Comprendre le processus de retranchement dans le sport compétitif féminin chez les jeunes

L’infographie résumant cette recherche est disponible ici.

Résumé du projet

Le retranchement (ou fait d’être « coupé ») est l’élimination d’un athlète d’une équipe sportive de compétition fondée sur les décisions d’un entraîneur. Compte tenu de la structure sportive de compétition au Canada, il est inévitable que de nombreux athlètes soient retranchés chaque année. Toutefois, on connaît peu de choses sur la façon dont les entraîneurs composent avec le processus de retranchement et comment les athlètes et leurs parents s’adaptent au fait d’être coupés. Le but général de la présente recherche était de mieux comprendre le retranchement dans le sport compétitif féminin chez les jeunes, particulièrement à l’échelon provincial. Ce but a été atteint grâce à trois études connexes, chacune portant sur un aspect différent du retranchement. La première étude a examiné le processus décisionnel des entraîneurs au sein du processus de retranchement. La deuxième étude a examiné comment les athlètes et leurs parents s’adaptaient ensemble au retranchement. La troisième étude a exploré la croissance positive à la suite du retranchement. En général, le présent projet a relevé des stratégies utilisées par les entraîneurs pour réaliser le processus et cerner des façons dont les athlètes et leurs parents se sont adaptés au retranchement, y compris des stratégies d’adaptation qui ont contribué à la croissance positive. En générant plus de connaissances sur la façon dont les entraîneurs, les athlètes et les parents composent avec le retranchement et s’adaptent à celui-ci, nous serons peut-être en mesure de réduire les effets nocifs éventuels associés à cette caractéristique extrêmement difficile du sport pratiqué par les jeunes au Canada.

Méthodes de recherche

La présente recherche a utilisé une approche de recherche qualitative. Dans L’Étude 1, on a utilisé la description interprétative (Thorne, 2008) pour examiner le processus décisionnel des entraîneurs dans le cadre du processus de retranchement. On a réalisé des entrevues individuelles semi-structurées auprès de 22 entraîneurs en chef (16 hommes, 6 femmes, âge M = 41,9 ans, ET = 11,6 ans, fourchette = 26 à 71 ans) d’équipes de soccer (n = 5), de basketball (n = 6), de volleyball (n = 6) et de hockey sur glace (n = 5) d’adolescentes de niveau provincial. Au total, 19 entraîneurs se sont soumis à un protocole par messagerie électronique pour la vérification des membres. Dans l’Étude 2, on a utilisé l’approche descriptive phénoménologique (Giorgi, 2009) pour explorer la façon dont les athlètes et leurs parents d’adaptent au retranchement d’une équipe sportive à l’échelon provincial. Au total, 14 athlètes adolescentes (âge M = 15,0 ans; ET = 1,4) et 14 de leurs parents (5 pères, 9 mères; âge M = 45,2 ans; ET = 5,4) ont participé aux entrevues individuelles semi-structurées. Les participantes ont été retranchées d’équipes de soccer (n = 4), de basketball (n = 5), de volleyball (n = 2) et de hockey sur glace (n = 3). En tout, 22 participants se sont soumis à un protocole par messagerie électronique pour la vérification des membres (dyades de 11 athlètes-parents). Dans l’Étude 3, on a utilisé une analyse interprétative phénoménologique (Smith et coll., 2009) pour examiner les expériences de croissance des athlètes féminines à la suite du retranchement. On a recueilli les données au moyen de deux entrevues individuelles semi-structurées réalisées auprès de chaque participante, une entrevue principale et une entrevue de vérification des membres. Les participantes étaient 18 femmes (âge M = 22,73 ans, ET = 1,35) qui avaient pratiqué un sport de compétition pour les jeunes adolescentes et ont été retranchées d’une équipe de soccer (n = 9), de hockey sur glace (n = 5) ou de volleyball (n = 1) au niveau provincial entre les âges de 14 et 18 ans.

