En 2019-2020, Femmes et Sport au Canada s’est associé à Amina Haggar, étudiante de cycle supérieur, pour analyser les expériences des adolescentes AfroCanadiennes de deuxième génération dans un programme de sport communautaire à Ottawa, en Ontario. Madame Haggar, candidate à la maîtrise sous la direction de madame Audrey Giles Ph. D., à l’Université d’Ottawa, a mené des entrevues avec onze coordonnateurs et entraîneurs sportifs impliqués dans la Ligue de basketball des centres communautaires (LBCC) de la Ville d’Ottawa. Le projet a été financé grâce à une subvention de jumelage du Centre de documentation pour le sport (SIRC).
En étudiant les expériences des filles AfroCanadiennes de deuxième génération dans le domaine du sport à travers les points de vue des responsables de programmes de sport communautaire, Mme Haggar a dû relever le défi de « vivre parmi les tensions », selon les termes de sa directrice de programme. Elle a dû faire face à des idées et à des expériences très complexes qui étaient étroitement liées à sa propre expérience en tant que personne ayant immigré au Canada à un jeune âge, et qui a participé à des programmes sportifs communautaires toute sa vie en tant que participante, bénévole et membre du personnel.
Mme Haggar s’est entretenue avec Greer Gemin, coordonnatrice du marketing et des communications de l’organisme Femmes et Sport au Canada, pour parler du projet de recherche, des répercussions de la COVID-19 et des principaux résultats pour les organismes de sport communautaire. *La transcription de cet entretien a été modifiée pour des raisons de fluidité et de clarté.
Consultez cette infographie pour obtenir des recommandations à l’intention des intervenants du milieu sportif afin de mieux impliquer les filles AfroCanadiennes de deuxième génération dans le sport.
Greer Gemin (GG) : Les recommandations issues de cette recherche répondent aux besoins spécifiques mais aussi aux obstacles rencontrés par les filles AfroCanadiennes de deuxième génération impliquées dans le sport communautaire. Pourquoi avez-vous choisi de vous concentrer sur ce groupe de filles dans votre recherche?
Amina Haggar (AH) : Dans la littérature didactique sur la participation des adolescentes au sport, je n’ai jamais trouvé de recherches sur les Canadiennes de deuxième génération. Les articles portent plutôt sur les expériences des minorités ethniques, des filles musulmanes, des jeunes LGTBQ+… Ces personnes sont souvent identifiées de façon distincte, et je voulais analyser les relations entre les différents croisements d’identité. Les Canadiennes de deuxième génération constituent un groupe d’utilisatrices important des programmes de sport communautaire. Il est nécessaire de comprendre comment leurs expériences culturelles et leurs antécédents influencent leur accès et leur participation aux programmes afin de s’assurer que leurs besoins sont satisfaits.
GG : La pandémie de COVID-19 vous a obligée à modifier votre plan de recherche en passant de l’étude des participantes au programme à des entretiens avec les responsables du programme. Qu’est-ce qui était intéressant ou différent dans le fait de questionner les responsables des activités plutôt que les participantes?
AH : Comme il s’agit d’un projet féministe basé sur des principes participatifs, l’idéal aurait été que les voix des jeunes guident la recherche et se reflètent dans les produits de mobilisation des connaissances (par exemple, les publications universitaires). Cela n’a pas été possible en raison des restrictions causées par la COVID-19 mais devrait être une priorité pour toute étude future. Cela dit, les entrevues avec le personnel des programmes ont été très bénéfiques. Ils entretiennent des relations importantes avec les participantes et participants au programme et ont essentiellement vu ces enfants grandir. De nombreux membres du personnel vivent dans la communauté et étaient eux-mêmes des utilisateurs et des bénévoles du programme avant de devenir membres du personnel. Cela a apporté une profondeur inestimable au processus de recherche et aux résultats.
La principale priorité de la LBCC était de comprendre pourquoi les filles ne participaient pas à leurs programmes. L’objet de la recherche et le plan de l’étude étaient basés sur les discussions que j’ai eues avec leur personnel, et nous avions un conseil consultatif communautaire impliqué dans toutes nos décisions pour s’assurer que le projet restait fidèle aux besoins de la communauté.
GG : Pourquoi est-il important d’être si spécifique aux besoins de la communauté lorsqu’on aborde le défi de garder les adolescentes dans le sport?
