Points saillants
- Le mouvement pour le sport sécuritaire vise essentiellement à optimiser l’expérience sportive de tous les athlètes, entraîneurs, administrateurs sportifs, officiels, personnel de soutien et autres personnes présentes dans l’environnement sportif.
- Des changements de société plus larges ont influencé le mouvement pour le sport sécuritaire :
- L’évolution des approches du développement des enfants et des jeunes
- Les mouvements #MeToo et Time’s Up
- L’attention accrue portée à l’équité, à la diversité et à l’inclusion
- Les cas très médiatisés de maltraitance infligée à des athlètes.
- Pour les dirigeants sportifs, comprendre le processus de changement (c’est-à-dire le déni, la résistance, l’exploration et l’engagement) peut être utile pour intégrer avec succès les pratiques de sport sécuritaire dans leur sport.
Le présent article aborde les prochaines étapes du parcours vers le sport sécuritaire; en particulier, comment passer de la prévention des dommages à l’optimisation des expériences sportives pour les athlètes et les dirigeants sportifs. Ce parcours implique un changement culturel dans le sport – un changement qui remet en question certaines hypothèses et pratiques traditionnellement acceptées et encourage l’adoption de nouvelles méthodes. S’appuyant sur mon travail avec les organismes nationaux de sport (ONS), cet article a trois objectifs :
- Montrer que la sécurité dans le sport va au-delà de la prévention des dommages et vise à optimiser les expériences sportives;
- Mettre en évidence certaines des influences de la société plus larges sur le sport sécuritaire, qui touchent également d’autres secteurs au Canada et à l’étranger;
- Répondre à certaines des préoccupations et questions courantes sur le sport sécuritaire.
Conçu pour être utile aux dirigeants sportifs (administrateurs, entraîneurs, officiels et personnel de soutien) ainsi qu’aux athlètes, cet article commencera par définir les caractéristiques du sport sécuritaire, puis passera aux influences de la société plus larges sur le sport, et se terminera en répondant à certaines questions courantes sur le sport sécuritaire.
Le sport sécuritaire est plus que la prévention des dommages
Au fond, le mouvement du sport sécuritaire vise à optimiser les expériences sportives pour tous les athlètes, les entraîneurs, les administrateurs sportifs, les officiels, le personnel de soutien et les autres personnes présentes dans l’environnement sportif. Pour optimiser ces expériences, les parties prenantes doivent avoir l’attente raisonnable que l’environnement sportif soit non seulement exempt de toute forme de maltraitance (c.-à-d. abus, négligence, intimidation, harcèlement et discrimination), mais aussi qu’il soit accessible, sécuritaire, accueillant et inclusif, qu’il contribue au bien-être, qu’il soit agréable et respectueux des objectifs personnels, et qu’il procure un sentiment d’accomplissement. Cela est vrai tant pour les athlètes que pour les dirigeants sportifs.
L’Association canadienne des entraîneurs (ACE) (2020) confirme cette perspective dans sa définition du sport sécuritaire : « Notre responsabilité collective est de créer, de favoriser et de préserver des environnements sportifs qui assurent des expériences positives, saines et épanouissantes pour tous les individus. Un environnement sportif sécuritaire est un environnement dans lequel tous les intervenants du sport reconnaissent et signalent les actes de maltraitance et donnent la priorité au bien-être, à la sécurité et aux droits de chaque personne en tout temps. » Lorsque la priorité est d’optimiser l’environnement sportif, la prévention de la maltraitance ou des préjudices devient un sous-produit naturel.
Réflexion : Lorsque le sport est sécuritaire, accueillant, inclusif et épanouissant, et qu’il est respectueux des droits et du bien-être des personnes, la prévention des préjudices se produit naturellement.