Résultats de recherche

Dans l’Étude 1, les résultats ont révélé que le retranchement était un processus qui comportait quatre phases : la réunion préalable aux essais, l’évaluation et le processus décisionnel, la communication du retranchement et les réflexions postretranchement. Au cours de la réunion préalable aux essais, les entraîneurs ont expliqué la logistique, les critères de sélection et les attentes envers les athlètes et les parents. La phase d’évaluation et de processus décisionnel comprenait les entraîneurs qui évaluaient les joueuses, documentaient leurs décisions et composaient avec la certitude ou à l’incertitude. Lorsqu’ils faisaient face à l’incertitude, les entraîneurs se fiaient à leur intuition. La communication du retranchement consistait à informer les joueuses de leur décision, à leur fournir une rétroaction et à parler aux parents. Au cours de la phase de réflexions postretranchement, les entraîneurs ont réfléchi aux procédures qu’ils ont utilisées tout au long du processus de retranchement et aux conséquences de leurs décisions à l’égard du développement continu de l’athlète. En établissant des phases distinctes du processus de retranchement, nous avons été en mesure d’isoler des détails précis des responsabilités, des préoccupations et des décisions des entraîneurs à des moments différents.

Dans l’Étude 2, les résultats ont montré que les participantes ont systématiquement évalué le retranchement d’un point de vue partagé (c.àd. les athlètes et les parents ont perçu le retranchement comme « notre problème »), et la responsabilité de s’adapter au retranchement a changé au fil du temps. Initialement, les parents ont protégé leurs filles des émotions négatives découlant du retranchement (une orientation de type « notre problème, ma responsabilité »). Les athlètes et les parents ont ensuite participé à des mesures coopératives (rationalisation et recadrage positif) pour gérer leurs réactions au facteur de stress (une orientation de type « notre problème, notre responsabilité »). Enfin, les athlètes et les parents ont participé à des stratégies individuelles d’adaptation. Les athlètes et les parents ont participé à un réseau social élargi, alors que les athlètes se sont aussi concentrées sur leur équipe et ont augmenté leurs efforts au cours de l’entraînement. Cela a reflété une orientation de type « notre problème, ma responsabilité », mais où les athlètes assumaient davantage de responsabilités à l’égard de leur adaptation.

Dans l’Étude 3, les résultats ont souligné certaines répercussions potentielles à long terme du retranchement dans le sport chez les jeunes. On se souvenait du retranchement comme une expérience négative et souvent dévastatrice qui faisait en sorte que les participantes remettaient en question leur capacité et leur identité en tant qu’athlète. Cependant, une croissance positive a suivi dans le cas d’athlètes qui ont vécu de l’humilité, rétabli le sport comme leur priorité principale, bénéficié de soutien social, acquis du recul et sont devenues généralement optimistes concernant des possibilités futures dans le sport. Dans le cadre de ces processus, les athlètes ont éprouvé de la compassion pour les autres, acquis de la motivation et de la persévérance et appris comment s’adapter aux revers dans d’autres aspects de leur vie.

La recherche a été limitée par la taille des échantillons. Même s’ils étaient appropriés compte tenu du but de la présente recherche, ils étaient petits et relativement homogènes. Par conséquent, les résultats ne peuvent pas être généralisés d’emblée pour d’autres populations sportives chez les jeunes (p. ex. les hommes, les athlètes à différents niveaux de compétition ou les athlètes plus jeunes). Toutes les entrevues étaient rétrospectives, et il peut être possible de tirer de l’information plus précise concernant le processus de retranchement et les processus d’adaptation et de croissance en utilisant des méthodologies de recherche longitudinales (p. ex. entrevues multiples). Enfin, un biais d’autosélection peut être présent dans les études 2 et 3 parce qu’on a demandé aux participantes de communiquer avec le chercheur principal. Il est possible que seules celles qui ont pensé s’être adaptées au retranchement ou vécu une croissance positive se soient portées volontaires.

Répercussions sur les politiques

La présente recherche sur le retranchement dans le sport chez les jeunes a plusieurs répercussions sur la participation des jeunes dans le sport et sur les politiques au Canada.