AH : Nous devons nous éloigner d’une philosophie de type uniformisée. Nous formulons des hypothèses sur les besoins qu’éprouvent des groupes de personnes, et nous cherchons toujours la voie la plus facile pour offrir un programme de sport communautaire qui convient au plus grand nombre de participantes et participants. En fin de compte, cela ne rend pas service aux personnes qui sont négligées à la base. Les AfroCanadiennes sont confrontées à de nombreux défis qui découlent de leur identité raciale, de leur identité religieuse, de leur sexe et de leur statut socioéconomique. La seule façon d’offrir un programme de qualité est de s’assurer qu’il répond aux besoins de la communauté participante, et vous ne pouvez pas le faire si vous faites du copier-coller.
GG : Quelle est l’une de vos principales découvertes ou surprises résultant de ce projet de recherche?
AH : J’ai été surprise d’apprendre à quel point les tâches de gardiennage perturbent la participation aux programmes. L’accès limité à des services de garde d’enfants abordables est un obstacle majeur pour les parents à faible revenu et de la classe ouvrière. Malheureusement, la pandémie de COVID-19 a exacerbé ce défi. Comme de nombreux parents comptent sur leurs filles adolescentes pour garder les enfants, les filles les plus âgées de la famille sont souvent privées de sport et d’activité physique. Cela témoigne de l’impact des défis systémiques et structurels sur la participation des adolescentes AfroCanadiennes, en particulier dans les familles à faible revenu. En répondant aux besoins en matière de garde d’enfants à court terme, on peut ouvrir la voie à la participation d’un plus grand nombre d’adolescentes au sport en brisant le cycle de la dépendance. Les objectifs à plus long terme devraient également viser à modifier les normes liées au genre qui contribuent aux inégalités, selon lesquelles ce sont les filles qui doivent assumer la responsabilité de garder les enfants.
GG : Sur la base des résultats de votre recherche, quelles sont les principales recommandations que vous pourriez adresser aux responsables du sport et de l’activité physique?
AH : Allez-y à fond! Donnez aux filles les meilleures plages horaires et montrez-leur que leur programme est important. J’espère que cette étude attirera l’attention sur le fait que les Canadiennes de deuxième génération appartenant à une minorité ethnoculturelle doivent faire l’objet d’une plus grande attention dans l’élaboration des programmes et des politiques liés au sport en tant que segment croissant de la population canadienne. Les dirigeantes et dirigeants sportifs peuvent s’inspirer des pratiques d’embauche inclusives utilisées par les coordonnateurs de la LBCC pour recruter des entraîneurs – au sein de la LBCC, les utilisatrices et utilisateurs de leurs programmes devenant les futurs dirigeants et entraîneurs des programmes. Avec ce modèle d’embauche, l’expérience vécue est reconnue comme un élément clé de la compréhension des besoins et des défis qu’ont à relever les membres de la communauté.
Je pense également que les décideurs principaux de tous les organismes de sport communautaire doivent créer un espace pour que les chefs de programme puissent partager leurs expériences et leurs connaissances. Le personnel connaît les obstacles et les défis rencontrés par les participantes, mais ces obstacles et ces défis peuvent persister s’ils ne sont pas transmis à la direction de l’organisation. De meilleures communications peuvent contribuer à garantir que les connaissances de ces dirigeants qui se présentent le mardi de 15 h à 20 h ne soient pas gaspillées.
GG : Vous avez mentionné un peu plus tôt que l’idée de n’avoir juste un programme de disponible pour les filles n’était pas suffisant. Pouvez-vous élaborer?
AH : Nous devons changer notre façon de penser et passer de la question « Pourquoi les filles ne viennent-elles pas à notre programme? » à « Pourquoi devraient-elles venir? ». Que faisons-nous pour nous assurer que le programme répond à leurs besoins et à un certain nombre de considérations importantes pour un sport de qualité?
Nous devons nous rappeler que les jeunes sont des clients avisés. Les filles peuvent sentir le niveau d’effort et d’attention apporté à un programme et peuvent réagir avec ambivalence si elles ont l’impression d’être mises de côté. Bien sûr, elles sont occupées par des trucs comme Instagram et Tik Tok, mais elles réfléchissent aussi beaucoup à leur vie et ont de nombreux défis et combats différents que les responsables de programmes et les décideurs doivent prendre en compte pour réussir.
Ce blogue a été publié conjointement par le Centre de documentation pour le sport (SIRC) et Femmes et sport au Canada dans le cadre d’une collaboration continue. Bien que les expériences des filles de deuxième génération et des nouvelles arrivantes soient différentes, plusieurs des recommandations pour les dirigeantes et dirigeants sportifs sont similaires. Vous trouverez des recommandations pour les organismes de sport qui cherchent à mieux faire participer et intégrer les filles et les femmes nouvellement arrivées dans les programmes de sport et d’activité physique dans le nouveau guide de Femmes et sport au Canada.