Une question qui revient souvent dans les discussions sur le sport sécuritaire est « qu’en est-il des résultats de performance? » Pour que le sport soit une expérience épanouissante, les personnes, y compris les athlètes et les dirigeants sportifs, doivent ressentir un sentiment d’accomplissement. Les résultats sportifs restent importants dans le sport sécuritaire; l’accent est toutefois mis sur des méthodes saines, sûres et inclusives pour atteindre les résultats de performance. Nous en dirons plus à ce sujet plus loin dans l’article.
Un changement culturel
À bien des égards, le mouvement du sport sécuritaire a stimulé un changement culturel. Certaines pratiques précédemment acceptées, comme le fait que les entraîneurs partagent les chambres d’hôtel avec les athlètes pour économiser des coûts, ne sont plus acceptables. De même, pendant des décennies, des pratiques telles que l’utilisation de l’exercice comme punition étaient simplement une partie acceptée du sport; mais maintenant, nous en savons plus sur les problèmes associés à l’utilisation de la punition, et plus important encore, nous savons que les stratégies disciplinaires sont beaucoup plus efficaces (Nelsen, 2011). Entre autres, ces changements ont exigé que nous tous, dans le sport, nous nous adaptions et apprenions de nouvelles stratégies et façons d’interagir les uns avec les autres. D’une certaine manière, ces appels à de nouvelles façons de faire s’inscrivent dans la longue histoire des changements culturels dans le sport pour rendre celui-ci plus équitable, inclusif et sécuritaire. Il n’y a pas si longtemps que les femmes ont été autorisées à courir le marathon ou que des poursuites pénales ont été engagées pour violence dans le sport. Historiquement, nous avons assisté à une meilleure protection de la santé et de la sécurité des athlètes grâce à l’introduction d’un équipement de protection obligatoire dans de nombreux sports, à des modifications des règles et des conditions d’admissibilité, et à des protocoles de retour au jeu en cas de commotion cérébrale. Le sport a continuellement évolué pour protéger la sécurité, le bien-être et les droits des participants, et le mouvement pour un sport sécuritaire est un élément clé de cette trajectoire de changement culturel.
Influences sur le mouvement pour un sport sécuritaire : l’accent sur les droits de la personne
Le mouvement pour un sport sécuritaire a été influencé par des changements sociétaux plus larges, notamment l’attention accrue portée aux droits des enfants et des jeunes, des femmes et d’autres groupes en quête d’équité. Il est vrai que les normes, les standards et les attentes concernant la conduite des dirigeants sportifs ont changé. Il en va de même pour les autres personnes qui occupent des postes de pouvoir et d’autorité dans la société canadienne, qu’il s’agisse d’enseignants, de médecins, d’avocats, de gens d’affaires ou de politiciens, et même de parents. Et c’est une bonne chose! C’est une bonne chose que les enseignants ne frappent plus physiquement les enfants ou que les employeurs ne puissent plus harceler sexuellement leurs employés sans conséquence. La société attend des intervenants du sport qu’ils alignent leurs normes et leurs pratiques sur celles des autres secteurs impliquant des jeunes.
1. Changements dans les approches du développement des enfants, des jeunes et des nouveaux adultes
Au Canada, l’enfance et l’adolescence sont considérées comme des étapes critiques de la vie, car les expériences vécues durant ces années influencent la santé, le bien-être et le développement ultérieurs. Par conséquent, le rôle parental et l’éducation ont évolué pour mettre l’accent sur des approches centrées sur les enfants et les jeunes. Ces approches ne signifient pas que les adultes en position de pouvoir et d’autorité abandonnent le contrôle ou confient la prise de décisions à la personne plus jeune. Mais cela signifie que ces adultes fondent leurs décisions et leurs actions sur les droits et les besoins de développement de la personne la plus jeune. Par exemple, le développement d’un sentiment de compétence (c’est-à-dire le sentiment d’être compétent ou « bon » dans quelque chose) est très important pour les personnes de la moyenne et de la fin de l’enfance (entre 7 et 11 ans environ) (Erikson, 1968). Pour un entraîneur, cela signifie qu’il doit s’assurer que les enfants se sentent bien dans leur peau en les encourageant et en les félicitant pour leur performance sportive, leur attitude, leurs efforts ou leur comportement sportif. Les enfants qui ne reçoivent que peu ou pas d’encouragements et de félicitations de la part de l’entraîneur peuvent avoir du mal à développer ce sentiment de compétence, ce qui leur fait perdre leur confiance en eux, les rend peu enclins à essayer de nouvelles choses, leur fait perdre leur plaisir et les rend moins susceptibles de continuer à faire du sport.
