Prédicteurs de l’exercice excessif dans l’anorexie mentale

Résumé du projet

La présente étude visait à déterminer un modèle capable de prédire la pratique excessive d’exercices chez les personnes souffrant d’anorexie mentale. Il s’agit d’une question très importante, puisqu’il a été établi que la pratique excessive d’exercices chez les personnes qui ont un poids insuffisant, comme ce peut être le cas dans certaines formes de participation sportive, a des répercussions dangereuses sur la santé, de même qu’elle a été associée à un pronostic négatif et à une détresse psychologique accrue. Il a cependant été démontré que, dans d’autres populations, l’exercice a des effets positifs (tant physiques que psychologiques) sur la santé. Par conséquent, la présente étude a examiné les associations, positives et négatives, entre l’exercice et diverses variables psychologiques et comportementales.

Méthodes de recherche

L’étude a porté sur 153 patients hospitalisés participant à un programme de traitement de l’anorexie mentale. Les cas d’exercice excessif ont été définis comme étant les personnes qui avaient fait des exercices visant à gérer leur poids et leur morphologie corporelle à raison d’au moins une heure par jour, six jours par semaine, au cours du mois précédant leur hospitalisation. Cette définition d’exercice excessif a été utilisée dans d’autres études publiées sur la question de l’exercice dans l’anorexie mentale, et bien qu’une heure d’exercice par jour puisse sembler raisonnable, il est important de noter que chez les personnes qui ont un poids insuffisant, la moindre activité pourrait être considérée comme excessive. De plus, un grand nombre des participants faisaient de l’exercice durant une période beaucoup plus longue que la période minimale d’une heure.

Les prédicteurs psychologiques et comportementaux utilisés dans cette étude s’étaient tous révélés être des prédicteurs indépendants de l’exercice excessif dans les études antérieures, mais ils n’avaient jamais été utilisés collectivement dans un même modèle. Leur utilisation combinée dans un même modèle comportait l’avantage de nous permettre de déterminer quels prédicteurs demeuraient solides même après que leurs capacités prédictives communes ont été prises en compte. Par exemple, la dépression et l’estime de soi étaient peut-être effectivement des prédicteurs significatifs lorsqu’ils étaient utilisés séparément, mais si la raison pour laquelle ils étaient associés à l’exercice était la même (p. ex. image de soi négative), alors l’un de ces prédicteurs ne pouvait vraisemblablement demeurer un prédicteur significatif lorsque les deux étaient réunis dans un même modèle. Tous les prédicteurs psychologiques et comportementaux ont été évalués au moyen de mesures d’auto-évaluation utilisées couramment et validées.

Résultats de recherche

Le modèle global a permis de déterminer que bien que l’exercice excessif soit effectivement associé à des facteurs négatifs, comme la privation de nourriture et des niveaux accrus de dépression, il a par ailleurs été associé à des niveaux plus faibles de symptômes obsessionnels-compulsifs et à des niveaux plus élevés d’estime de soi. Il est intéressant de constater que des études antérieures ont révélé une association contraire entre les symptômes obsessionnels-compulsifs et l’exercice excessif. Enfin, l’exercice excessif a été lié au type restrictif de l’anorexie mentale (comparativement au type avec crises de boulimie/vomissements ou prise de purgatifs), ce qui contraste également avec les conclusions d’études antérieures; cependant, des données indiquent que les différences dans la présente étude pourraient s’expliquer davantage par la présence ou l’absence de crises de boulimie que par la présence de vomissements ou prise de purgatifs. Ces résultats révèlent que l’exercice excessif est associé tant à des facteurs positifs que négatifs, et que les programmes de traitement, qui recommandent généralement aux patients de cesser carrément de faire de l’exercice, devraient tenir compte tant des effets positifs que négatifs potentiels de cette recommandation. Ils font ressortir en outre la possibilité d’intégrer une certaine forme d’exercice au traitement.

À notre connaissance, la présente étude constitue la première tentative en vue de déterminer un modèle permettant de prédire l’exercice excessif chez les patients souffrant d’anorexie mentale, au moyen de prédicteurs déjà utilisés dans le cadre d’études antérieures. Cependant, il est important de souligner que, dans certains cas, nous avons utilisé des mesures de variables particulières différentes de celles utilisées dans d’autres études. Bien que toutes les mesures que nous avons utilisées aient couramment été utilisées et aient manifestement permis d’obtenir des estimations justes et fiables, la répétition du présent modèle par des groupes de recherche indépendants utilisant les mesures que nous avons nous-mêmes utilisées améliorerait notre compréhension de la question de l’exercice excessif dans l’anorexie mentale.

Le fait que tous les participants avaient été hospitalisés au moment de l’évaluation et qu’aucun ne faisait de l’exercice lorsque les participants ont été appelés à remplir le questionnaire constitue une autre limite de notre étude. Il est effectivement possible qu’une partie, sinon l’ensemble, des conclusions reflètent justement une réaction à l’absence d’exercice. Il vaudrait la peine d’évaluer les patients avant leur participation au programme de traitement afin de vérifier si le modèle actuel d’exercice excessif dans l’anorexie mentale demeure valide. De plus, il est difficile de déterminer clairement si l’on peut étendre les résultats d’un modèle d’exercice excessif appliqué à des patients hospitalisés aux personnes souffrant d’anorexie mentale dans la collectivité (qui n’obtiennent généralement pas de traitement et qui peuvent présenter des troubles de l’alimentation moins sévères).

Enfin, étant donné que notre étude n’a pas tenu compte de l’effet d’autres variables (p. ex. en comparant deux groupes formés au hasard dont l’un fait de l’exercice et l’autre pas), nous ne pouvons traiter que des liens entre les prédicteurs et l’exercice excessif. Nous ne pouvons conclure que les prédicteurs entraînent un exercice excessif, ou que l’exercice excessif entraîne les prédicteurs. Il est tout aussi possible que ces facteurs coexistent en raison d’autres variables, non mesurées. Il faudrait effectuer des études prospectives afin de déterminer la direction des associations que nous avons mises en évidence.

Répercussions sur les politiques

Les recommandations actuelles à l’intention des personnes qui participent à un programme de traitement intensif de l’anorexie mentale comprennent l’abandon pur et simple de l’exercice, puisqu’il a été établi que l’exercice est associé à des variables psychologiques négatives et à des résultats de traitement négatifs. Les présentes conclusions étayent en partie ces recommandations, mais soulèvent la possibilité que l’exercice comporte par ailleurs des bienfaits. Par conséquent, les conclusions indiquent qu’il faudrait effectuer d’autres recherches en vue de déterminer le lien entre exercice/exercice excessif et évolution/traitement de l’anorexie mentale. Il serait peut-être utile d’intégrer un peu d’exercice comme une certaine forme de participation sportive au traitement (éventuellement à une étape plus avancée du traitement, lorsque la personne aura commencé à reprendre du poids), dans la mesure où l’on veille à ce que l’exercice ne devienne pas excessif.

Prochaines étapes

Il faudrait effectuer d’autres recherches en vue de répéter le présent modèle, déterminer la direction de l’association entre les prédicteurs et l’exercice excessif, et évaluer les répercussions de l’intégration d’une certaine forme d’exercice, comme une participation sportive, au traitement de l’anorexie mentale.

Principaux intervenants et avantages

Pour l’instant, les conclusions actuelles peuvent être utiles aux professionnels de la santé qui interviennent auprès de personnes souffrant d’anorexie mentale ainsi qu’aux dirigeants des domaines du sport et de l’activité physique qui traitent avec des participants qui présentent une telle condition.

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Carmen Bewell-Weiss, Université de York.

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