
Les grands événements sportifs, tels que les Jeux olympiques et paralympiques et la Coupe du monde de la FIFA, sont depuis longtemps considérés comme des catalyseurs de la fierté nationale, de la reconnaissance mondiale et de la croissance économique. Si ces événements suscitent indéniablement l’enthousiasme et le spectacle, leur effet à long terme sur les communautés d’accueil fait souvent l’objet d’un débat permanent. En particulier, la question de savoir comment ces événements peuvent transformer les attitudes à l’égard du handicap, de l’accessibilité et de l’inclusion fait l’objet d’une attention croissante. Laura Misener, chercheuse, professeure et directrice de l’école de kinésiologie de l’Université Western, a passé des années à étudier la manière dont les grands événements sportifs, en particulier ceux auxquels participent des athlètes en situation de handicap, peuvent être à l’origine d’un changement social durable.
Dans ses conversations avec Mme Misener, il est clair que si les avantages économiques et infrastructurels de l’organisation d’un méga-événement sont largement discutés, le potentiel de transformation sociale par le sport est moins souvent exploré. Comme le souligne Mme Misener, la véritable valeur de ces événements ne réside pas seulement dans la grandeur du spectacle ou les gains financiers immédiats, mais dans la manière dont ils peuvent modifier les attitudes de la société et créer un changement durable, notamment en ce qui concerne les questions d’accessibilité et d’inclusion des personnes en situation de handicap.
L’incidence sociale des méga-événements : Au-delà du spectacle
En ce qui concerne l’effet plus large des méga-événements sportifs, Mme Misener souligne que les coûts associés à l’organisation de ces événements, qu’ils soient financiers, environnementaux ou humains, sont considérables. L’ampleur même de ces événements exige des investissements massifs. Pourtant, les avantages, bien que souvent mis en avant, ne sont pas toujours aussi clairs.
Il n’y a pas de réponse simple à la question de savoir si ces événements en valent la peine, a expliqué Mme Misener. Chaque ville, communauté et pays doit évaluer ce qu’il est prêt à investir et ce qu’il espère en retirer.
Elle ajoute que si l’accueil d’un événement de grande envergure comme les Jeux olympiques ou paralympiques peut entraîner certains changements positifs, tous les avantages ne sont pas automatiques. Les communautés doivent investir activement dans les programmes post-événement, les infrastructures et le développement du sport de masse à long terme pour garantir un changement durable.
« Nous devons nous demander comment nous pouvons utiliser cet événement pour créer un effet social durable », a-t-elle déclaré, soulignant l’importance de l’investissement local au-delà de l’éclat et du glamour initiaux.
Cela fait écho à une idée essentielle : les avantages sociaux à long terme de l’accueil d’un événement sportif majeur dépendent des efforts déployés après le départ des athlètes et la dispersion des foules. Sans suivi, ces événements risquent de n’être que des lieux coûteux et sous-utilisés ou un « éléphant blanc » qui symbolise une occasion manquée plutôt qu’un progrès.
Construire un héritage durable
Que faut-il donc faire pour que les effets positifs de l’organisation d’un méga-événement sportif perdurent longtemps après la remise de la dernière médaille? Mme Misener estime qu’il est essentiel de mettre en place un solide plan d’héritage. Ce plan devrait aller au-delà de l’infrastructure physique laissée derrière, en se concentrant plutôt sur l’infrastructure sociale nécessaire pour poursuivre la dynamique de changement.
« L’événement en lui-même n’est pas suffisant, note Mme Misener. Nous devons nous assurer qu’il y a un investissement local dans les programmes d’entraînement, les clubs sportifs et les installations qui soutiennent à la fois la participation de l’élite et celle des loisirs. »
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Un exemple notable est celui de Londres 2012, qui a fait des investissements proactifs pour s’assurer que l’héritage des Jeux se prolongerait au-delà de la cérémonie de clôture. Vancouver 2010 a également pris des mesures similaires, bien qu’elles n’aient pas fait l’objet d’une publicité aussi large. Les investissements dans les programmes de santé locaux, les initiatives de littératie et les terrains de jeux accessibles ont continué à profiter à la communauté bien après les Jeux.
Cependant, Mme Misener souligne que ce sont souvent les projets les moins prestigieux, ceux qui visent à rendre le sport accessible à tous, qui produisent les bénéfices sociaux les plus significatifs et les plus durables. Alors que l’attention des médias s’est portée sur de grands projets d’infrastructure tels que l’autoroute Sea-to-Sky, la véritable transformation de la communauté de Vancouver s’est produite grâce à l’accent mis sur le développement du sport de base, en particulier en créant des opportunités pour les personnes en situation de handicap.