Pour les dirigeants sportifs, une approche centrée sur la personne s’étend également aux athlètes de plus de 18 ans. Le groupe d’âge de 18 à 24 ans, historiquement considéré comme l’âge adulte, est maintenant considéré comme « l’âge adulte émergent » (Arnett, 2000). En raison des périodes prolongées d’éducation et des retards dans les âges de l’indépendance financière, du mariage et de la procréation, ce nouveau groupe d’âge est considéré comme une période de développement clé influencée par les adultes en position de pouvoir et d’influence. Il est important de noter qu’étant donné que de nombreux athlètes de haut niveau font partie de ce groupe d’âge, les entraîneurs conservent une influence considérable sur la santé de l’athlète et sur son développement dans le sport et en tant que personne. Bien que l’entraîneur conserve une position de pouvoir et d’autorité sur les athlètes de ce groupe d’âge, une approche centrée sur la personne ou l’athlète, qui fait participer les athlètes aux décisions qui les concernent, serait appropriée sur le plan du développement.
2. Mouvements #MeToo et Time’s Up
Les mouvements #MeToo et Time’s Up ont touché pratiquement tous les secteurs de la société canadienne, y compris les affaires, l’industrie, la politique, l’éducation et, bien sûr, le sport. Bien que les deux mouvements soient axés sur le harcèlement et les abus sexuels, ils reposent sur le droit à la sécurité physique et psychologique. Cela nécessite un changement dans la façon dont le pouvoir est utilisé. Il n’est plus acceptable ou tolérable que des personnes en position de pouvoir et d’autorité utilisent ces positions pour harceler, menacer, exploiter ou profiter d’autres personnes. Ces mouvements ont permis de clarifier la manière dont le pouvoir doit et ne doit pas être utilisé et ont relevé la barre des comportements acceptables. La sécurité dans le sport englobe les droits de chacun à faire l’expérience de la sécurité physique et psychologique dans l’environnement sportif, en demandant que le pouvoir soit utilisé de manière positive.
3. Une attention accrue à l’équité, à la diversité et à l’inclusion
Les organismes canadiens, y compris ceux du sport, ont été mis au défi de réfléchir à la promotion de l’équité, de la diversité et de l’inclusion. La Commission de vérité et de réconciliation et Black Lives Matter, par exemple, nous ont sensibilisés à l’oppression et à la discrimination systémiques historiques et persistantes qui se traduisent par le déni des droits. On peut en dire autant des personnes de sexe et de sexualité différents, des nouveaux Canadiens et des Canadiens ayant un handicap. Le sport sécuritaire, qui met l’accent sur la prévention et le traitement de la discrimination, vise à faire progresser le respect des droits de la personne et nos pratiques d’inclusion.
4. Cas très médiatisés de mauvais traitements infligés à des athlètes
Des cas très médiatisés de mauvais traitements infligés à des athlètes, au Canada et à l’étranger, ont également accru la sensibilisation à la nécessité d’un sport sécuritaire. Le public a les yeux rivés sur le sport et s’attend clairement à ce qu’on « fasse mieux » pour prévenir et traiter les cas de maltraitance infligée aux athlètes. Au cours des dernières années, la communauté sportive a consacré beaucoup de temps, d’énergie, de réflexion et de ressources financières à l’élaboration de mesures visant à résoudre ce problème. Certains de ces changements ont été stimulés par le soutien de l’ancienne ministre des Sciences et du Sports, Kirsty Duncan, qui a fait de l’éradication de la maltraitance des athlètes une priorité et qui a affirmé qu’« un changement de culture systémique est nécessaire pour éliminer la maltraitance, y compris les abus sexuels, émotionnels et physiques, la négligence, le harcèlement, l’intimidation, l’exploitation et la discrimination » (Patrimoine canadien, 2019). Depuis, des initiatives telles que la création du Code de conduite universel pour prévenir et contrer la maltraitance dans le sport (CCUMS) et la formation sur la sécurité dans le sport de l’ACE ont été mises en œuvre pour faire progresser le sport sécuritaire.
