Un code pour tous les niveaux de sport : Mise en œuvre du Code de conduite universel pour prévenir et traiter la maltraitance dans le sport (CCUMS) au Canada

Introduction

Le Code de conduite universel pour prévenir et traiter la maltraitance dans le sport (CCUMS)  a été introduit dans le système sportif canadien à l’échelle nationale en 2022. Il est peut-être temps de réfléchir à son rôle dans l’ensemble du spectre sportif, du niveau national au niveau provincial et territorial, en passant par l’échelle municipale.

Une série d’enquêtes et de recherches ont confirmé la portée et l’ampleur de la maltraitance dans le sport. Par exemple, dans une étude de 2021 examinant les expériences des athlètes de l’équipe nationale canadienne, 69 % des athlètes ont fait état de négligence, 60 % de maltraitance psychologique, 21 % de maltraitance sexuelle et 14 % de maltraitance physique (Willson et coll., 2022). Ces résultats concordent avec ceux d’autres études menées dans des pays européens (Hartill et coll., 2023; Vertommen et coll., 2016). Certains ont qualifié la maltraitance dans le sport d’épidémie.

Le CCUMS a été mis en œuvre à l’échelle nationale afin de contribuer à la lutte contre la maltraitance dans le sport canadien. Sport Canada exige des organismes nationaux de sport (ONS) et des organismes nationaux de services multisports (OSM) recevant des fonds fédéraux qu’ils intègrent le CCUMS dans leurs politiques et procédures. Le CCUMS définit et interdit divers types de maltraitance et autres comportements inappropriés et établit un cadre de sanctions pour les violations du Code.

Bien que le CCUMS constitue une avancée positive, il n’a pas été largement mis en œuvre aux niveaux provincial, territorial et local du sport, où le nombre de participants est plus élevé et où la maltraitance peut être plus fréquente (McLaren Global Sport Solutions, 2020).

Contexte

La structure du système sportif canadien a été décrite comme une pyramide et fournit un mécanisme de mise en œuvre du CCUMS à tous les niveaux (voir figure 1).

Au sommet de la pyramide se trouvent les organisations sportives internationales. Les ONS et certains OSM sont membres de ces organisations sportives internationales et se situent en dessous d’elles dans la pyramide. Viennent ensuite les organisations sportives provinciales et territoriales, dont beaucoup sont membres de leurs ONS ou OSM respectifs. Au bas de la pyramide se trouvent les organisations locales, telles que les clubs, les équipes et les écoles, qui sont membres de leurs organisations provinciales et territoriales respectives. La figure 2 présente des exemples d’organisations dans la pyramide.

Chaque organisation de la pyramide a des règles qui affectent ses membres – des règles telles que l’éligibilité des membres et les droits et obligations des membres. Grâce à la structure pyramidale, les organisations de niveau supérieur peuvent utiliser les règles d’adhésion pour réglementer les organisations de niveau inférieur. Par exemple, une organisation de niveau supérieur peut exiger de ses propres organisations membres qu’elles respectent certaines règles et exiger de ces organisations membres qu’elles veillent à ce que leurs membres respectent les mêmes règles.

Cette approche a été utilisée par les organisations de volleyball énumérées dans la figure 2. Volleyball Canada a une politique exigeant que ses organisations provinciales et territoriales membres adoptent le CCUMS (Volleyball Canada, 2022) et ces organisations provinciales et territoriales ont des politiques exigeant que leurs organisations locales membres adoptent le CCUMS (OVA, 2023). Les organisations provinciales et territoriales doivent se conformer à la politique de Volleyball Canada afin de maintenir leur adhésion à Volleyball Canada, et les organisations locales doivent faire de même afin de maintenir leur adhésion à leur organisation provinciale ou territoriale respective.

Bien que la structure pyramidale ait été utilisée pour intégrer le CCUMS dans les règles des organisations de volleyball aux niveaux national, provincial, territorial et local, de nombreuses organisations sportives de plus haut niveau au Canada n’ont pas tiré parti de la pyramide de la même manière. Par conséquent, le CCUMS n’a pas été adopté à tous les niveaux du sport canadien. Plusieurs facteurs peuvent y contribuer.

