De la pénurie à l’abondance: Comment le transfert d’athlètes para peut élargir les voies de développement

Points saillants

  • Le Comité paralympique canadien et À nous le podium ont identifié la création d’un ” système de transfert des athlètes ” comme un moyen d’élargir les voies de développement des athlètes para.
  • On parle de transfert d’athlète lorsqu’un athlète change de sport ou s’adonne à un autre sport.
  • Actuellement, les transferts d’athlètes sont assez fréquents, mais ils sont surtout le fait des athlètes.
  • De nombreuses parties prenantes pensent qu’il existe une ” mentalité de pénurie ” au sein du sport para, qui peut dissuader les athlètes d’explorer d’autres sports, ou les entraîneurs et les administrateurs d’encourager l’exploration d’autres sports.

Le transfert d’athlètes est un sujet délicat dans le système du sport para.

On parle de transfert d’athlète lorsqu’une ou un athlète choisit de pratiquer un nouveau sport, de s’engager dans un sport supplémentaire ou lorsque les circonstances l’obligent à changer de sport. Les athlètes peuvent changer de sport pour une multitude de raisons, y compris, mais sans s’y limiter, les possibilités de compétition, l’âge, les blessures ou le désir d’essayer quelque chose de nouveau. À l’heure actuelle, le transfert d’athlète est de plus en plus courant, mais il est informel et il en revient principalement à l’athlète de s’y retrouver et de le gérer.

Jenny Davey, gestionnaire des parcours paralympiques au Comité paralympique canadien (CPC), affirme que les personnes au sein du système parlent souvent du transfert dans des « conversations voilées ».

« D’une part, le transfert peut offrir des choix aux athlètes et leur donner plus d’options dans leur carrière, et cela pourrait être vraiment positif pour le ravitaillement d’athlètes dans le sport para, dit Davey. Mais d’un autre côté, le fait de disposer d’un solide bassin d’athlètes est toujours une préoccupation dans tous les sports para et il y a toujours eu une certaine mentalité de pénurie. Les organismes nationaux de sport (ONS), les organismes provinciaux et territoriaux de sport (OPST) et les athlètes nous disaient qu’ils avaient l’impression que le transfert se faisait de cape et d’épée. Il y avait un sentiment de “Je ne veux pas perdre tous mes athlètes”, ce qui peut donner l’impression d’être territorial et même irrespectueux. »

Lorsque le CPC et À nous le podium (ANP) ont sollicité les commentaires des organismes nationaux de sports paralympiques et des athlètes sur la façon de faire croître et d’améliorer le sport paralympique au Canada, l’une des recommandations importantes était la nécessité d’établir un « système de transfert d’athlètes » entre les sports paralympiques.

urie ” au sein du sport para, qui peut dissuader les athlètes d’explorer d’autres sports, ou les entraîneurs et les administrateurs d’encourager l’exploration d’autres sports.

 

Comprendre le transfert pour bâtir un meilleur système

Pour mieux comprendre ce à quoi un système de transfert officiel pourrait et devrait ressembler, le CPC et ANP se sont associés à Joe Baker et Nima Dehghansai, chercheurs de l’Université York. La collaboration s’est naturellement développée à partir de travaux antérieurs que Baker et Dehghansai avaient effectués sur le programme d’identification Paralympiens recherchés, cherchant à mieux comprendre les données démographiques et les caractéristiques des athlètes qui participent à l’activité. Paralympiens recherchés est une activité d’identification d’athlètes conçue pour présenter les possibilités de sport et mettre les participant(e)s en contact avec différents sports paralympiques.

« Nous avons remarqué qu’un grand nombre d’athlètes participant à l’activité font actuellement partie du système [paralympique]. Et donc, techniquement [l’activité] facilite les discussions de transfert avec d’autres sports », explique Dehghansai.

L’équipe de York a mené des entretiens avec des athlètes parasportifs ayant effectué un transfert ou ayant participé à plusieurs sports, ainsi qu’avec des entraîneurs parasportifs et des directeurs de la haute performance. Près de 50 athlètes, entraîneurs et responsables techniques ont apporté leur contribution.

Cette recherche a été à l’origine de la création du groupe de travail sur le transfert d’athlètes paralympiques (TAP), qui s’est vu confier un mandat de deux ans pour servir de groupe de réflexion et formuler des recommandations sur le transfert à l’ensemble du système sportif. L’objectif du groupe de travail, basé sur les données de Baker et Dehghansai, ainsi que sur des recherches et des consultations supplémentaires, est de développer une vision du transfert qui soutient les athlètes de manière holistique, plutôt que de se concentrer uniquement sur le « talent » ou le potentiel de remporter une médaille.

