Résumé du projet
La présente recherche avait pour principal objectif de cerner le rôle des clubs de curling dans la vie rurale canadienne. Elle visait à approfondir et à élargir notre compréhension du rôle des lieux de loisirs et de sport dans le développement communautaire en étudiant les clubs de curling ruraux. Plus spécifiquement, les objectifs s’énonçaient ainsi : 1) explorer les fonctions remplies par les clubs de curling en tant que lieux de sport et d’activités communautaires au fil du temps; 2) examiner les rôles que jouent les clubs de curling dans la vie rurale et évaluer les défis et les occasions qui se présentent à eux; 3) observer et documenter les activités des clubs et les activités communautaires qui ont cours toute l’année; 4) comprendre comment ces fonctions et significations diffèrent d’une collectivité à l’autre et dans tout le pays; 5) déterminer comment les clubs de curling ruraux sont des espaces communautaires qu’il faut comprendre dans les contextes plus larges de l’évolution de la société et du monde rural; 6) élaborer et peaufiner de nouvelles approches de recherche conçues pour mieux saisir les interactions complexes entre ces milieux de sport.
Jusqu’à maintenant, on peut conclure que les clubs de curling sont des lieux centraux dans les petites collectivités et qu’ils présentent une combinaison des six caractéristiques suivantes :
- sources d’activité physique régulière et de liens sociaux durables;
- partie de l’identité communautaire;
- sites de fierté, d’histoire, d’engagement et d’appartenance;
- organisations fondées sur le bénévolat;
- cadres pour de précieux moments et activités en famille;
- « lieux de rassemblement » communautaires.
Méthodes de recherche
Parce qu’il s’agit de petits clubs situés dans de très petites collectivités, une approche ethnographique a été adoptée. La chercheuse a visité deux clubs dans chacune des dix provinces (ainsi que deux autres clubs dans le nord de l’Ontario) et a vécu une fin de semaine de bonspiel (tournoi de curling qui dure normalement plusieurs jours et met en présence plusieurs équipes) dans les clubs. Des étudiants de cycles supérieurs étaient souvent présents et inclus dans l’équipe de recherche. Dans la mesure du possible, la chercheuse a aussi visité les clubs pendant l’été (saison morte) pour rencontrer des personnes occupant des postes clés (comme le président du club, les membres du conseil d’administration, etc.) et pour se faire une idée du rôle joué par le club dans la communauté quand il n’y a pas de curling. Pendant l’hiver, l’équipe de recherche a passé des fins de semaines complètes au club, prenant part à des activités sociales et tâchant d’avoir le plus grand nombre possible de conversations informelles significatives avec les participants. En tout, quelque 600 heures ont été passées dans les clubs au cours de la recherche (soit environ 30 heures en moyenne par club). En plus des conversations, l’équipe de recherche a observé attentivement les comportements et les activités des curleurs. Des notes extraites des conversations et des observations ont été consignées et analysées ultérieurement. Des photos et des enregistrements vidéo postérieurs ont été faits sur place et ces documents se sont révélés de précieuses sources d’information à l’étape de l’analyse des données.
Résultats de recherche
Plus précisément, les constatations se répartissent en quatre groupes, correspondant aux réponses à quatre grandes questions : pourquoi les gens font-ils l’essai du curling; pourquoi s’inscrivent-ils à un club (et en demeurent-ils membres); quels défis les clubs doivent-ils relever; enfin, comment les clubs tentent-ils de relever ces défis.
Il est clair que le principal facteur qui influe sur la décision d’une personne d’adhérer à un club de curling est un lien social. En fait, presque tous les participants ont cité la famille, les amis et les collègues de travail comme personnes les ayant le plus influencés. Les participants ont également mentionné d’autres raisons, notamment : pratique du sport à l’école et dans leur jeunesse, changement dans la situation familiale qui a provoqué l’envie de s’adonner à une nouvelle activité (p. ex. départ des enfants de la maison familiale, décès du conjoint ou de la conjointe, divorce, déménagement dans une autre collectivité) et désir de faire une activité physique pendant les mois d’hiver.
Les curleurs demeuraient membres de leur club en raison des avantages suivants : la pratique du curling favorise leur santé et leur bien-être; cela leur permet de faire régulièrement de l’activité physique à un niveau adapté à leur expérience et à leurs capacités; ils ont des possibilités de faire du bénévolat et d’occuper des fonctions de direction; ils éprouvent un sentiment accru d’appartenance au club; enfin, ils peuvent prendre part à la vie communautaire.
