Vous avez probablement entendu parler de l’effet d’âge relatif, le concept qui fait référence au regroupement de jeunes athlètes en classes ou équipes formées selon leur âge chronologique : ceux qui sont nés tôt dans la cohorte peuvent avoir des avantages physiques ou intellectuels en comparaison avec ceux nés plus tard la même année, ce qui leur donne de meilleures opportunités de participation et qui tend à augmenter l’impact de cet avantage. Des recherches effectuées dans le milieu sportif démontrent que l’effet d’âge relatif peut être un avantage structurel pour ceux qui sont nés tôt dans une cohorte et un désavantage pour ceux qui sont nés plus tard, excluant ceux qui se développement tardivement et privant ainsi les programmes sportifs de talents et de potentiel.
Il existe une alternative à cette traditionnelle division par groupes d’âge : le bio-banding, un processus qui consiste à regrouper les athlètes en fonction de critères liés à la croissance et à la maturité plutôt qu’à l’âge chronologique (Cumming et. al, 2017, p.34). Le bio-banding (ou regroupement par âge biologique) a un impact positif puisqu’il permet de réduire le taux de blessure et qu’il accroît la capacité d’un individu à améliorer ses habiletés, autant techniques que tactiques, en s’ajustant en fonction de ses expériences de formation et de compétition. C’est l’une des approches qui proposent une formation et une compétition appropriées au développement et qui permettent ainsi d’éviter les pièges que le regroupement basé sur l’âge chronologique implique.
Qui a recours au bio-banding?
Au Royaume-Uni, le Dr Sean Cumming de l’Université de Bath collabore activement auprès de programmes académiques pour les jeunes de la Premier League anglaise (EPL) afin d’y intégrer la pratique du bio-banding. La Premier League possède un système élaboré de gestion qui recueille les données des joueurs de niveau académique à des fins d’analyse et permet ainsi un suivi précis de chaque joueur lors de sa progression; il ne se limite pas seulement à des aperçus instantanés de sa croissance physique ou de sa performance. En 2016, l’EPL a organisé le premier tournoi bio-banding pour jeunes. Les commentaires recueillis auprès de ces joueurs ont été très positifs. Le Dr Cummings a également travaillé avec d’autres sports comme le rugby (aussi en Nouvelle-Zélande), le tennis, la gymnastique et le ballet. Pour plus d’information, regardez ce lien Vimeo.
Comment ça fonctionne
Selon Cumming et al (2017), « La mesure précise de l’âge chronologique, de la taille et du poids des jeunes athlètes ainsi que la moyenne de la taille de leurs parents biologiques sont importantes lors du protocole d’évaluation de la taille prévue à l’âge adulte. Ainsi, les responsables de telles évaluations doivent idéalement être formés et qualifiés en conséquence » (page 36). Vous trouverez une introduction à l’évaluation de la croissance dans le document Le suivi de la croissance : un aspect du développement à long terme du participant/athlète de Le sport c’est pour la vie. Toutefois, pour comprendre de façon détaillée comment s’effectuent les mesures pour le bio-banding, veuillez consulter les articles Cumming et al. (2017) ou Khamis et Roche (1994) en référence à la fin de cet article.
En pratique, les organisations et entraîneurs qui ont recours au bio-banding devraient être prêts à faire le suivi régulier de la croissance et du développement des athlètes jusqu’à la fin de la poussée de croissance, et ajuster en conséquence la formation individuelle d’un athlète et sa participation aux compétitions. Cela signifie que la « transition » des athlètes vers un autre niveau de compétition serait définie par son rythme de développement, et non selon son année d’inscription ou sa date de naissance. Pour ce qui est de la formation, le bio-banding peut aussi être utilisé pour regrouper de jeunes athlètes dans différents cours d’éducation physique, et pour faire le suivi du progrès des habiletés techniques et physiques en se basant sur la catégorie de bio-banding.
