Ce blogue fait partie d’une série créée en collaboration avec le Comité paralympique canadien et le groupe de travail sur le transfert des athlètes paralympiques, qui met en lumière les possibilités et les défis du transfert des athlètes paralympiques et de la participation multisports.
« Le parasport, c’est ma raison d’être. C’est le seul moment où je me sens vivante », déclare Brianna Hennessy, paralympienne des Jeux de Tokyo.
En 2014, Hennessy a été frappée par un véhicule automobile roulant à vive allure. Au moment de son accident, elle ne connaissait pas grand-chose du parasport en général, et encore moins de parasports de contact comme ceux qu’elle avait pratiqués avant son accident. En effet, Hennessy avait été championne provinciale de boxe amateur, avait joué au rugby aux niveaux provincial et national, et avait été médaillée d’or au hockey aux Jeux de l’Ontario.
Après avoir reçu un diagnostic de tétraplégie, Hennessy a retrouvé une certaine mobilité dans le haut du corps, mais aucune sensation.
« Les deux premières années après mon accident, je me comparais souvent à ce que j’étais avant, et j’étais dans un trou noir, ce qui est malheureusement assez courant », raconte Hennessy. « Je n’arrivais pas à mettre ma fierté de côté. J’étais en quelque sorte allergique à l’idée de pratiquer un sport avec un dispositif d’accessibilité. »
Athlète multisport accomplie avant sa blessure, Hennessy a eu du mal à faire la transition vers le parasport. Mais c’est son parcours multisport qui a contribué à son succès, non pas dans un seul, mais dans deux parasports.
Tout a commencé lorsqu’elle a décidé d’aller voir un entraînement de rugby en fauteuil roulant des Stingers d’Ottawa. L’équipe est dirigée par Patrice Dagenais, qui est également cocapitaine de l’équipe de rugby en fauteuil roulant d’Équipe Canada.
« Je pouvais voir que ça lui manquait », dit Dagenais à propos de sa première rencontre avec Hennessy. « Je pense que c’était vraiment bien pour elle de retourner sur le terrain et de rencontrer d’autres personnes qui ont des défis et des handicaps similaires aux siens. »
« Je me suis installée dans un fauteuil et j’ai joué essentiellement aux autos tamponneuses pour adultes. J’étais accro », ajoute Hennessy en riant.
Aujourd’hui, Hennessy décrit le parasport comme étant quelque chose d’essentiel à son rétablissement continu, tant sur le plan de l’activité physique que de la réintégration dans une communauté sportive.
Compte tenu de sa nature très compétitive et de ses antécédents sportifs, il n’est peut-être pas surprenant que Hennessy ait décidé de se lancer dans le rugby en fauteuil roulant, devenant rapidement la seule femme recrutée à l’étranger par une équipe de la Division I de la ligue régie par la United States Wheelchair Rugby Association. La prochaine saison sera la troisième pour Hennessy avec les Generals de Tampa.
« C’est avant tout une ligue masculine. Il n’y a environ que 4 % des femmes qui pratiquent ce sport », explique Hennessy. « Chaque équipe américaine peut recruter un joueur d’un autre pays. Je suis vraiment fière d’être la seule femme à avoir été recrutée à l’étranger. »
Cependant, comme ce fut le cas pour beaucoup d’entre nous, qu’il s’agisse d’athlètes récréatifs ou d’élite, le sport organisé a été interrompu pendant la pandémie de COVID-19 et les entraînements de rugby en fauteuil roulant ont été suspendus.
En attendant de retourner au gymnase, Hennessy a reçu un courriel de Dagenais qui disait : « Hé ! Veux-tu essayer le paracanoë et le parakayak ? »
Hennessy voulait rester active, et de plus, elle adore les défis. Elle a immédiatement répondu : « Pourquoi pas ? ». Elle était loin de se douter que ce courriel allait changer sa vie.
« Je ne me soucie pas de savoir si les gens rient avec moi ou de moi », dit-elle en riant. « Donc, même si je n’avais jamais pratiqué de sport de pagaie de ma vie, je me suis présentée aux portes du Ottawa River Canoe Club. »
Lorsque l’entraîneur Joel Hazzan est venu l’accueillir, Hennessy lui a dit : « Écoutez, je ne sais même pas si je peux nager, mais je suis prête à essayer ! ». Ils sont donc allés sur l’eau.