S’adapter au changement
Chaque fois que des changements de grande ampleur sont introduits dans une société, un secteur ou une organisation, on peut s’attendre à toute une série de réactions, notamment l’anxiété et l’incertitude, la résistance, la réticence, les tensions, les contrecoups, l’acceptation et l’engagement. (Nous avons observé cela récemment pendant la pandémie avec des réponses diverses et évolutives aux normes de santé publique sur l’éloignement physique, le port du masque et la vaccination). En ce qui concerne le sport sécuritaire, il est utile pour les dirigeants de comprendre le processus de changement et les émotions associées afin d’aider les autres à mieux s’adapter au parcours du sport sécuritaire. Vous trouverez ci-dessous les étapes psychologiques du changement (Scott et Jaffe, 1988) qui sont courantes lorsque les personnes sont confrontées à des appels importants au changement.
Ces étapes du changement sont pertinentes pour le sport sécuritaire. La recherche d’un sport sécuritaire est un parcours caractérisé par la remise en question d’hypothèses et de pratiques établies de longue date, de nouveaux apprentissages et des appels à adapter ses comportements. Alors que certaines personnes sont déjà au stade de l’engagement et ont toujours utilisé des pratiques sportives sûres, pour d’autres, le déni et la résistance peuvent exister.
Pour aider les parties prenantes du sport à passer par ce processus de changement, il est important de comprendre et d’aborder les préoccupations, les questions, les doutes et les raisons potentielles de résistance. La section suivante aborde certaines des questions courantes que les intervenants du sport ont posées sur le sport sécuritaire.
Répondre aux questions courantes sur le sport sécuritaire
Pourquoi les pratiques doivent-elles changer si elles ont fonctionné dans le passé pour mener des athlètes au podium?
Pour certaines personnes, la réponse aux appels au changement des pratiques sportives traditionnellement acceptées ou « de la vieille école » peut susciter des réactions de déni comme « Je n’ai pas à changer ». Cela peut être particulièrement vrai pour ceux et celles qui ont produit des athlètes performants : « Mes athlètes sont montés sur le podium, donc mes pratiques ont manifestement fonctionné ».
Oui, les méthodes « de la vieille école » peuvent fonctionner si « fonctionner » signifie mettre des athlètes sur le podium – mais à quel prix? Les pratiques agressives, axées sur les réprimandes et punitives des entraîneurs étaient autrefois acceptées comme faisant partie d’un entraînement ardu, mais aujourd’hui, cette conduite peut être considérée comme une violence émotionnelle (Stirling et Kerr, 2008). Ces comportements sont aujourd’hui perçus différemment car les recherches démontrent les effets néfastes à court et à long terme de ces comportements sur la santé mentale et le bien-être des athlètes (Kerr et coll., 2020; Stirling et Kerr, 2013; Vertommen et coll., 2016). En outre, ces pratiques vont à l’encontre de l’énorme corpus de recherches sur la meilleure façon dont les gens apprennent et grandissent. Enfin, les jeunes athlètes qui subissent ces comportements sont plus susceptibles d’abandonner le sport (Battaglia et coll., 2021; 2020, 2017), ce qui nuit à la réputation du sport, prive les jeunes d’occasions de grandir et de se développer, et réduit le bassin de talents du Canada. Traverser la phase de déni implique de se défaire de certaines « vieilles » pratiques et hypothèses.