Le regroupement de jeunes athlètes grâce au bio-banding n’est pas une méthode infaillible qui garantit à coup sûr le développement approprié de l’athlète – c’est une stratégie que l’on doit prendre en considération en plus du regroupement habituel par âge chronologique. Quel que soit le pourcentage équivalent de la taille adulte (la mesure de référence du bio-banding), l’entraîneur (ou le personnel de soutien comme les psychologues sportifs) doit toujours évaluer la disposition technique/tactique et psychologique générale d’un jeune athlète à effectuer des tâches non chronologiques. Bien que le travail se soit principalement concentré du côté des garçons, nous suggérons que la conscience de cohésion sociale des filles devienne une autre considération importante pour que le bio-banding s’applique aux filles.
« Bien que le bio-banding regroupe les athlètes selon leurs caractéristiques physiques, il n’exclut pas la prise en considération d’habiletés psychologiques et/ou techniques. Par exemple, un garçon qui mature de façon précoce peut être découragé de s’entraîner ou de se mesurer à des jeunes plus âgés si ces derniers ne possèdent pas la compétence technique et/ou maturité psychologique qui garantissent une expérience sécuritaire et positive (50,51). De la même façon, il est peu probable qu’un garçon qui mature tardivement et qui s’épanouit déjà dans son groupe d’âge bénéficie de la compétition contre des camarades plus jeunes ayant le même niveau de maturité. Le bio-banding n’exclut pas la prise en considération du développement technique et psychologique. Il faut tenir compte de ces éléments lorsqu’on regroupe les athlètes selon leur taille et/ou maturité pour la formation et la compétition. » (Cumming et al., 2017, p. 35)
Comment aller de l’avant avec le recours au bio-banding?
Des changements comme le bio-banding sont plus susceptibles d’être apportés lorsque les entraîneurs désirent remédier à un problème ou trouver une solution à une situation qui perdure, que lorsque les chercheurs proposent des recommandations « de haut en bas ». Le Dr Cumming signale que les connaissances liées au dilemme de la maturité précoce et tardive de l’athlète sont disponibles depuis plusieurs années (voir le travail de Robert Malina depuis les années 1970). C’est seulement lorsque les académies de l’EPL perdaient des athlètes en raison de blessures ou d’absence d’amélioration qu’elles commençaient à remettre en question leurs méthodes de recrutement de jeunes joueurs (c.-à-d. talent identifié entre 8 et 10 ans), et qu’elles réalisaient qu’il fallait faire les choses autrement.
Cumming et le Dr Adam Baxter-Jones de l’Université de Saskatchewan insistent sur l’importance d’informer les parents à propos de l’objectif du bio-banding. Bien que la plupart des parents sont confortables lorsque leur enfant est invité à jouer à un niveau plus élevé, ils affichent souvent une attitude négative lorsque leur enfant est invité à jouer à un niveau plus bas. Les académies d’EPL ont abordé cette question en nommant les programmes de bio-banding en l’honneur d’athlètes qui ont connu du succès après avoir joué à un niveau plus bas. Un exemple est Harry Kane, des Hotspurs de Tottenham, une équipe anglaise de niveau international, qui a dit : « À cet âge, il est difficile de prévoir ce qu’un joueur deviendra. J’étais petit pour mon âge. Je me suis développé tardivement… à cet âge, c’est difficile de prédire qu’un joueur va performer. Avec le temps, j’ai continué à grandir, et j’ai finalement rattrapé les autres joueurs du même âge. Tout était maintenant possible. »
Nous devons aussi nous assurer que nos programmes de formation d’entraîneurs fournissent des informations précises sur la croissance et le développement des athlètes, la façon d’effectuer le suivi, et la gestion adéquate des athlètes à développement précoce, « normal » et tardif dans nos programmes.
Ressources
Podcasts sur le bio-banding comportant des discussions de Sean Cumming:
Pacey Performance (episode #147)
Athlete Development Show (episode #10)