Le groupe de travail a été formé à l’aide d’une matrice de diversité, dans le but d’obtenir un groupe avec une multiplicité d’expériences vécues et d’expertise. Une fois formé, le groupe de travail a examiné les recherches et les tendances actuelles en matière de recrutement et de transfert d’athlètes, s’est penché sur les ressources actuellement disponibles et a surtout cherché à connaître le point de vue des athlètes pour alimenter la discussion. Afin d’en savoir plus du point de vue des athlètes, le groupe de travail a procédé à une deuxième consultation, en incluant cette fois les voix d’athlètes qui n’avaient pas vécu un transfert ou participé à plusieurs sports, car il s’est rendu compte que les raisons pour lesquelles les athlètes évitaient le transfert n’avaient pas été pleinement prises en compte dans la première série d’entretiens.

L’un des défis culturels auxquels le groupe de travail a dû faire face est que le transfert n’a pas toujours été bien accueilli par les entraîneurs ou les organismes. Darda Sales est une paralympienne à la retraite qui a récemment terminé un doctorat sur le développement des athlètes de sports paras et sur la préparation des entraîneurs sportifs à soutenir le bien-être de leurs athlètes. En tant que membre du groupe de travail, qui a elle-même vécu un transfert de la natation paralympique au basket-ball en fauteuil roulant, Darda explique que l’on peut avoir l’impression qu’un(e) athlète « appartient » à l’ONS ou un sport. Le bassin d’athlètes dans le sport para étant relativement petit par rapport au sport non para, la possessivité entourant les athlètes est une préoccupation.

« Je pense que c’est dangereux pour les athlètes sur le plan psychologique, déclare Darda. Les gens ressentent la pression qu’ils doivent rester dans un seul sport et que c’est le seul endroit où ils peuvent être acceptés ou exceller. D’autre part, lorsque des transferts ont eu lieu, ils ont été le plus souvent considérés comme un “transfert de talent” plutôt que comme un “transfert d’athlète”. »

 

Changer le discours de « transfert de talent » à « transfert d’athlète »

Le groupe de travail se concentre sur une approche du transfert et du développement général de l’athlète au sein du système sportif paralympique qui privilégie la personne plutôt que les médailles paralympiques. Au nom du groupe de travail, Dehghansai et Davey ont co-écrit la déclaration de position sur le transfert des athlètes paralympiques :

« Historiquement, les transferts de talents (TT) sont définis comme des processus formalisés conçus pour faciliter le transfert d’un(e) athlète vers un nouveau sport afin de maximiser le potentiel de retour sur investissement, principalement mesuré en médailles (Collins, Collins, Mcnamara & Jones, 2014). Toutefois, compte tenu des valeurs fondamentales de la Politique canadienne du sport, notamment l’engagement envers la sécurité, l’excellence, l’inclusion et le respect (Patrimoine canadien, 2012), l’objectif principal du système de transfert dans notre proposition est de s’assurer qu’il est centré sur l’athlète, d’où notre abandon du terme “talent” et l’accent mis sur le transfert “d’athlète”. »

Mike Whitehead, paralympien et entraîneur de rugby en fauteuil roulant, également membre du groupe de travail, estime que ce changement de discours sur le transfert est important à long terme. Plutôt que de considérer les transferts comme des athlètes « volés » d’un sport à l’autre, ou que certains sports soient considérés comme des sports « donneurs » et d’autres comme des « receveurs », il imagine un système qui encourage non seulement les transferts, mais aussi la pratique de plusieurs sports tout au long de la carrière. Sur la base de sa propre expérience, il croit fermement que cela conduira à des athlètes plus sains mentalement et physiquement équilibrés.

« Ces jeunes qui montent en ce moment sont l’avenir de notre mouvement paralympique dans le pays. Donc, si [le système de transfert des para-athlètes] est en place pour eux, ce sera une belle mise en place pour un succès à long terme », dit Whitehead.

Le paralympien et entraîneur Michael Frogley, qui vient du côté du basket-ball en fauteuil roulant, un sport souvent « donneur », ne pourrait être plus d’accord. En fait, il n’aime pas vraiment l’idée de sports « donneurs », préférant les considérer comme des sports « d’opportunité » ou de « développement ».

« Je pense qu’il est incroyablement important de comprendre que le sport dans lequel un athlète débute a un rôle énorme à jouer, dit Frogley, car si c’est une expérience positive, c’est ce qui maintient l’athlète dans le sport. »

Deghansai prévient que le transfert n’est pas la solution à tous les défis du parcours sportif para, mais plutôt une méthode alternative ou supplémentaire de recrutement et de soutien au développement et au choix des athlètes. Il est important de continuer à chercher de nouvelles voies de recrutement et de croissance au sein du sport para et de fournir des opportunités sportives à la communauté

 

Apprendre de l’expérience des athlètes

Il existe de nombreux exemples de la manière dont une expérience de transfert avec accompagnement peut contribuer au bien-être d’un athlète. Le groupe de travail sur le transfert d’athlètes paralympiques s’est associé au SIRC pour mettre en lumière les expériences d’athlètes qui ont vécu un transfert sans processus officiel, afin de souligner les avantages du transfert.