  • Un processus de retranchement très structuré est utile pour les entraîneurs. Il est important de tenir avec les parents et les athlètes des réunions préalables aux essais pour expliquer les critères et les attentes de sélection. Les entraîneurs devraient faire participer des entraîneurs supplémentaires comme évaluateurs afin de favoriser un sentiment d’équité, mais aussi d’obtenir du soutien quant aux décisions des entraîneurs.
  • On encourage les entraîneurs à communiquer les décisions relatives au retranchement dans des environnements privés individuels et à fournir une rétroaction aux athlètes. Compte tenu de l’état émotif de nombreux athlètes à la suite du retranchement, on recommande de fournir une rétroaction écrite aux athlètes.
  • Les organismes sportifs peuvent vouloir envisager de mettre des procédures en place pour protéger les entraîneurs dans le cadre d’interactions avec les parents afin de s’occuper de ceux-ci après la communication du retranchement.
  • Les parents jouent un rôle critique pour aider leurs enfants à composer avec le retranchement. Les organismes sportifs et les entraîneurs pourraient envisager d’éduquer les parents sur le rôle que ceux-ci jouent dans le soutien à procurer à leurs enfants à la suite du retranchement. Cela serait un changement important dans la façon dont les organismes sportifs/entraîneurs abordent le retranchement parce que la recherche antérieure montre qu’ils sont plus préoccupés à s’occuper des plaintes des parents (ce que les entraîneurs eux-mêmes signalent comme un facteur de stress) plutôt que d’expliquer les façons dont les parents peuvent aider leurs enfants à s’adapter.
  • Au cours des rencontres préalables aux essais, les entraîneurs pourraient expliquer que les parents peuvent jouer un rôle crucial dans le soutien de leurs enfants à la suite du retranchement et suggérer des stratégies d’adaptation pour les parents (p. ex. d’abord consoler l’athlète, communiquer, recadrer de manière positive, participer à un réseau social élargi) et les athlètes (p. ex. accent mis sur l’équipe, effort accru) qui peuvent mener à une croissance positive au fil du temps.
  • Le retranchement est un aspect important de la formation des entraîneurs parce qu’il s’agit de quelque chose qu’ils doivent vivre chaque saison, et lorsqu’il n’est pas bien fait, il peut avoir des conséquences négatives pour les athlètes et même en décourager certains de continuer à pratiquer un sport. Vu que le développement et la participation continue de l’athlète sont le point central du sport chez les jeunes, il existe des stratégies de retranchement que les entraîneurs peuvent utiliser qui contribuent en réalité à l’épanouissement de l’athlète, mais seulement si les entraîneurs sont informés quant à la façon dont on les met en œuvre de manière appropriée. Le retranchement est aussi une expérience stressante pour les entraîneurs, alors une bonne formation peut atténuer une partie du stress associé à ce processus souvent désagréable.

Prochaines étapes

La recherche future devrait évaluer l’efficacité des différents types de protocoles de retranchement (p. ex. ceux utilisés par des sports différents) et les résultats relatifs aux athlètes, aux parents et aux entraîneurs pour établir des « pratiques exemplaires » en matière de retranchement dans le sport chez les jeunes. Plus particulièrement, la recherche qui mènerait à des produits de connaissance tangible créés pour la formation des entraîneurs au Canada aiderait à s’assurer que les entraîneurs sont formés relativement au retranchement. Il y a aussi une possibilité d’élaborer un protocole de retranchement pour les entraîneurs qui pourrait être mis en œuvre partout au Canada.

Principaux intervenants et avantages

  • Organismes provinciaux et nationaux de sport
  • Association canadienne des entraîneurs
  • Associations provinciales d’entraîneurs
  • Canadian Sport Psychology Association
  • Programmes d’éducation d’entraîneurs et de parents
  • Académies de sport pour les jeunes
  • PYDsportNET

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Kacey Neely, Université de l’Alberta.

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