Le sport sécuritaire signifie-t-il que les entraîneurs doivent être « doux » avec les athlètes?
Les performances sportives optimales (à tous les niveaux du sport) exigent que les athlètes sortent de leur zone de confort, ce qui signifie parfois que l’entraîneur doit encourager les athlètes à le faire. Le sport sécuritaire ne signifie pas que les entraîneurs ne peuvent pas encourager les athlètes à sortir de leur zone de confort. Mais cela stimule la réflexion sur la question de savoir si l’entraîneur prend le contrôle et « pousse » l’athlète, ou s’il laisse la responsabilité à l’athlète en l’encourageant. La sécurité dans le sport signifie également que les pratiques visant à encourager les athlètes à s’entraîner davantage (p. ex. faire une autre répétition ou appliquer une autre compétence malgré la fatigue ou la douleur) sont sécuritaires, physiquement et psychologiquement, et fondées sur des preuves. Les entraîneurs peuvent être exigeants et fermes, et avoir des attentes élevées, sans pour autant adopter des comportements abusifs.
Le sport sécuritaire signifie-t-il que les entraîneurs ne peuvent pas développer une relation étroite avec leurs athlètes?
Le sport sécuritaire ne signifie pas que les entraîneurs ne peuvent pas développer une relation étroite et de confiance avec leurs athlètes. En fait, la recherche sur l’atteinte d’une performance sportive optimale cite l’importance d’avoir une relation étroite et de confiance entre l’entraîneur et l’athlète (Jowett, 2017). Du point de vue de la sécurité dans le sport, de telles relations peuvent et doivent exister pour le bien-être et la performance optimale, mais les limites de la relation doivent être maintenues et les interactions, dans la mesure du possible, doivent avoir lieu en public.
Comment les pratiques du sport sécuritaire affecteront-elles le nombre de médailles sur la scène mondiale? Cela peut fonctionner aux niveaux inférieurs du sport mais pas au niveau de la haute performance.
Les comportements de maltraitance les plus fréquemment rapportés sont les critiques personnelles sévères, les déclarations menaçantes, dévalorisantes ou dégradantes, la honte corporelle, l’utilisation de l’exercice comme punition et les blagues et remarques sexistes (Kerr, Willson et Stirling, 2019). Il n’existe aucune preuve que ces comportements produisent une performance sportive optimale. En fait, il est prouvé que ces pratiques conduisent à l’abandon du sport (Battaglia et coll., 2021; 2020, 2017), réduisant ainsi notre bassin de talents. Il est également prouvé que ces pratiques entraînent des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, la dépression et les troubles de l’alimentation chez les athlètes (Kerr et coll., 2020; Stirling et Kerr, 2013; Vertommen et coll., 2016), ce qui ne contribue en rien à la performance sportive. Enfin, ces pratiques néfastes vont à l’encontre de tout ce que nous savons sur la façon dont les gens apprennent le mieux et sont motivés (Deci et Ryan, 2008). Le sport sécuritaire et les résultats en matière de performance ne sont pas en contradiction l’un avec l’autre.
Réflexion : À quel moment une personne donne-t-elle le meilleur d’elle-même – dans ses relations, dans son travail, dans son rôle de parent? Lorsqu’elle se sent bien dans sa peau. Quand elle se sent compétente, et quand elle se sent soutenue. Il en va de même pour les performances dans le sport.
Le sport sécuritaire n’ouvre-t-il pas la porte aux athlètes et aux parents pour se plaindre d’abus lorsque les athlètes ne sont pas sélectionnés dans les équipes ou lorsqu’ils ont moins de temps de jeu?
Prendre des décisions, parfois impopulaires, comme la non-sélection, est fondamental pour le travail des dirigeants sportifs. Tant que les critères de prise de décisions sont transparents et connus à l’avance des personnes concernées, que les décisions sont conformes à ces critères et qu’elles sont communiquées de manière respectueuse, les personnes concernées n’ont aucune raison de se plaindre d’abus. L’approche pour un sport sécuritaire encourage les dirigeants sportifs à utiliser leur position de pouvoir de manière respectueuse, mais n’empêche pas les dirigeants de prendre les décisions dont ils sont responsables.