  1. Avant la création du CCUMS, de nombreuses organisations de niveau supérieur ne disposaient pas de règles claires pour interdire tous les types de maltraitance, ce qui les empêchait d’imposer de telles règles aux organisations de niveau inférieur (Donnelly et Kerr, 2018; Mazzucco, 2012).
  2. Les organisations de niveau supérieur peuvent ne pas disposer des ressources humaines, financières et d’information nécessaires pour évaluer le respect des règles par une organisation de niveau inférieur (Mazzucco et Findlay, 2024).
  3. Le conseil d’administration responsable de la gouvernance d’une organisation de niveau supérieur peut ne pas disposer de l’expertise et de l’expérience nécessaires pour exercer un rôle de contrôle sur les organisations de niveau inférieur (Cromwell, 2022).
  4. Les organisations de niveau supérieur peuvent être réticentes à réglementer les organisations de niveau inférieur en raison d’une vision étroite de leur mandat de surveillance, de l’accent mis sur la prévention de la maltraitance dans leurs propres organisations, et/ou d’une certaine résistance de la part des organisations de niveau inférieur qui se considèrent comme indépendantes des organisations de niveau supérieur (Mazzucco et Findlay, 2024). Comme l’a noté le professeur de droit du sport Richard McLaren dans son témoignage devant le Comité permanent de la condition féminine du gouvernement du Canada :

Les paliers provinciaux remettent souvent en question l’organisation nationale et il n’y a pas de bons rapports entre les deux. Les niveaux provinciaux ont également des difficultés avec les clubs de base […] Et ce problème est commun à la plupart des sports au Canada.

L’une des raisons sous-jacentes de ces facteurs est que les organismes de sport au Canada sont largement autorégulés et que les différents niveaux de sport peuvent fonctionner indépendamment les uns des autres. Par conséquent, de nombreux organismes de niveau supérieur n’ont pas modifié leur approche de la gouvernance sans l’impulsion de sources externes.

Deux voies d’action

1. Rôle du gouvernement

Une solution potentielle pour combler cette lacune dans la mise en œuvre du CCUMS à tous les niveaux du sport canadien serait que Sport Canada exige des ONS et des OSM financés par le gouvernement fédéral qu’ils veillent à ce que le CCUMS soit adopté par leurs organismes de niveau inférieur. Toutefois, pour prendre une telle mesure, Sport Canada doit aller au-delà de la croyance selon laquelle son pouvoir de financement ne devrait être utilisé que pour réglementer le sport au niveau national, et non (indirectement) aux niveaux provincial, territorial ou local du sport. Comme l’a fait remarquer l’ancienne ministre canadienne des Sports (Pascale St-Onge) :

[La réalité, c’est que le système sportif touche de multiples juridictions [fédérales, provinciales, territoriales, locales] et je [en tant que ministre des Sports, au nom du gouvernement fédéral] ne peux pas le réparer [le système sportif] tout seul. Ce système doit être uniforme, et ce que nous constatons, c’est qu’il n’y a pas d’uniformité à l’heure actuelle (Burke, 2023, par. 10-11).

Bien que l’affirmation ci-dessus puisse refléter la position historique du gouvernement fédéral sur la manière dont il dépense l’argent, elle est peut-être trop restrictive. Le pouvoir de financement du gouvernement fédéral permet à Sport Canada de réglementer indirectement le sport aux niveaux provincial, territorial et local, même si une telle réglementation ne serait pas possible directement en raison des limites constitutionnelles des pouvoirs législatifs du gouvernement fédéral (Mazzucco et Findlay, 2024; Mazzucco & Donnelly, 2024).

De même, les gouvernements provinciaux et territoriaux pourraient imposer aux organismes de sport provinciaux et territoriaux financés par des fonds publics des conditions les obligeant à adopter le CCUMS et à veiller à ce que leurs organismes de niveau inférieur fassent de même.

Des exemples limités d’une telle action gouvernementale peuvent être observés dans certaines provinces et certains territoires. La Colombie-Britannique, par exemple, a créé sa propre version du CCUMS et exige des organismes de sport financés par des fonds publics qu’ils adoptent leurs propres politiques de sécurité dans le sport qui s’alignent sur celle-ci (viaSport BC, 2023). De même, le Québec exige des organismes de sport financés par l’État qu’ils se dotent d’une politique de protection de l’intégrité en matière d’abus, de harcèlement, de négligence et de violence qui est essentiellement similaire au CCUMS (Sports Québec, 2024). Enfin, l’organisme de financement du sport de la Nouvelle-Écosse (Nova Scotia Sport) exige que les organismes de sport financés par l’État adoptent le CCUMS (Spencer, 2023), et les Territoires du Nord-Ouest exigeront que leurs organismes de sport territoriaux financés par l’État fassent de même d’ici 2026 (V. McKay, communication personnelle, 12 juin 2024).

À ce jour, d’autres gouvernements provinciaux et territoriaux n’ont pas suivi, même s’ils se sont engagés à protéger le sport dans le cadre de la Déclaration de Red Deer pour la prévention du harcèlement, de l’abus et de la discrimination dans le sport (la « Déclaration de Red Deer »).

