Comme base de leurs entraînements, certains entraîneurs s’appuient sur des exercices de facto qui semblent être une partie essentielle de leur sport; d’autres se tournent vers les derniers gadgets et les technologies pour mettre en œuvre leurs plans d’entraînement. Avant d’intégrer des éléments traditionnels ou technologiques, les entraîneurs doivent évaluer leurs exercices et les outils innovants en fonction de leur contribution à l’acquisition des compétences. L’application de la théorie de conception d’apprentissage représentatif (CAR) peut aider à garantir que vos entraînements contribuent à un apprentissage de qualité et à un meilleur transfert des compétences de la pratique à la compétition.
Qu’est-ce que la CAR?
La CAR est un cadre qui évalue la mesure dans laquelle un entraînement ou un exercice est représentatif des exigences liées aux compétitions (Krause et coll., 2017; Pinder et coll., 2011). En d’autres termes, vos tâches d’entraînement simulent-elles avec précision les environnements de performance? En utilisant le cadre de CAR, les environnements de performance simulés sont évalués sur la base de deux concepts clés :
- Fidélité à l’action – Mesure dans laquelle les mouvements d’un athlète pendant un entraînement ou un exercice imitent le comportement de mouvement requis pendant une compétition.
- Fonctionnalité – Mesure dans laquelle une tâche ou un entraînement contient les mêmes renseignements que ceux présents pendant une compétition.
Des recherches antérieures ont établi que le jumelage perception-action – soit l’association des mouvements avec les informations contextuelles et perceptuelles nécessaires pour exécuter une tâche avec succès – sous-tend une performance exceptionnelle. Par exemple, les athlètes d’élite prennent de meilleures décisions (p. ex. estimer où une balle va atterrir) lorsqu’on leur permet de se déplacer comme s’ils jouaient, par opposition à lorsqu’ils sont assis et qu’ils regardent une vidéo. Les recherches suggèrent que le fait de s’entraîner en faisant des tâches qui intègrent des mouvements et des informations propres aux compétitions, et qui sont donc plus fidèles à l’action et plus fonctionnelles, permet un apprentissage de meilleure qualité et de meilleures performances lors d’une compétition.
Le CAR et la recherche dans le domaine du sport
Fidélité à l’action
Pour encourager des séries de mouvements cohérents chez les athlètes, les entraîneurs utilisent souvent une approche « déconstructive » – une compétence isolée qui est fréquemment exécutée pendant un match (p. ex. le service au tennis, le lancer de la balle-molle, le lancer franc au basketball) qui est décomposée et segmentée dans l’environnement d’entraînement.
Davids et coll. (2000) ont étudié comment cette méthode affectait la régularité du service des joueurs de volleyball novices. Dans cette expérience, les joueurs de volleyball novices ont été divisés en deux groupes : l’un s’est entraîné à lancer le ballon de façon régulière, sans le frapper (c’est-à-dire un seul mouvement); l’autre s’est entraîné à lancer et à frapper le ballon de façon consécutive. Les résultats montrent que le groupe d’entraînement à mouvement individuel a connu une plus grande variation à long terme dans la hauteur et l’emplacement de son lancer de ballon. Ceci est important, car l’incohérence des lancers de ballons est liée à un plus grand nombre d’erreurs, ce qui nuit à la performance (Davids et coll., 2001). De plus, le fait d’effectuer régulièrement cet exercice isolé risque d’avoir des effets néfastes sur l’apprentissage à long terme, car il perturbe le développement du jumelage perception-action. Des recherches montrent que les joueurs de volleyball experts utilisent le zénith vertical (point le plus élevé) du ballon comme repère pour amorcer la rotation de leur hanche avant (Davids, 1999). Ainsi, les exercices qui sont peu fidèles à l’action ne permettent pas de synchroniser les mouvements pertinents avec les informations perceptuelles.
Fonctionnalité
Alors que la fidélité à l’action mise sur l’aspect « mouvement » du lien perception-action, la fonctionnalité se concentre largement sur la partie informative du lien. Dans chaque sport, les athlètes traitent et utilisent de l’information pour prendre des décisions et bouger en conséquence. Selon le sport, l’information peut être visuelle (p. ex. un défenseur ou un objet qui s’approche), haptique (p. ex. la sensation d’un club de golf ou d’une raquette de tennis), auditive (p. ex. le bruit de l’impact entre une balle et un objet) et probabiliste (p. ex. la probabilité qu’un événement se produise dans une compétition). Par conséquent, il est crucial de veiller à ce que votre environnement d’entraînement préserve la relation entre le mouvement et l’information.
