« Les programmes de loisirs en plein air et les ligues de la ville d’Ottawa sont annulés aujourd’hui, le 7 juin, en raison de la mauvaise qualité de l’air dans la région d’Ottawa.
Le Canada connaît une année record en matière d’incendies de forêt, ce qui a un impact direct sur la qualité de l’air. Par conséquent, plusieurs villes ont surveillé de près la qualité de l’air et ont annoncé l’annulation d’activités récréatives en plein air. En 2022, le Centre de documentation pour le sport s’est associé à Santé Canada pour élaborer et distribuer des ressources sur la qualité de l’air et la pratique sécuritaire des sports de plein air, publiées en février 2023.
Peut-être que beaucoup d’entre vous ont commencé à se poser des questions à ce sujet : Quel genre d’avenir nous attend si les conditions atmosphériques se maintiennent ? Comment pourrions-nous adapter ou modifier nos activités de plein air en fonction de la mauvaise qualité de l’air ? Comment devrions-nous réagir pour résoudre le problème ?
Étant donné que la dégradation de l’environnement s’accélère au Canada, les leçons tirées de la Corée du Sud peuvent être appliquées au contexte canadien et apporter des réponses à ces questions. Dans ce billet de blogue, en tant que doctorante étudiant la qualité de l’air et le sport dans le contexte sud-coréen, je présente un exemple sud-coréen de la façon dont les gens utilisent des applications mobiles pour planifier leurs activités de plein air lorsque la qualité de l’air est médiocre. J’explique également comment cet exemple illustre la nécessité d’examiner et d’aborder des questions structurelles plus vastes pour résoudre le problème.
Qualité de l’air et particules en Corée du Sud
Au cours de la dernière décennie, la mauvaise qualité de l’air est devenue l’un des principaux problèmes sociaux, environnementaux et sanitaires en Corée du Sud (N. H. Kim et al., 2019). Bien que les principaux responsables de la mauvaise qualité de l’air soient différents, soit les feux de forêt au Canada et la pollution atmosphérique industrielle en Corée du Sud, le principal polluant est le même, à savoir les matières particulaires (MP).
MP est un terme général désignant un mélange de particules solides et liquides en suspension dans l’air. Les particules sont connues pour leur composition nocive et, en raison de leur petite taille, elles ne sont pas filtrées par les narines. Les particules pénètrent dans les tissus des poumons et des narines, provoquant une inflammation des organes à mesure qu’elles pénètrent dans le corps. L’exposition à des concentrations élevées de particules est associée à une augmentation de la mortalité et de la morbidité, à la fois à court et à long terme (OMS, 2021). Les particules peuvent provoquer des maladies respiratoires et cardiovasculaires, ainsi que des troubles mentaux tels que la dépression et l’anxiété (Braithwaite et al., 2019 ; S. J. Kim et al., 2020 ; Bureau régional de l’OMS pour l’Europe, 2013).
Sport de plein air et manuel d’intervention
Pour répondre à l’inquiétude croissante du public concernant les effets néfastes de la pollution atmosphérique sur la santé, le gouvernement sud-coréen a établi des indices pour évaluer le niveau de particules et communiquer clairement des messages sanitaires. En 2019, la Korea Sports Safety Foundation, une organisation sportive affiliée au ministère de la Culture, des Sports et du Tourisme, a publié le Particulate Matter and Heat Wave Response Manual for Sports Administrators (Guide de réponse aux particules et à la vague de chaleur pour les gestionnaires du sport).
Ce guide conseille aux gestionnaires du sport d’évaluer la sécurité des activités de plein air en utilisant le système d’évaluation de la vulnérabilité en plus des prévisions et des alertes sur la qualité de l’air. Le système d’évaluation de la vulnérabilité se compose de la durée d’exposition aux particules et d’une liste des valeurs MET (metabolic equivalent of task) de chaque sport. Le MET est une unité standardisée qui indique l’intensité de l’exercice en mesurant la quantité d’oxygène consommée pendant l’activité physique. Plus la valeur MET est élevée, plus la quantité d’oxygène et de particules inhalée est importante, ce qui accroît les risques pour la santé.
Conformément aux politiques gouvernementales et aux recommandations sanitaires, de nombreux Sud-Coréens annulent leurs activités en plein air ou en modifient le type ou le lieu. Par conséquent, de nombreuses personnes pensent que « devoir limiter leurs activités de plein air » est l’impact le plus pénible des particules sur leur vie quotidienne, plus encore que « la détérioration de leur santé » (Institut coréen de l’environnement, 2018).
