Au sein du système sportif canadien se trouve une boîte noire de déséquilibre des pouvoirs, une boîte noire dont la Commission sur l’avenir du sport au Canada aura besoin de la clé pour y remédier. Notre recherche offre un aperçu de ce qui suit :
- les avantages sur le plan des coûts et des économies réalisées dans le cadre d’un modèle sportif équilibré en matière de pouvoir;
- comment instaurer un équilibre des pouvoirs dans un système grâce à des mesures d’indépendance, de transparence et de responsabilité;
- des leçons clés sur la manière dont l’équilibre des pouvoirs peut être adapté à n’importe quel objectif ou n’importe quelle taille.
Les coûts du déséquilibre des pouvoirs
Bien que souvent bien intentionnées, les structures et les hiérarchies déséquilibrées permettent aux personnes et aux groupes d’abuser de leur pouvoir. Le déséquilibre du pouvoir est souvent recherché et préservé comme un moyen malavisé d’assurer la stabilité, la sécurité et le contrôle. Cependant, le manque d’indépendance peut également conduire à un manque de transparence et à des processus concrets de responsabilisation, entraînant un cycle récurrent d’abus et de corruption, qui est bien documenté dans les rapports universitaires, médiatiques et gouvernementaux (AthletesCAN, CBC, Globe, McLaren, Cromwell, Dubin). Macintosh, Kerwin et Doherty (2023) soulignent que l’excès d’une bonne chose nous mène à privilégier la victoire sur tout le reste, ce qui a des effets délétères. Les universitaires (Gurgis et Kerr, 2021) soulignent depuis longtemps l’influence destructrice et la perpétuation des principes hiérarchiques, coloniaux, capitalistes et impérialistes sur le sport au Canada, qui mènent à l’iniquité, à la corruption et à des préjudices humains, sociaux et environnementaux, sans parler des coûts financiers associés (médicaux, juridiques, politiques, correctifs) (Walinga, 2022 pour une revue).
Les avantages de l’équilibre des pouvoirs
Lorsque le pouvoir est équilibré, partagé et distribué, les participants au sport ressentent la sécurité psychologique nécessaire à l’appartenance, à la confiance, à la contribution et à l’apprentissage collaboratif. Lorsque les personnes se sentent en sécurité pour être et contribuer, elles sont plus susceptibles d’inspirer l’apprentissage chez les autres et sont plus disposées à prendre les risques nécessaires pour apprendre elles-mêmes. Le groupe est ainsi mieux équipé pour se remettre en question, remettre en question le programme et le système dans son ensemble, dans l’esprit d’une organisation apprenante. Et bien sûr, l’apprentissage est au cœur du sport.
Notre étude de l’équipe canadienne d’aviron de 1992 a montré comment un modèle de partenariat permet d’atteindre l’excellence et d’éviter les coûts psychologiques, physiques, de réputation, relationnels et culturels ainsi que les coûts financiers associés à un modèle hiérarchique (figures 1 et 2).
L’équilibre des pouvoirs par l’indépendance, la transparence et la responsabilité
Il suffit de considérer les meilleures pratiques dans le sport lui-même comme un modèle évolutif pour les organisations et les systèmes sportifs, quelle que soit leur taille. Dans nos études sur les équipes sportives efficaces, nous avons constaté que l’indépendance et la transparence mènent à une culture du respect, de l’équité, de la santé et de l’excellence. L’indépendance a été intégrée au système en séparant les fonctions d’évaluation et d’éducation (entraîneur) des fonctions de qualification (directeur indépendant appliquant les « normes de la médaille d’or »). Aujourd’hui, le CIO et les comités nationaux olympiques déterminent les normes de qualification pour les Jeux olympiques et les fédérations internationales recherchent et fournissent des « normes de médailles d’or » pour chaque sport.
De même, la transparence crée un modèle de partenariat avec des objectifs partagés et un processus de collaboration (figure 3) plutôt qu’un modèle de pouvoir déséquilibré de contrôle autoritaire et de conformité. En veillant à ce que les critères d’évaluation soient complets, publics, objectifs et fondés sur des normes de pratique, l’entraîneur affichera tôt et souvent des objectifs, des critères et des mesures de performance et affichera quotidiennement et publiquement les résultats des performances des athlètes, ce qui aura pour effet d’habiliter les athlètes et de responsabiliser tout le monde.
Adapter le modèle sportif au système sportif
Le modèle de partenariat de l’équilibre des pouvoirs « donne des ressources » plutôt que « récompense » les organisations sportives.
À l’heure actuelle, À nous le podium (ANP) forme et évalue les organismes nationaux de sport, à l’instar d’un entraîneur; toutefois, ANP influe également sur la qualification et la nature du financement et des ressources des organismes nationaux de sport, à l’instar d’un comité de sélection. ANP est chargé de faire des recommandations aux bailleurs de fonds (le gouvernement du Canada, le Comité olympique canadien et le Comité paralympique canadien) en matière de financement ciblé de la haute performance. Une solution consisterait à faire d’ANP l’« entraîneur », qui assurerait l’éducation, l’évaluation, la recherche en sciences du sport et les ressources, tout en laissant à un organisme indépendant le soin de déterminer les qualifications et la nature des fonds alloués au sport.
Il est certain que l’évaluation et l’appréciation font partie du rôle de l’entraîneur. C’est la « sélection » qui peut menacer l’équilibre des pouvoirs dans l’environnement sportif. ANP pourrait fournir des critères empiriques de financement et des normes de pratique, et l’organisme de financement indépendant pourrait alors améliorer la transparence en rendant ces normes publiques. L’accès aux politiques et aux normes et leur clarté créent une base de compréhension, de confiance et de certitude qui permet à tous les intervenants du système sportif de se concentrer sur la réalisation de performances conformes aux normes.
Il est possible de réorganiser les organisations et les systèmes pour les rendre imperméables aux abus de pouvoir en ajoutant des cadres de responsabilité complets, de la même manière que les athlètes et les entraîneurs sont censés démontrer qu’ils respectent les normes de performance par l’entremise d’un suivi régulier, de tests et de compétitions. Tous les conseils d’administration devraient utiliser des cadres de responsabilité pour contrôler les performances organisationnelles et exiger des preuves vérifiables de la mise en œuvre des politiques et de la réalisation des normes de pratique en tant que critères d’approbation du budget. Sport Canada pourrait renforcer son rôle de gouvernance et assurer une meilleure surveillance en améliorant le Code de gouvernance du sport canadien et la fiche de rendement afin de s’assurer que les conseils de sport fournissent des preuves vérifiables de leurs pratiques de gouvernance.
La norme d’or du leadership sportif
Un modèle de pouvoir équilibré reflète la norme d’or du leadership sportif et englobe tous les critères de l’excellence sportive. À l’instar des sphères éducatives et politiques, plutôt qu’une culture de surveillance, le sport gagnerait à incarner une culture d’indépendance, de transparence et de responsabilité de la part de nos entraîneurs, de notre personnel et de nos administrateurs, de la même manière que nous attendons de nos athlètes qu’ils fassent preuve d’indépendance.
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Partenaires : Boxe Canada, Royal Roads University, COPSIN, The Culture Collaborative