Le lien perception-action est particulièrement pertinent dans les sports d’interception (p. ex. baseball, cricket, softball et tennis), où les athlètes s’appuient sur l’association du traitement avancé de l’information visuelle (p. ex. la position du corps de l’adversaire et sa trajectoire, la rotation et la vitesse de la balle qui s’approche) avec des mouvements complexes pour frapper la balle. Lorsque des machines à balle sont utilisées pour simuler un adversaire, la fonctionnalité est faible, car l’athlète n’est pas capable de traiter les indices informationnels qu’il utilise en compétition, tels que le point d’enroulement ou de relâchement ou de contact de son adversaire. Pour démontrer les désavantages potentiels associés à la conception d’exercices à faible fonctionnalité, Pinder et coll. (2009) ont évalué le temps et la coordination de l’élan des frappeurs de cricket novices face à un joueur de quilles (haute fonctionnalité) et à une machine de quilles (faible fonctionnalité). Face à la machine de quilles, les frappeurs présentaient des mouvements kinésiques sous-optimaux et un retard de synchronisation. Cela suggère que les frappeurs utilisant une machine à balles peuvent pratiquer des mouvements qui ne sont pas utilisés contre un véritable adversaire pendant la compétition. Le risque est que les exercices à faible fonctionnalité puissent perturber le jumelage entre l’information et le mouvement, ce qui pourrait nuire à l’apprentissage et à la performance.
La technologie et la CAR
Les plans d’entraînement qui intègrent la technologie moderne sont de plus en plus populaires dans le sport de haut niveau. Les joueurs de hockey et de soccer peuvent observer la technique de tir filmée par des caméras à haute définition, les joueurs de basketball peuvent suivre le nombre de lancers effectués à l’entraînement grâce à des capteurs de poignet et de filet, et les joueurs de football/rugby peuvent être vus en train de s’attaquer à des tapis robotisés sur leurs sites d’entraînement respectifs. Cependant, certaines de ces technologies sont peu représentatives au point de ne pas contenir d’aspects reconnaissables d’un sport (p. ex. le suivi d’objets multiples). Bien qu’il existe des preuves que les technologies d’entraînement cérébral améliorent la mémoire de travail (Vartanian et coll., 2016), de nombreuses études ont mentionné que l’entraînement avec de telles technologies n’entraîne pas d’amélioration des performances spécifiques au sport (Farrow et coll., 2018; Harris et coll., 2020; Melby-Lervåg et coll., 2016), car elles sont peu fonctionnelles et peu fidèles à l’action. Pour un coût non négligeable, les entraîneurs peuvent intégrer un environnement virtuel hautement fidèle ou une réalité augmentée dans leurs plans d’entraînement. Bien que prometteuses, la majorité des applications de réalité virtuelle (RV) liées à la recherche sur le sport se sont concentrées sur les sports d’endurance, où il faut prendre en compte moins de facteurs pour créer un environnement immersif (Neumann et coll., 2018). À mesure que les environnements de RV deviennent plus représentatifs de la compétition dans les sports d’adresse, les avantages et les inconvénients potentiels de l’acquisition de compétences dépendront probablement de la mesure dans laquelle ils préservent la fidélité à l’action et la fonctionnalité, et de la mesure dans laquelle leur utilisation est équilibrée avec d’autres tâches représentatives.
Les nouvelles technologies contribuent également à un climat de rétroaction rapide. Bien que les instruments de mesure portables et logiciels contribuent à une meilleure compréhension de la manière dont des entrées spécifiques affectent les sorties (par exemple, les caméras à grande vitesse qui capturent la manière dont une prise spécifique affecte le mouvement d’une balle de baseball pendant un lancer), ils peuvent également conduire à une visualisation compartimentée des mouvements. En outre, l’instantanéité de la rétroaction technologique (p. ex. avis immédiatement après qu’une erreur a été commise) n’est généralement pas représentative de la compétition et peut avoir des conséquences néfastes sur l’apprentissage si elle n’est pas présentée de manière appropriée (pour en savoir plus, consultez le billet du SIRC sur les stratégies d’entraînement pour maximiser l’apprentissage et la performance à long terme des athlètes).
Points clés à retenir
Les environnements de pratique contemporains comprennent des exercices qui n’ont pas changé depuis des décennies et des technologies émergentes impressionnantes, indépendamment de ce que les recherches empiriques suggèrent quant à leur efficacité. Lorsqu’ils évaluent les exercices traditionnels ou décident d’introduire des technologies dans l’environnement d’entraînement, les entraîneurs et les athlètes peuvent utiliser une lentille de CAR pour évaluer leur valeur en tenant compte des questions suivantes :
- L’athlète traite-t-il les mêmes indices informationnels (fonctionnalité) et se déplace-t-il de la même manière (fidélité à l’action) dans l’environnement d’entraînement que dans un environnement de compétition?
- Est-il exposé à des variations significatives et pertinentes pendant l’entraînement et les explore-t-il?
- Reçoit-il de la rétroaction de la même manière?
- Comment les signaux d’information sont-ils adaptés aux capacités de développement et de mouvement des athlètes?
Si l’acquisition et la progression des compétences sont les objectifs des athlètes, la conception des exercices doit être envisagée sous l’angle de la Conception d’apprentissage représentatif.