon de penser les saisons sportives pour nous aider à mieux soutenir et promouvoir la santé mentale des étudiants-athlètes.
Actions directes pour soutenir la santé mentale des étudiants-athlètes
Lorsque nous examinons cette recherche, il est clair que ces étudiantes-athlètes ont joué un rôle actif dans la protection et la promotion de leur santé mentale. Alors, quels sont les moyens qui pourraient les aider (ainsi que les autres athlètes) à gérer leur santé mentale tout au long d’une saison de compétition?
- Planifier dès la pré-saison : Chacune des étudiantes-athlètes participant à cette étude a passé du temps avant la saison à planifier la façon dont elle allait gérer son emploi du temps pendant la saison. L’achat d’un agenda ou l’utilisation d’un calendrier ou d’une application de notes peut être un moyen utile pour les étudiants-athlètes d’organiser leur emploi du temps. Cependant, ils doivent s’engager à utiliser ces outils pour qu’ils soient utiles. Il peut être utile pour les entraîneurs de réserver du temps pour une réunion d’équipe en pré-saison et de consacrer cette réunion aux outils et conseils de planification. Pendant cette période, les entraîneurs, les chefs d’équipe ou le personnel de soutien (universitaire ou sportif) pourraient enseigner aux athlètes comment établir un horaire d’étude ou utiliser un planificateur hebdomadaire.
- Communiquer pendant la saison : Que ce soit avec les amis, la famille, les coéquipiers ou les entraîneurs, la communication avec l’entourage des étudiants-athlètes était un élément clé de la gestion de la santé mentale des participants à notre étude. La communication n’est pas toujours facile pour les athlètes, et les entraîneurs ont un rôle à jouer ici aussi. Les athlètes doivent être à l’aise pour communiquer tôt, être clairs avec ce qu’ils veulent ou ce dont ils ont besoin, et demander de l’aide quand ils en ont besoin. D’autre part, les entraîneurs doivent établir des relations de confiance et de bienveillance avec les athlètes. Être ouvert et honnête avec les athlètes peut être un excellent moyen de créer une porte ouverte pour une communication bidirectionnelle.
- Réfléchir pendant la saison morte : La réflexion sur la saison implique un processus actif d’identification de la croissance que les étudiants-athlètes ont connue. En plus de se fixer des objectifs pour l’avenir, les athlètes devraient prendre le temps de réfléchir à la façon dont ils se sont améliorés ou à ce qu’ils ont accompli pendant la saison et de s’en réjouir. Les entraîneurs peuvent aider les athlètes à réfléchir à leur évolution en organisant des réunions de clôture avec chaque athlète à la fin de la saison. Au cours de cette réunion, les entraîneurs peuvent discuter des progrès de l’athlète et lui demander ce qui l’a le plus enthousiasmé ou rendu fier au cours de l’année écoulée.
Considérations organisationnelles
Les résultats de notre recherche ont mis en évidence le fil conducteur suivant qui sous-tend les actions des étudiants-athlètes pour construire, maintenir et réinvestir dans leur santé mentale : Les étudiants-athlètes ont tous eu du temps libre pour faire ce qu’ils devaient faire pour s’épanouir.
Prenez la pré-saison, par exemple. Un étudiant-athlète qui s’entraîne tout l’été avec son équipe universitaire n’aura que peu d’occasions de passer du temps avec ses amis qui pratiquent un sport de club. Le fait de ne pas avoir la possibilité de jouer pour son équipe de club pourrait également limiter le développement de l’étudiant-athlète en tant qu’athlète. Ils auraient peut-être l’occasion de s’épanouir dans un nouveau rôle avec leur équipe de club, une expérience qu’ils n’ont pas avec leur équipe universitaire. Le fait d’avoir du temps libre pour les activités sportives pendant les fins de semaine d’intersaison, puis après la fin de la saison, a également permis aux étudiants-athlètes de disposer du temps nécessaire pour gérer leurs engagements envers l’école, la famille et les amis, tout en décompressant et en réfléchissant à ce qu’ils ont accompli.
D’autres chercheurs ont également noté l’importance du repos pour la santé mentale. David Eccles et ses collègues de l’Université d’État de Floride ont réalisé d’excellents travaux sur l’importance du repos chez les athlètes de haut niveau. Ce qu’ils ont découvert, c’est que les athlètes ont besoin de différents types de repos pour récupérer mentalement (Eccles et Kazmier, 2019). Ainsi, un jour de congé d’entraînement ou d’entraînement de faible intensité peut être physiquement reposant, mais si l’entraîneur organise des réunions ou assigne des devoirs (comme regarder des vidéos) nécessitant un engagement cognitif, l’entraîneur pourrait interférer avec la récupération mentale des athlètes et, en fin de compte, leur capacité à s’épanouir.
L’une des principales conclusions de notre recherche et de l’étude d’Eccles et Kazmier (2019) est que le temps libre permettait un repos actif éveillé. Le repos actif éveillé impliquait des activités à faible demande cognitive, comme écouter de la musique, jouer à des jeux vidéo ou s’échapper du sport pour parler avec des personnes non sportives d’autres intérêts, passe-temps et passions. Pour les entraîneurs, cela signifie que le fait de donner aux étudiants-athlètes un jour de congé par semaine pour l’entraînement ou la pratique, mais d’attendre d’eux qu’ils l’utilisent pour regarder des vidéos, étudier pour l’école ou assister à des réunions d’équipe et à des activités de développement de l’esprit d’équipe, peut ne pas permettre aux étudiants-athlètes une récupération psychologique adéquate. Une récupération inadéquate peut conduire à l’épuisement et, avec le temps, potentiellement à l’alanguissement.
Les entraîneurs doivent réfléchir à la façon dont les contraintes de temps peuvent affecter leurs étudiants-athlètes. Ils doivent réfléchir à la manière dont le calendrier ou la structure de l’entraînement peuvent être modifiés pour laisser du temps et de l’espace aux activités à faible demande cognitive. De même, les administrateurs sportifs doivent envisager des politiques qui limitent les activités de l’équipe pendant les semaines de repos ou les congés. De telles stratégies donnent aux étudiants-athlètes le temps et l’espace nécessaires pour récupérer mentalement. Elles pourraient également aider les étudiants-athlètes à se sentir plus vifs et plus attentifs lorsqu’ils reprennent l’entraînement, ce qui permettrait de mieux utiliser le précieux temps d’entraînement et de réunion de l’équipe.
Conclusion
La santé mentale est un sujet de plus en plus important dans le sport, et ce pour une bonne raison. Des recherches récentes ont permis de comprendre comment nous pouvons aider à soutenir la santé mentale des étudiants-athlètes au cours d’une saison. Nous pourrions aider davantage d’étudiants-athlètes à s’épanouir sur le plan de la santé mentale en leur donnant des outils avant la saison afin qu’ils puissent planifier les exigences de leur programme sportif, en communiquant ouvertement avec eux tout au long de la saison et en les aidant à réfléchir à leur évolution à la fin de la saison. Si nous combinons ces actions avec des considérations sur la façon dont l’environnement sportif peut être modifié pour permettre aux étudiants-athlètes de se reposer, de récupérer et de gérer leurs exigences non sportives, nous pouvons être sur la bonne voie pour tirer le meilleur parti du système sportif universitaire canadien qui nous passionne tous.