Le combat tacite : comment l’image corporelle façonne la performance sportive 

Pour les athlètes, le sport consiste à repousser les limites de l’habileté, de la force et de l’endurance. Mais que se passe-t-il lorsque le plus grand défi n’est pas physique? Pour de nombreux jeunes athlètes, la lutte la plus persistante se joue dans leur esprit : l’image corporelle. 

Catherine Sabiston, professeure à la faculté de kinésiologie et d’éducation physique de l’Université de Toronto et directrice du Centre de recherche sur la santé mentale et l’activité physique, a passé des années à étudier la relation complexe entre l’image corporelle et les performances sportives. Ses conclusions révèlent une réalité troublante : une image corporelle négative peut diminuer la confiance en soi, entraver les mouvements et même éloigner les athlètes des sports qu’ils aiment. 

Au-delà des troubles alimentaires : Les conséquences cachées de l’image corporelle dans le sport 

On a tendance à considérer que l’image corporelle est un sujet « flou », explique Mme Sabiston.  

« Ce que nous essayons de faire, c’est de montrer à quel point c’est important. Lorsque nous parlons d’image corporelle, les gens associent intrinsèquement l’image corporelle à des choses telles que les troubles de l’alimentation. Et oui, il y a un lien crucial, mais il y a tellement plus que les troubles de l’alimentation. L’image corporelle a des répercussions sur tous les aspects de la vie… elle a une incidence sur la façon dont les gens se comportent avec les autres, sur leur qualité de vie, sur leur santé mentale, sur leur santé physique, sur le risque de blessure, sur toutes sortes d’aspects de la performance. » 

Les athlètes évoluent dans des environnements où leur corps est constamment scruté. Qu’il s’agisse d’un entraîneur commentant le poids, de coéquipiers faisant des comparaisons ou de la pression subtile exercée par les miroirs et les uniformes ajustés, les enjeux liés à l’image corporelle sont profondément ancrés dans la culture sportive. 

Pour beaucoup, cette bataille intérieure commence dès le plus jeune âge. Les filles, en particulier, rapportent des niveaux élevés de honte, de culpabilité et de conscience de soi liés à leur apparence. Mme Sabiston raconte que de jeunes athlètes lui ont confié n’avoir jamais remis en question leur apparence jusqu’à ce que la saison se déroule en salle, les confrontant à des gymnases tapissés d’images de corps athlétiques « idéaux ». 

Même des éléments bien intentionnés du sport peuvent contribuer à la surveillance du corps. « Un entraîneur peut afficher des affiches d’athlètes d’élite en pensant qu’ils sont une source d’inspiration, explique-t-elle. Mais pour certains, ces images renforcent les attentes irréalistes et le doute de soi. » 

Repenser l’entraînement : aller au-delà du discours corporel 

Si l’image corporelle est si essentielle à l’expérience de l’athlète, pourquoi est-elle rarement abordée dans le cadre de l’entraînement? Souvent, il s’agit d’un malaise ou d’un manque de sensibilisation. 

« Nous entendons souvent des athlètes dire à leur entraîneur : “Je passe une mauvaise journée, je me sens très lourd aujourd’hui”, et ces conversations sont souvent interrompues, souligne Mme Sabiston. Au contraire, nous voulons encourager les entraîneurs à s’engager pleinement dans ces échanges. Il s’agit de comprendre pourquoi l’athlète ressent cela, pourquoi il perçoit son corps de cette façon. Plus les entraîneurs seront outillés pour mener ce type de discussion, mieux ce sera, car les athlètes se sentiront écoutés. Or, il est essentiel pour un athlète de se sentir entendu et soutenu par son entraîneur dans cet aspect fondamental du sport. » 

De simples ajustements dans le langage peuvent avoir un impact significatif. L’attention se déplace alors du poids et de l’apparence vers la performance et les capacités. « Il est crucial d’éliminer complètement les commentaires portant sur le poids. Ils sont inutiles et souvent nuisibles. » 

Au-delà du langage, l’environnement d’entraînement lui-même joue un rôle. Les entraîneurs doivent évaluer tous les éléments, de l’imagerie de leurs installations à la structure des pesées.  

Selon Mme Sabiston, les dirigeants sportifs doivent se demander s’ils mesurent les progrès en fonction du poids ou de la forme et de la taille du corps. Ou bien encourage-t-on involontairement une culture de la comparaison? 

Le problème de l’uniforme : quand le vêtement devient une barrière 

L’une des questions les plus controversées en matière d’image ou de surveillance du corps et de sport est celle des uniformes. Pour de nombreux athlètes, en particulier les jeunes filles, les vêtements qu’ils portent peuvent déterminer s’ils se sentent à l’aise en compétition. 