Le SIRC a publié les profils d’Alex Hayward, Brianna Hennessy, Liam Hickey, Cindy Ouellet, Christina Picton et Robbi Weldon, tous des athlètes para qui ont effectué un transfert ou qui pratiquent plusieurs sports. L’idée est de faire de leurs expériences positives la norme, plutôt que de dépendre de personnalités individuelles au sein du système.

Voici quelques thèmes communs issus de leurs expériences de transfert et multisports :

  • L’importance de la collaboration et de la communication ouverte entre un athlète et les entraîneurs des deux sports pour équilibrer la charge d’entraînement et le calendrier.
  • Le sentiment d’une performance globale plus marquée grâce à l’entraînement transversal et à la combinaison d’habiletés associées à différents sports.
  • Les avantages pour la santé mentale de la variété des activités et des coéquipières et coéquipiers.
  • Les problèmes de financement, car les athlètes ne peuvent recevoir des allocations de brevets que pour un seul sport, même si elles et ils sont jugés admissibles dans plus d’un sport.

Les prochaines étapes pour le groupe de travail comprennent l’élaboration d’une liste de recommandations concrètes pour un système de transfert à venir.

Toutefois, Davey note qu’il peut être difficile de formuler des recommandations quantifiables lorsqu’il s’agit de questions de changement de culture, comme l’abandon de la priorité accordée aux performances au profit de la priorité accordée à l’individu.

« Nous devons nous demander comment mesurer un changement d’état d’esprit », dit Davey.

Voici quelques-unes de ces recommandations potentielles pour les organisations sportives :

  • Intégrer la diversité des opportunités dès le départ
    • Demander aux nouveaux athlètes quels sont leurs antécédents sportifs, où elles et ils envisagent leur avenir et si elles et ils ont eu l’occasion d’explorer plusieurs sports.
  • Encourager un dialogue ouvert et continu entre les athlètes et les entraîneurs concernant les besoins et le bien-être des athlètes dans leur sport actuel.
    • Évaluer si la variété de l’entraînement et de l’activité (sans nécessairement opter pour un transfert complet) serait bénéfique pour l’entraînement ou la santé globale de l’athlète.
  • Parler à d’autres organisations sportives qui ont des synergies pour développer des possibilités d’entraînement transversal.
    • Par exemple, associer les sports d’été et d’hiver pour une diversification saisonnière, ou les sports calmes et de précision avec les sports à haute intensité et à adrénaline pour une diversification des habiletés.
  • Veiller à ce que les athlètes soient engagés dans les initiatives qui concernent leur parcours et leur développement de carrière et à ce qu’elles et ils les dirigent.
  • Faire preuve de détermination et d’intention dans le choix du langage
    • Méfiez-vous de l’amalgame entre « talent » et « personne » ou de la formulation du transfert comme « perte d’athlètes » ou « braconnage », mais considérez plutôt l’impact positif potentiel de mots comme « choix » et « soutien ».

Parmi les autres recommandations, il est probable que l’on demande aux organisations d’examiner leurs stratégies de développement et la manière dont elles soutiennent les athlètes tout au long du parcours parasportif, car de nombreux athlètes ont déclaré se sentir pressés d’atteindre les plus hauts niveaux de compétition le plus rapidement possible, en particulier après un transfert. Il est question d’une plateforme en ligne qui servirait de forum pour la communication entre athlètes, mais aussi pour une collaboration plus ouverte entre entraîneurs et organisations. Le financement sera également abordé dans les recommandations. Par exemple, le Programme d’aide aux athlètes, qui fournit un financement aux athlètes, ne permet pas actuellement aux athlètes d’être admissibles à un financement dans plus d’un sport, ce qui peut constituer un obstacle pour les athlètes multisports.

Dans l’ensemble, l’objectif est de faire évoluer le discours et la politique en matière de transfert d’un « état d’esprit de pénurie » vers un « état d’esprit robuste ». Dans ce dernier cas, les athlètes se sentent soutenus et encouragés non seulement à essayer différents sports, mais aussi à tracer une voie de développement qui leur convient physiquement et psychologiquement.

Restez connecté

Les nouvelles vont vite! Livré directement dans votre boîte de réception, le bulletin quotidien virtuel du SIRC vous permettra d’être à l’affut des dernières nouvelles, événements, emplois et connaissances dans le domaine du sport au Canada.

Articles récents

S'abonner au quotidien sportif canadien

Les nouvelles vont vite! Livré directement dans votre boîte de réception, le bulletin quotidien virtuel du SIRC vous permettra d’être à l’affut des dernières nouvelles, événements, emplois et connaissances dans le domaine du sport au Canada.

Skip to content