Comment les dirigeants sportifs peuvent-ils donner des conséquences aux athlètes sans être accusés d’abus?
Le sport sécuritaire permet aux dirigeants sportifs d’appliquer les conséquences d’une conduite inappropriée tout en encourageant des manières respectueuses de le faire. En dehors du sport, dans le domaine de la parentalité et de l’éducation, par exemple, l’utilisation de la discipline positive et des conséquences naturelles a remplacé l’utilisation des punitions pour les comportements qui ne répondent pas aux attentes (Nelsen, 2011). La discipline positive consiste à enseigner et à guider les athlètes en leur faisant savoir quel comportement est acceptable, en les aidant à comprendre pourquoi il est important de se comporter de manière acceptable et en leur expliquant comment obtenir ce comportement. Par exemple, un entraîneur peut communiquer l’attente qu’un couvre-feu d’équipe est en place, que les couvre-feux sont importants parce qu’ils aident à s’assurer que les athlètes sont reposés et préparés pour l’entraînement ou la compétition du lendemain, et que pour respecter le couvre-feu, ils devront prendre le temps qu’il faut pour retourner à l’endroit où l’équipe loge. La discipline positive est préférable à la punition parce qu’elle enseigne la maîtrise de soi et le sens des responsabilités, et développe un sentiment de compétence et de confiance en soi, en plus de préserver l’intégrité des relations.
Alors, que faire lorsque les règles sont enfreintes ou que la conduite est inacceptable? On privilégie désormais les conséquences naturelles plutôt que les punitions. Les conséquences naturelles sont les choses qui se produisent en réponse à un comportement et qui sont imposées par la nature, la société ou une autre personne. Parmi les exemples de conséquences naturelles, on compte le fait d’avoir les mains froides en hiver si l’on ne porte pas de mitaines, le fait qu’un enfant échoue à un examen parce qu’il a choisi de ne pas étudier ou le fait de recevoir une contravention pour excès de vitesse si l’on conduit trop vite. Ces conséquences naturelles encouragent la conformité à un comportement normatif, attendu. Dans l’exemple ci-dessus, comme les athlètes savent à l’avance que le non-respect du couvre-feu est associé au fait de ne pas participer au match du lendemain, il s’agit d’une conséquence naturelle. Les avantages du recours aux conséquences naturelles sont que la décision reste entre les mains de l’athlète, qu’elles enseignent la maîtrise de soi et le sens des responsabilités, et qu’elles préservent l’intégrité de la relation entre les athlètes et les entraîneurs.
Réflexion : Nous faisons souvent référence aux avantages que les jeunes tirent du sport, y compris les aptitudes et les compétences qui les aideront plus tard dans la vie (p. ex. l’auto-responsabilité, la maîtrise de soi, la prise de décisions, la persévérance). L’utilisation de pratiques fondées sur des données probantes, comme les approches centrées sur l’athlète, la discipline positive et les conséquences naturelles, nous aide à enseigner les compétences de vie.
Avec toute cette attention sur les mauvais traitements infligés aux athlètes, comment pouvons-nous éviter de créer une culture de la peur?
Nous devons nous rappeler que beaucoup trop d’athlètes canadiens ont vécu dans la peur pendant beaucoup trop longtemps. Les témoignages d’athlètes qui ont peur de s’exprimer, qui ont peur de se faire entendre et qui ne déclarent pas ou ne signalent pas leurs expériences de maltraitance ne manquent pas. Nous devons créer un environnement plus sûr pour les athlètes et, ce faisant, nous ne devons pas créer un environnement dangereux pour les autres parties prenantes. Pour parvenir à ces deux objectifs, il faudra une communication claire et une compréhension commune de la conduite attendue, le maintien des limites de la relation et une aide pour s’adapter à de nouvelles façons de faire. C’est l’une des raisons pour lesquelles la formation et l’éducation sont si importantes. Toutes les parties prenantes du sport doivent connaître la conduite attendue et les normes de comportement, et si nous les respectons, nous risquons beaucoup moins de faire l’objet d’une plainte. La meilleure chose que nous puissions faire pour empêcher une culture de la peur est de créer des environnements physiquement et psychologiquement sécuritaires, accueillants, inclusifs et fondés sur les droits.