« Dans le sport pour les jeunes en particulier, les uniformes sont importants et constituent un sujet de controverse pour les athlètes et les filles, notamment en ce qui concerne le choix d’uniformes confortables, explique Mme Sabiston. Si l’uniforme attire l’attention [de l’athlète] sur son corps, il ne donne pas le meilleur de lui-même. Les ressources de leur attention, qui seraient autrement nécessaires à leurs performances, sont accaparées par leur apparence. » 

La solution? Offrir des options. « Les entraîneurs et les administrateurs doivent s’assurer que les fabricants avec lesquels ils collaborent proposent une large gamme de tailles et de styles d’uniformes, afin que ces jeunes filles se sentent à l’aise. Les athlètes doivent pouvoir choisir des uniformes qui leur conviennent et dans lesquels elles se sentent bien. D’après nos travaux auprès d’enfants plus jeunes et de préadolescentes, leur corps peut changer jusqu’à trois fois au cours d’une saison en raison de la puberté. Il ne suffit donc pas de prévoir un uniforme pour une ou deux saisons, il faut aussi veiller à en avoir en quantité suffisante pour que les filles puissent choisir ce dont elles ont besoin au moment où elles en ont besoin. » 

Même des facteurs tels que les menstruations doivent être pris en compte. « Si une athlète s’inquiète de sa visibilité en compétition, c’est une distraction énorme, note Mme Sabiston. Nous devons être proactifs et proposer des options confortables et adaptées aux performances. » 

Ce n’est pas qu’un problème pour les filles : Comment les garçons vivent leur image corporelle dans le sport 

Alors que les problèmes d’image corporelle sont souvent considérés comme des problèmes féminins, la recherche suggère que les garçons et les hommes les vivent également, mais différemment. 

Les filles ont fait l’objet de beaucoup plus de recherches, mais cela ne signifie pas que les garçons, les hommes ou les personnes de genre différent en sont à l’abri, explique Mme Sabiston. « Les problèmes d’image corporelle touchent l’ensemble du spectre du genre. Historiquement, les garçons ont été davantage affectés par des préoccupations liées à la musculature que par celles liées à la graisse, contrairement aux filles, mais ce n’est pas toujours le cas. De nombreux garçons s’inquiètent de leur masse grasse et de la taille de leur corps de la même manière. » 

Dans leur étude, Mme Sabiston et son équipe ont constaté que, lorsqu’ils étaient confrontés aux mêmes problématiques d’image corporelle, garçons et filles voyaient leurs performances affectées. Tous ressentaient de la gêne et, dans ces moments-là, leur temps de réaction ralentissait, leur prise de décision s’affaiblissait et leur confiance en eux diminuait, explique-t-elle. 

Changer d’objectif : Stratégies permettant aux athlètes de faire face à la surveillance de leur corps 

Pour les athlètes confrontés à des problèmes d’image corporelle, Mme Sabiston souligne l’importance de détourner l’attention de l’apparence pour la porter sur la performance. « Il est essentiel d’établir une relation positive avec le fonctionnement du corps, ses compétences, sa force et son endurance, explique-t-elle. Se concentrer sur ce que le corps peut faire plutôt que sur son apparence peut aider les athlètes à se sentir plus en contrôle. » 

L’une des approches les plus efficaces, explique-t-elle, est l’autocompassion. Les athlètes qui pratiquent l’autocompassion, qui se traitent avec gentillesse plutôt qu’avec des critiques, ont tendance à avoir une image corporelle plus saine et à être plus performants. Il peut s’agir de stratégies de dialogue avec soi-même, comme remplacer les pensées négatives par des pensées positives, ou d’éviter les environnements qui accentuent l’examen du corps, comme les espaces remplis de miroirs ou les uniformes qui semblent contraignants. 

Les espaces d’entraînement et de performance devraient également être conçus de manière à réduire les pressions liées à l’apparence. « Pour certains, les miroirs sont nécessaires pour travailler la technique, mais pour beaucoup, ils ne le sont pas. Porter des vêtements confortables et s’entraîner dans des environnements qui privilégient la fonction plutôt que la forme sont de petits changements qui peuvent avoir un impact significatif. » 

Mme Sabiston souligne également l’importance de favoriser une culture d’équipe positive. « Les athlètes passent beaucoup de temps ensemble, et la manière dont ils parlent de leur corps est essentielle, explique-t-elle. Éviter les comparaisons corporelles, faire attention au langage utilisé dans les vestiaires et promouvoir la diversité corporelle dans le sport sont autant de mesures indispensables. » 

Changer la culture du sport : La voie à suivre 

Que faut-il donc changer? Pour Mme Sabiston, la réponse commence par l’éducation. Les entraîneurs, les formateurs, les administrateurs, tous les intervenants du sport doivent être informés de l’image corporelle et de son incidence, dit-elle.  

L’objectif est de créer des environnements dans lesquels les athlètes se sentent soutenus et non examinés. Cela signifie qu’il faut : 

  • Éliminer les commentaires fondés sur le poids dans le domaine de l’entraînement et de l’exercice. 
  • Fournir des options d’uniformes qui permettent le confort et le choix. 
  • Concevoir des espaces d’entraînement qui ne renforcent pas les idéaux corporels néfastes. 
  • Encourager les conversations ouvertes sur l’image corporelle sans stigmatisation. 
  • Reconnaître que l’image corporelle affecte tous les athlètes, et pas seulement les femmes et les filles. 

Le sport a le pouvoir de renforcer la confiance et la résilience, mais seulement si les athlètes se sentent en sécurité dans leur propre peau. Si nous voulons que les jeunes restent engagés dans le sport, nous devons nous assurer qu’ils ne se battent pas contre leur propre corps juste pour rester dans le jeu. 

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Paula Baker, M.Sc., est la rédactrice en chef du SIRC. Dans le cadre de ses fonctions, elle s’appuie sur ses 20 années d’expérience en tant que journaliste et ancienne physiologiste de l’exercice pour apporter à nos lecteurs des recherches, des connaissances et des histoires d’intérêt humain dans le domaine du sport.

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