Applications de téléphonie mobile et expériences vécues en lien avec la mauvaise qualité de l’air
Aujourd’hui, les Sud-Coréens ont pris l’habitude de consulter l’application MP de leur téléphone portable pour guider leurs activités extérieures (Korea Environment Institute, 2018 ; Park et al., 2019). L’application MP est conçue comme un outil de communication des risques, l’idée étant que si les gens sont informés, ils agiront de manière à réduire leur exposition aux risques (Y. Kim et al., 2017 ; Yi et al., 2019). Cependant, cette technologie complique souvent la perception de l’air par les gens.
Par exemple, les gens ont commencé à développer et à appliquer des légendes personnelles. Les gens interprètent le niveau de particules en observant la visibilité réduite et les lignes d’horizon floues. Ils font également appel à leurs sens de la douleur, comme la gorge qui pique et les yeux secs. Les gens remarquent ensuite que la qualité de l’air affichée sur l’application diffère parfois de la façon dont leur corps réagit à l’air ambient.
Un utilisateur a laissé un commentaire sur Google Play en disant : « Je peux en quelque sorte connaître le niveau de MP juste en regardant la montagne à l’arrière de ma maison… Le niveau de MP que je vois de mes propres yeux est ‘Extrêmement mauvais’, mais [l’application] n’indique que [le niveau] ‘Mauvais’. »
Cet incident peut également s’appliquer aux milieux sportifs, où les organisations sportives disent à leurs athlètes qu’il n’y a pas de danger à jouer dehors sur la base de la cote air santé (CAS), mais les athlètes peuvent penser le contraire selon ce qu’elles et ils voient, sentent et ressentent. Ces exemples montrent que la CAS n’est pas toujours fiable et qu’elle n’est pas la solution absolue.
Le décalage entre ce que les utilisateurs voient sur l’application et ce qu’ils voient de leurs propres yeux peut être dû au vent, aux variations de luminosité et au système de surveillance de l’air (Jang, 2019 ; C. S. Kang, 2019 ; J. A. Lee, 2017). Cependant, cet écart rend les gens anxieux et insécures, ce qui les incite à chercher la cause de cette différence et qui est responsable de ce problème.
Interroger le système et le gouvernement
Les applications MP mettent en lumière les histoires que racontent les corps. Ces histoires amènent les gens à ne pas se contenter de recevoir et de suivre passivement les messages de santé qui leur sont adressés. Elles provoquent également de l’irritation et de l’inquiétude, amenant les gens à considérer d’un œil critique les structures plus larges qui influencent la qualité de l’air.
Un autre utilisateur a commenté avec frustration : « Il serait préférable de vérifier la qualité de l’air de nos propres yeux. Je me demande s’il s’agit d’un problème lié à la station de surveillance de l’air ou à l’application elle-même. »
Les gens commencent à douter des systèmes actuels de surveillance et de gestion de l’air, ce qui conduit finalement à des actions collectives telles que des protestations et des pétitions (M. K. Kang, 2017 ; Seo, 2019 ; Shin, 2016). Les gens critiquent le gouvernement pour sa négligence à imposer des réglementations plus strictes aux industries polluantes et à mettre en œuvre des normes de qualité de l’air plus rigoureuses. Ils font également pression sur le gouvernement pour qu’il installe des stations de surveillance de l’air supplémentaires à proximité des lieux de vie, de promenade et de déplacement, et pas seulement au sommet des bâtiments (M. K. Kang, 2017 ; Y. M. Lee, 2017).
Réflexions finales
La diffusion d’informations sur la qualité de l’air et de messages sanitaires n’est pas une solution facile et rapide pour garantir la sécurité des activités de plein air, comme le montre l’exemple sud-coréen. Au contraire, elle peut souvent être remise en question par ce que nous dit notre corps. Il s’agit également d’un remède à court terme qui modifie temporairement les comportements des individus (Marzecova & Husberg, 2022).
Les Canadiennes et Canadiens devraient reconnaître que la protection des personnes contre la mauvaise qualité de l’air nécessite des interventions plus larges et plus fondamentales. Le sport de plein air est l’un des secteurs les plus touchés par la mauvaise qualité de l’air et peut donc sensibiliser les gens à ce problème.
Par conséquent, le sport peut servir de moteur à des mouvements collectifs visant à tenir le gouvernement responsable de l’assainissement de l’air. Pour que les Canadiennes et Canadiens puissent continuer à pratiquer le sport qu’elles et ils aiment, les athlètes, les entraîneurs et les parents peuvent exhorter leurs organisations sportives à agir collectivement pour développer des stratégies plus durables et à plus long terme.