Pourquoi le sport sécuritaire se concentre-t-il sur tout le monde et pas seulement sur ceux et celles qui se sont comportés de manière inappropriée?
La grande majorité des dirigeants sportifs ne sont pas des abuseurs, mais le concept du sport sécuritaire est important pour tous les dirigeants pour plusieurs raisons. Premièrement, les dirigeants peuvent observer ou entendre parler d’expériences de maltraitance. En raison de leur position de pouvoir et d’autorité en tant que dirigeants, ils ont la responsabilité de veiller au bien-être des jeunes et des autres, et dans certaines circonstances, ils ont le devoir de signaler les abus aux autorités. Il est donc important de savoir quels comportements constituent de la maltraitance, comment intervenir en tant que spectateur et quand il y a un devoir de signaler. En apprendre davantage sur la sécurité dans le sport nous permet également de mieux nous soutenir mutuellement pour nous adapter aux changements de culture. Nous tous, dans le sport, avons la responsabilité collective de créer et d’assurer des environnements sportifs sécuritaires.
Prochaines étapes du parcours du sport sécuritaire
Au cours des dernières années, la communauté sportive nationale au Canada a réagi aux cas très médiatisés d’abus commis par des athlètes en élaborant le CCUMS et la formation connexe sur la sécurité dans le sport offerte par l’ACE et d’autres organismes. Il s’agit d’étapes cruciales car les membres de la communauté sportive doivent savoir quels comportements sont interdits et quelles pratiques, même si elles sont historiquement acceptées, doivent être remplacées.
Cependant, l’étape suivante dans le parcours du sport sécuritaire est tout aussi importante. Le CCUMS stipule « ce qu’il ne faut pas faire », mais n’aborde pas « ce qu’il faut faire ». On a souvent entendu des entraîneurs dire « Je comprends que je ne peux plus faire XX, mais que dois-je faire à la place? » ou « Si je ne peux pas utiliser ces pratiques, que dois-je utiliser alors? ». Ce sont des questions légitimes et l’éducation sur les pratiques fondées sur des preuves sera particulièrement importante dans les années à venir pour aider les membres de la communauté à se conformer aux attentes en matière de sécurité dans le sport, et pour maximiser les expériences sportives des athlètes et des dirigeants sportifs. Ce sont là quelques-uns des défis qui attendent le mouvement pour un sport sécuritaire.
En résumé, le sport sécuritaire rappelle le potentiel et la promesse du sport de contribuer de manière positive et importante à la santé globale, à l’apprentissage et au développement des participants individuels et au bien public. En se concentrant sur l’établissement d’environnements sécuritaires, inclusifs et accueillants qui respectent les droits individuels et le bien-être de tous, les préjudices seront évités, davantage de participants (athlètes, entraîneurs, officiels, etc.) resteront dans le sport et les performances sportives s’amélioreront. La sécurité dans le sport a nécessité des changements dans les hypothèses et les pratiques traditionnellement acceptées, en particulier en ce qui concerne le développement du talent sportif. Ce processus de changement, que d’autres secteurs de la société connaissent également, peut être source d’incertitude, d’anxiété et de résistance. Les clés pour amener les gens dans cette voie sont de renforcer les objectifs et la vision du sport sécuritaire et de fournir l’éducation et le soutien nécessaires pour effectuer les changements requis. Ce faisant, toutes les parties prenantes du sport en bénéficieront. Le public attend cela du sport!