Lors de cette première séance, Hazzan a été impressionné par les qualités athlétiques de Hennessy et, de retour sur la terre ferme, il lui a demandé quels étaient ses objectifs. Hennessy a répondu qu’elle aimerait peut-être participer aux Jeux paralympiques. Sur ce, Hazzan a répondu : « Tokyo ? Je ne fais pas de miracles ! »
À ce moment-là, il ne restait que six mois avant les qualifications, et c’était la première fois que Hennessy tenait une pagaie. Elle a eu moins d’un an pour maîtriser un sport dans lequel elle n’avait aucune expérience.
Mais les deux se sont mis au travail, et Hazzan a été ravi de voir qu’il avait tort. Non seulement Hennessy s’est qualifiée pour les Jeux, mais elle a également été la seule Canadienne à se qualifier à la fois en paracanoë et en parakayak. Elle a terminé respectivement 5e et 8e aux Jeux paralympiques dans son tout nouveau sport.
Hazzan décrit Hennessy comme l’incarnation même du modèle axé sur le développement de l’athlète avant la spécialisation.
« Ses expériences sportives antérieures, tant en rugby en fauteuil roulant que dans les sports qu’elle a pratiqués avant son accident, l’ont aidée à se familiariser très rapidement avec le paracanoë et le parakayak », explique Hazzan.
Hennessy affirme qu’elle tient son esprit de compétition et sa capacité à garder son sang-froid sous la pression de ses expériences sportives antérieures, et qu’elle a su transférer ces qualités au canoë et au kayak.
« Tout était nouveau pour moi, raconte-t-elle, mais quand je suis arrivée au niveau international, je pouvais me fier à mon expérience antérieure en ce qui concerne la gestion de la pression. Je performe bien sous pression. Peu importe si je me sens nerveuse, si je tremble ou si je n’ai pas assez dormi la veille, c’est comme avant mes combats de boxe. Je sais que je peux compter sur mon adrénaline et ma concentration et que je suis capable de faire ce qu’il faut au moment où je dois le faire. »
Elle a remporté une médaille à la Coupe du monde en Pologne et une autre au Championnat du monde sur les eaux canadiennes, à Halifax, cet été. Aussi est-elle montée sur le podium pour recevoir une médaille d’argent en paracanoë et une médaille de bronze en parakayak.
Et maintenant, pendant la saison morte, si elle peut l’appeler ainsi, Hennessy retournera au rugby en fauteuil roulant et devra trouver un équilibre dans l’entraînement pour les deux sports.
Selon Hazzan, pour aider Hennessy à faire face à une double charge sportive, il a dû amorcer un processus d’apprentissage, mais cela en a valu la peine.
« Je pense que trop souvent, en tant qu’entraîneurs, nous disons : “Tu dois abandonner l’autre sport.” Nous ne prenons pas le temps d’apprécier ce qu’un sport peut apporter à un autre », explique-t-il.
Dagenais est d’accord avec Hazzan. Sa philosophie d’entraîneur est de soutenir tous les athlètes avec qui il travaille dans leur cheminement, et souvent, cela signifie de les encourager à pratiquer différents sports, car cela les aide à développer différentes compétences et à améliorer leur santé physique et mentale.
« Bien sûr, Brianna nous manque à certaines de nos compétitions et pratiques », ajoute Dagenais. « Mais son entraînement dans les sports de pagaie a vraiment amélioré son jeu au rugby. Elle est en bonne forme sur le plan physique et mental. Lorsqu’elle revient aux pratiques, personne ne peut l’arrêter. »
Hennessy considère que ses deux sports, l’ancien et le nouveau, sont fondamentalement compatibles. En rugby en fauteuil roulant, on pousse un fauteuil, tandis qu’en paracanoë et en parakayak, on tire une pagaie. C’est cette combination qui lui permet d’être plus forte.
Hennessy affirme pour sa part que le parasport lui procure un sentiment d’appartenance et d’acceptation. Aux athlètes qui envisagent d’essayer un nouveau sport, et aux personnes qui pensent à essayer le parasport pour la première fois, son conseil est de mettre leur fierté de côté.
« Mon seul regret est d’avoir attendu aussi longtemps avant de commencer. »