Les défis auxquels les clubs faisaient face étaient surtout d’ordre économique, notamment le manque de stabilité financière et l’épuisement chez les bénévoles. Parmi les autres défis mentionnés, il y a les effets du manque de diversité dans le sport, un fossé grandissant entre le curling d’élite ou professionnel et le curling amateur (ce qu’on appelle le curling de compétition et le curling social), et la tendance qui en découle chez les organismes de sport (dont l’Association canadienne de curling) d’accorder de façon inégale un soutien au clubs (camps de haut niveau c. subventions pour des réparations et des améliorations mineures).
De nombreux clubs font tout en leur pouvoir pour surmonter ces obstacles en élaborant des stratégies et des programmes innovateurs, entre autres : voir à ce que le curling demeure abordable; faire du curling un « sport pour la vie » (du niveau « minipierre » à celui des « maîtres »); former des entraîneurs et des dirigeants; répondre aux besoins de la clientèle d’aujourd’hui en assouplissant les modalités d’adhésion et les règles du jeu de ligue, promouvoir les bienfaits sociaux associés à l’appartenance à un club, et faire en sorte que les clubs ne projettent plus une image de lieux fermés, réservés à une élite blanche à prédominance masculine, mais deviennent des lieux communautaires socialement diversifiés.
Une limite sérieuse à l’étude a été le fait que la chercheuse ne pouvait pas parler le français, ce qui signifie que les clubs visités au Québec étaient en général bilingues et non uniquement francophones. Par ailleurs, en raison d’annulations, deux clubs sélectionnés pour la recherche et visités pendant la saison morte ont cessé d’être disponibles au cours de l’hiver.
Répercussions sur les politiques
Dans l’ensemble, les clubs de curling locaux sont ressortis comme des lieux d’activité physique importante présentant un immense potentiel de bienfaits sociaux. Pour concrétiser ces bienfaits, les clubs ont besoin d’un financement stable et fiable et doivent avoir accès à des ressources qui les aideront à renforcer leurs capacités et à maintenir les infrastructures. Un club de curling prospère et dynamique en est un au cœur de la vie sportive et communautaire. C’est pourquoi il faut soutenir les aspects suivants et fournir des ressources s’y rattachant : le développement des jeunes, des infrastructures et des programmes accueillants pour les familles, et la capacité de comprendre les besoins des participants adultes modernes, des aînés, des personnes ayant des défis particuliers à surmonter et des curleurs non traditionnels, et d’y répondre.
Les décideurs peuvent prendre trois mesures pour soutenir les clubs de curling : 1) soutenir le curling en lui accordant le même niveau d’aide financière (administrations fédérale, provinciales et municipales) offert à d’autres sports (comme le hockey); 2) faire connaître davantage le curling en instaurant des programmes dans les écoles partout au Canada; 3) enfin, verser des fonds de développement aux organismes nationaux et provinciaux de curling et aux clubs locaux.
Prochaines étapes
Tout projet de recherche ouvre de nouvelles pistes d’enquête et le présent projet ne fait pas exception. Il a d’ailleurs débouché sur l’élaboration d’un projet axé sur les défis que doivent relever les clubs urbains au chapitre de la diversité et de l’accès. L’étude a porté intentionnellement sur les petites collectivités, car on croyait que le rôle du club dans la communauté serait peut-être plus facile à cerner sur une petite échelle. Néanmoins, il vaut certainement la peine de se pencher sur les clubs plus gros dans les grandes collectivités. D’autres questions se dégagent du projet : Quelle est la situation des clubs de curling urbains et quels sont les défis auxquels ils font face? Quelle image les Néo-Canadiens ont-ils du curling et comment pouvons-nous rendre le curling plus attrayant pour eux? Que peuvent faire les organismes nationaux de sport pour communiquer de façon plus efficace avec leurs membres de la base et mieux répondre aux besoins de ces derniers? Comment les responsables du développement du sport et de la participation au sport peuvent-ils prendre en compte aussi bien les exigences du sport de haut niveau ou d’élite que la nécessité d’offrir aux Canadiens ordinaires des activités et des programmes correspondant à leurs besoins et à leurs intérêts? Comment les clubs de sport (sports d’hiver en particulier) font-ils face aux défis environnementaux que posent des installations telles que des patinoires de hockey et des pistes de curling?
Principaux intervenants et avantages
Association canadienne de curling; toutes les associations provinciales et régionales de curling;The Curling News; Fédération mondiale de curling; Fédération canadienne des municipalités.