

Résumé du projet
Nombreux sont ceux qui aspirent à faire davantage d’activité physique mais qui n’y arrivent pas. Le but de cette recherche était d’examiner le conflit d’objectifs en tant que facteur unique contribuant au faible taux de succès. Nos expériences ont montré que le conflit d’objectifs peut constituer un obstacle à l’activité physique régulière de différentes façons : a) en perturbant la performance pendant une période pouvant aller jusqu’à deux semaines; b) en éliminant le plaisir intrinsèque retiré de l’exercice; c) en minant l’humeur et l’estime de soi; d) en provoquant des émotions négatives conditionnées face aux objets et aux lieux associés à l’exercice. Elles ont également montré que ces conséquences négatives pouvaient être évitées en intervenant de façon spécifique.
La recherche a mené à trois grandes conclusions. Premièrement, le conflit d’objectifs n’entraîne pas nécessairement un faible niveau de motivation. Certaines personnes très motivées à faire de l’exercice peuvent aussi rencontrer un conflit d’objectifs qui nuit tout autant à leur humeur et à leur performance, et qui requiert une solution unique. Deuxièmement, le conflit d’objectifs est entre autres une question de perception. Des différences subtiles dans la présentation de l’exercice ou d’autres objectifs peuvent modifier cette perception (et ses conséquences négatives) sans changer quoi que ce soit au programme des personnes, au temps disponible, aux ressources investies ou aux stratégies adoptées pour atteindre les différents objectifs. Troisièmement, les effets négatifs d’un conflit d’objectifs peuvent être évités lorsque les personnes sont encouragées à : a) prévoir leurs séances d’exercice à l’avance; b) faire de l’exercice pour éviter les frais exorbitants associés à l’inactivité; c) faire de l’exercice pour les aider à atteindre leurs objectifs personnels. Ces formes d’encouragement ne sont qu’une infime partie du message généralement utilisé pour faire la promotion de l’exercice, qui insiste sur la quantité plutôt que sur le moment adéquat pour faire de l’exercice, sur les effets positifs de l’exercice plutôt que sur les conséquences négatives qu’il permet d’éviter, et sur les bienfaits pour la santé d’abord et avant tout.
Méthodes de recherche
Le chercheur principal a travaillé avec 15 associés de recherche, tous bacheliers spécialisés ou étudiants aux cycles supérieurs, pour la réalisation de cette recherche. Pendant plus de trois ans, nous avons sélectionné plus de 1 000 étudiants-participants ayant un haut niveau de motivation et les avons soumis à une série d’essais en laboratoire. L’approbation déontologique a été donnée par le Comité d’éthique de la recherche de l’Université du Manitoba, et tous les participants ont donné leur consentement écrit avant de se soumettre aux essais.
Dans le cadre de notre essai type, après s’être engagés à faire de l’exercice, les étudiants étaient soumis au hasard à des conditions qui les incitaient à songer à leurs objectifs scolaires conflictuels ou à leurs objectifs d’assiduité au chapitre de l’exercice régulier. Les mesures de suivi de l’humeur des étudiants, de leur motivation et de leurs intentions, ainsi que de leur comportement sur le plan de l’exercice nous ont permis de vérifier les effets de cette brève exposition à un conflit d’objectifs, la constance des autres facteurs étant assurée.
Nous avons également préparé et validé un court questionnaire autoadministré pour mesurer le conflit chronique d’objectifs. Les résultats nous ont été utiles dans diverses études prospectives sur le comportement lié à l’exercice, qu’il survienne naturellement ou en réaction à certaines interventions.
Résultats de la recherche
Nos essais de la première année ont montré que le conflit d’objectifs peut constituer un obstacle à l’activité physique régulière de différentes façons : a) en perturbant la performance pendant une période pouvant aller jusqu’à deux semaines; b) en éliminant le plaisir intrinsèque retiré de l’exercice; c) en minant l’humeur et l’estime de soi; d) en provoquant des émotions négatives conditionnées face aux objets et aux lieux associés à l’exercice.
Les recherches des deuxième et troisième années visaient principalement à concevoir et/ou à appliquer des interventions dans le but de gérer efficacement le conflit d’objectifs. Plus précisément, nous nous sommes penchés sur des interventions telles que : a) prévoir l’exercice à l’avance; b) recevoir des messages promotionnels qui mettent l’accent sur les coûts de l’inactivité par rapport aux bienfaits de l’activité régulière; c) prendre connaissance de brochures ou de vidéos qui rappellent les bienfaits de l’exercice pour la santé comparativement aux autres objectifs poursuivis. Dans chaque cas, nos constatations donnent à penser qu’il est possible d’éviter les effets néfastes du conflit d’objectifs à l’égard de l’activité physique ou du plaisir à faire de l’exercice.