Vancouver 2010 a beaucoup travaillé sur le développement communautaire, a-t-elle ajouté. Si les grands projets ont attiré l’attention des médias, l’effet durable s’est fait sentir dans les initiatives locales qui se poursuivent encore aujourd’hui.
Parasport et changement social
La recherche de Mme Misener s’est finalement orientée vers l’exploration du rôle du parasport dans la promotion de l’inclusion sociale. Ce changement a été motivé par le fait qu’elle s’est rendu compte des lacunes de la recherche existante sur l’incidence des événements sportifs spécifiques aux personnes en situation de handicap, en particulier les Jeux paralympiques. Historiquement, l’accent a été mis sur les événements grand public tels que les Jeux olympiques, et peu d’attention a été accordée à la façon dont ces événements peuvent transformer les attitudes et les perceptions à l’égard du handicap.
Il y a eu très peu de recherches sur l’effet des événements sportifs spécifiques aux personnes en situation de handicap, a déclaré Mme Misener. Le mouvement paralympique a toujours eu un programme axé sur l’héritage, mais personne ne s’est vraiment penché sur la façon dont ces événements pouvaient influencer des choses comme l’accessibilité et l’inclusion dans les communautés d’accueil.
Ce manque de recherche a incité Mme Misener à examiner la manière dont les manifestations de parasport peuvent favoriser le changement social, notamment en termes de sensibilisation aux questions liées au handicap et de création de communautés plus inclusives. Ses travaux, qui ont porté sur des événements tels que les Jeux du Commonwealth et les Jeux panaméricains/parapanaméricains, ont montré que la structure de ces événements joue un rôle important dans la perception du handicap par le public.
Les Jeux du Commonwealth, qui réunissent des athlètes valides et des para-athlètes, se sont avérés moins efficaces pour changer les perceptions du public. En revanche, les Jeux panaméricains et parapanaméricains, qui se sont déroulés séparément, ont suscité un engagement plus ciblé en faveur des para-athlètes et de leur histoire.
« La séparation distincte a permis aux gens de s’engager réellement avec les athlètes et d’en apprendre davantage sur leurs expériences’, a expliqué Mme Misener, ajoutant que l’incidence sociale s’étendait bien au-delà des Jeux eux-mêmes. À Toronto, par exemple, les Jeux parapanaméricains ont conduit à la création de l’Ontario Parasport Collective, une initiative durable qui continue à développer les opportunités sportives dans toute la province pour les personnes en situation de handicap.
L’avenir de l’accessibilité : Technologie et politiques
Le travail de Mme Misener ne consiste pas seulement à comprendre l’effet des méga-événements sportifs sur les communautés d’accueil; il englobe également les politiques et le rôle de la technologie dans l’amélioration de l’accessibilité. Bien que le Canada soit depuis longtemps un chef de file en matière d’accès des personnes en situation de handicap, Mme Misener craint que le pays ne prenne du retard, notamment par rapport à d’autres nations, en particulier en Asie.
« Les pays d’Asie dépassent le Canada lorsqu’il s’agit d’utiliser la technologie pour améliorer l’accessibilité au sport », a expliqué Mme Misener. La réalité virtuelle, la robotique et la technologie des pavés tactiles sont déjà utilisées dans des endroits comme les Jeux paralympiques de Paris pour rendre les sports plus inclusifs, en permettant aux personnes en situation de handicap de vivre le sport d’une manière jamais vue auparavant. Ces progrès visent à rendre le sport et l’expérience des spectateurs plus accessibles à tous, en soulignant que l’inclusion ne doit pas seulement s’appliquer aux athlètes mais aussi aux partisans.
Malgré ces avancées technologiques, Mme Misener reconnaît que la technologie ne peut à elle seule relever tous les défis de l’accessibilité dans le sport. En travaillant aux côtés d’organisations telles que le Comité paralympique canadien, elle s’efforce de promouvoir des structures d’événements plus équitables et des stratégies à long terme pour intégrer l’accessibilité dans les communautés d’accueil.
Elle note que les grands événements sportifs sont souvent planifiés avec des objectifs à court terme en tête, en se concentrant sur la tâche immédiate d’organiser l’événement lui-même. Le véritable travail commence après l’événement, lorsqu’il s’agit de s’assurer que les bénéfices de l’accueil sont réalisés longtemps après le départ des athlètes.
Un effet durable
La recherche de Mme Misener renforce un point crucial : l’organisation d’un méga-événement sportif n’est que le début d’un processus beaucoup plus vaste. Pour laisser un effet social durable, les organisateurs d’événements doivent se concentrer non seulement sur l’accessibilité physique, mais aussi sur la création d’une culture durable d’inclusion et d’engagement. C’est grâce à une planification stratégique, à l’implication de la communauté et à l’innovation technologique que ces événements peuvent laisser un héritage qui profitera non seulement aux athlètes, mais aussi à l’ensemble de la communauté pour les années à venir.