Les exemples ci-dessus concernant la Colombie-Britannique, le Québec, la Nouvelle-Écosse et les Territoires du Nord-Ouest sont également limités, car les conditions de financement des gouvernements n’exigent pas des organisations provinciales et territoriales qu’elles veillent à ce que le CCUMS (ou un code équivalent) soit adopté par les organisations de niveau inférieur.

2. Rôle du CCUMS 

Une autre mesure visant à garantir l’intégration du CCUMS à tous les niveaux du sport canadien consisterait à modifier le CCUMS lui-même en ajoutant une règle exigeant d’une organisation qu’elle veille à ce que ses organisations de niveau inférieur adoptent également le CCUMS. En d’autres termes, un ONS serait tenu de s’assurer que ses organisations provinciales et territoriales membres adoptent le CCUMS, et que ces organisations provinciales et territoriales exigent de leurs propres membres qu’ils adoptent également le CCUMS.

Ce type d’exigence en cascade est utilisé ailleurs dans le sport pour garantir l’application uniforme des règles à tous les niveaux, y compris les règles relatives à la pratique d’un sport et les règles contre le dopage. Les règles antidopage émanent de l’Agence mondiale antidopage (AMA) et du Code mondial antidopage (CMA). Les règles du CMA doivent être respectées par chaque organisation sportive qui l’a signé, comme les fédérations sportives internationales et les comités olympiques nationaux. Il est important de noter que le CMA exige également de ces organisations qu’elles s’assurent que leurs organisations de niveau inférieur se conforment également au CMA. Cette exigence permet aux règles internationales antidopage de se répercuter à tous les niveaux du sport.

Dans le contexte de la maltraitance, des obligations similaires pourraient être incluses dans le CCUMS en demandant aux organisations de niveau supérieur de veiller à ce que les organisations de niveau inférieur adoptent le CCUMS.

Recommandations

Pour soutenir la mise en œuvre du CCUMS à différents niveaux du sport canadien, les trois recommandations suivantes sont suggérées :

  1. Sport Canada devrait continuer à exiger l’adoption du CCUMS par tous les ONS et OSM financés par le gouvernement fédéral. Sport Canada pourrait également envisager d’exiger de ces organismes qu’ils veillent à ce que les organismes provinciaux, territoriaux et locaux qui leur sont affiliés adoptent le CCUMS. Les ONS et OSM pourraient se conformer à cette condition de financement en révisant leurs règles d’adhésion en conséquence.
  2. Les ministères provinciaux et territoriaux responsables du sport et de l’éducation pourraient envisager d’exiger des organismes sportifs provinciaux et territoriaux financés par des fonds publics qu’ils adoptent le CCUMS. Comme condition de financement supplémentaire, ces organismes pourraient être tenus de mettre à jour leurs règles d’adhésion pour s’assurer que leurs organisations membres au niveau local adoptent également le CCUMS.
  3. Il faudrait envisager de réviser le CCUMS pour y inclure des dispositions qui obligent les organisations de niveau supérieur, telles que les OSN, les OSM et les organismes provinciaux ou territoriaux, à s’assurer que leurs organisations affiliées adoptent également le CCUMS.

Actuellement, la responsabilité de la révision du CCUMS incombe au Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC), qui supervise le Bureau du commissaire à l’intégrité sportive (BCIS) et traite les plaintes liées aux violations du CCUMS. Toutefois, cette responsabilité sera bientôt transférée au Centre canadien pour l’éthique dans le sport (CCES), qui devrait hériter du BCIS et du Programme pour un sport sans abus d’ici avril 2025 (Gouvernement du Canada, 2024). Le CCES a déjà indiqué que l’adoption obligatoire du CCUMS par les ONS n’était pas suffisante (CCES, 2022) et s’est engagé dans un processus de consultation avec les parties prenantes du sport afin de recueillir leurs commentaires sur l’amélioration du BCIS et du Programme pour un sport sans abus.

Conclusion

Les recommandations proposées peuvent se heurter à la résistance de certaines organisations qui se considèrent comme indépendantes des organismes supérieurs ou qui ne se considèrent pas comme des autorités de régulation. Toutefois, avec le temps, ces défis pourront être relevés à mesure que les organisations clarifieront leurs rôles et responsabilités et recevront les ressources et le soutien appropriés, éventuellement avec l’aide financière du gouvernement.

Bien que l’adoption du CCUMS à tous les niveaux du sport canadien ne puisse pas, en soi, résoudre le problème de la maltraitance, elle représente une étape clé. D’autres mesures, telles que le traitement indépendant des plaintes pour maltraitance et la mise en œuvre de normes de bonne gouvernance dans les organisations sportives (voir Mazzucco et Findlay, 2024; Mazzucco et Donnelly, 2024), devraient également être envisagées pour mieux protéger les participants.

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