La plupart des essais réalisés se fondaient sur les étudiants-participants et portaient sur l’examen des conflits entre les objectifs liés à l’exercice physique et les objectifs scolaires ou sociaux, qui étaient naturels dans le contexte du développement social des participants. Des recherches plus approfondies sont maintenant nécessaires pour étendre ces résultats et ces implications à d’autres contextes de développement social.
Cette recherche a également permis d’acquérir des résultats durables. En effet, notre questionnaire servant à mesurer le lien entre le conflit d’objectifs et l’activité physique pourra servir dans le cadre d’autres recherches. De plus, nos vidéos faisant la promotion de l’exercice physique, qui se fondent sur l’atteinte de plusieurs objectifs, sont de qualité professionnelle et pourront servir à une large utilisation ou distribution. Notre rapport final au Conseil de recherches en sciences humaines du Canada contient une liste complète des contributions (universitaires ou autres) qui ont découlé de nos travaux de recherche.
Répercussions sur les politiques
La présente recherche pourrait se répercuter sur les politiques de trois façons : en augmentant la participation au sport et à l’exercice (ministres fédéral et provinciaux responsables de la vie saine), en augmentant la représentation des femmes dans le sport et les activités physiques (organismes de sport fédéraux, provinciaux et territoriaux), et en stimulant le transport actif (administrations municipales et organismes de loisirs communautaires).
L’augmentation de l’exercice pourrait notamment avoir des répercussions à deux niveaux. Premièrement, le fait de ne pas maintenir son engagement à faire de l’exercice a des causes psychologiques et des remèdes qui n’ont rien à voir avec la connaissance qu’a le sujet des risques pour la santé ou avec les autres sources de motivation à faire de l’exercice, qui demeurent les principales cibles des interventions et des discours publics dans ce domaine. Deuxièmement, le conflit d’objectifs est vraisemblablement alimenté par une organisation sociale de l’exercice qui maintient les objectifs sur ce plan en marge des autres buts poursuivis par le sujet (ce qui en fait des objectifs apparemment coûteux pour le sujet). Pour s’attaquer au conflit d’objectifs, les politiques publiques et les messages de promotion de l’exercice peuvent évoluer en prenant en compte la notion de l’intégration durable de l’exercice et du sport aux autres objectifs poursuivis.
Dans la politique « Mobilisation active », qui prône l’équité entre les sexes dans le sport, on peut lire que « [l]es facteurs traditionnellement invoqués, tels que des obstacles manifestes ou un manque d’occasions » ne peuvent expliquer à eux seuls la sous-représentation des femmes dans le sport (Patrimoine canadien, 2009). Toutefois, le conflit d’objectifs n’est pas un obstacle manifeste; il survient uniquement en présence d’occasions, et peut toucher un nombre disproportionné de femmes qui sont sur le marché du travail et qui doivent composer avec d’importantes responsabilités liées au ménage, aux enfants et aux soins aux aînés. Par conséquent, même si cette recherche ne visait pas uniquement les femmes, elle pourrait apporter un éclairage sur un problème de participation au sport et à l’exercice affectant davantage les femmes que les hommes.
Le transport actif constitue un excellent moyen de combiner le sport et l’exercice physique à d’autres objectifs. Il peut donc offrir une solution aux conflits d’objectifs. Ainsi, le fait de continuer à bâtir des infrastructures pour faciliter le transport actif est une forme de soutien qu’il convient de reconduire, selon cette recherche, d’une part pour complémenter les incitatifs actuellement en place, et d’autre part pour promouvoir davantage les bienfaits de la participation au sport et à l’exercice, plus précisément permettre aux Canadiens de réintégrer la pratique du sport et de l’activité physique dans leurs vies déjà bien remplies.
Prochaines étapes
Voici plusieurs questions cruciales et enjeux sociaux connexes qui attendent toujours des réponses :
- En quoi le conflit d’objectifs influe-t-il sur la participation au sport et à l’activité physique tout au long de la vie?
- Si le conflit d’objectifs est un si grand frein à la participation au sport et à l’activité physique, alors quels facteurs sociopsychologiques pourraient encourager les gens à s’engager dans cette voie malgré leurs craintes?
- Le conflit d’objectifs représente-t-il une barrière plus importante à la participation au sport et à l’activité physique chez les femmes que chez les hommes, étant donné les nombreux rôles et responsabilités qu’elles assument?
Principaux intervenants et avantages
- Agence de la santé publique du Canada, Direction générale de la promotion de la santé
- Ministère de la Vie saine, des Aînés et de la Consommation du Manitoba
- Institut canadien de la recherche sur la condition physique et le mode de vie
- ParticipACTION
- Éducation physique et santé Canada
- En mouvement
- Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique
- Sport Manitoba et d’autres organismes provinciaux de sport
- Infrastructure Canada