
Sommaire du projet
Les chercheurs commencent à s’intéresser davantage aux liens et aux contradictions qui existent entre le sport, la santé et les soins de santé. Malgré les idées reçues voulant qu’une augmentation de la participation au sport et à l’activité physique améliore la santé et la qualité de vie, les preuves du contraire, soit que la participation au sport n’est pas toujours bénéfique pour la santé, continuent à s’accumuler. La meilleure façon de constater ce fait est d’examiner la situation des athlètes qui participent à des sports de haute performance. L’idéologie de l’excellence qui prévaut dans les sports d’élite exige de suivre un parcours linéaire professionnel et calculé de manière scientifique pour demeurer sur la scène sportive mondiale, ce qui à son tour exige de l’athlète d’acquérir la capacité d’ignorer les signes que lui envoie son corps en vue d’atteindre l’excellence sportive. Bien que s’approfondisse notre compréhension de l’immersion des athlètes dans ce qu’on appelle la « culture de risque » du sport – une culture où l’on accepte, produit et reproduit des normes dangereuses pour la santé sans se poser de questions (par exemple, la tolérance à la douleur et aux blessures, des régimes alimentaires dangereux ou l’utilisation de substances améliorant la performance) -, on compte très peu de recherches qui explorent d’autres déterminants sociaux, économiques et politiques de la santé et du bien-être des athlètes.
À l’échelle nationale et internationale, de nombreux travaux de recherche traitent des façons dont les déterminants sociaux de la santé (DSS) influencent la santé des personnes et des communautés et sont directement liés à l’organisation et à la distribution des ressources parmi les membres d’une société. Les DSS ont un effet sur la participation au sport et à l’activité physique et influencent celle-ci, de même qu’ils sont eux aussi influencés, à divers degrés, par la participation au sport et à l’activité physique et qu’ils en ressentent les effets. Notre étude a pour objet l’examen des conditions matérielles qui caractérisent la vie des athlètes, selon la structure dictée par le système sportif canadien et la politique canadienne en matière de sport, ainsi que les façons dont ces conditions matérielles définissent la santé et le bien-être des athlètes et ont un effet sur ces deux aspects. Autrement dit, le système sportif canadien s’appuie sur la politique en matière de sport et est conçu de façon telle que les athlètes sont appelés à donner une performance de haut niveau et s’exposent à des risques sur le plan de la santé.
Dans le cadre de ce projet, nous avons étudié les déterminants sociaux de la santé des athlètes de haute performance au Canada et les conditions matérielles qui contribuent ou qui nuisent à la santé et au bien-être des athlètes. Le projet était axé sur les points suivants : 1) explorer les expériences vécues des athlètes en ce qui a trait à leur santé et à leur bien-être en établissant des liens avec les conditions matérielles de leur vie; 2) étudier l’incidence des problèmes de santé chez les athlètes, tout particulièrement ceux qui participent à des sports de haute performance représentatifs; 3) concevoir et faire passer un questionnaire bilingue quantitatif portant sur les déterminants sociaux de la santé des athlètes; et 4) élaborer un cadre régissant les DSS pour les athlètes à l’échelle nationale. D’un point de vue théorique, le premier objectif du projet était de procéder à l’analyse critique des façons dont les conditions matérielles propres à un athlète, tout particulièrement dans les sports de haut niveau, influencent sa santé et son bien-être, de même que d’attirer l’attention sur ce point. Le deuxième objectif consistait à cerner les façons dont le système des sports de haute performance et, par extension, la structure de l’état jouent un rôle dans les conditions matérielles de la vie des athlètes et protègent ou mettent en danger leur santé et leur bien-être. Enfin, le troisième objectif consistait à placer la santé et le bien-être des athlètes dans une discussion générale portant sur les expériences vécues des athlètes et à apporter une contribution à l’ensemble sans cesse grandissant des connaissances qui permettent de théoriser et de mettre en contexte le lien existant entre le sport et la santé au Canada.
Méthodes de recherche
Il s’agit d’un projet de recherche de trois ans dans le cadre duquel des méthodes qualitatives et quantitatives ont été utilisées. La partie qualitative comprenait des entrevues semi-dirigées et en profondeur avec des athlètes, de même qu’une recherche documentaire sur les politiques fédérales, provinciales et territoriales en matière de sport qui revêtaient une importance dans le cadre du projet en vue d’établir un lien avec les conditions matérielles qui caractérisent la vie des athlètes. Pour la partie quantitative, nous avons conçu et fait passer un questionnaire bilingue sur les déterminants sociaux de la santé des athlètes, lequel a été distribué dans tout le pays à des athlètes inscrits à des organismes nationaux et provinciaux de sport.
Résultats de recherche
Les résultats des parties qualitative et quantitative de l’étude mettent en lumière plusieurs thèmes importants, soit que la santé est un concept relatif chez les athlètes et leurs parents, que de nombreux athlètes doivent se fier aux autres, souvent dans une très grande mesure, pour obtenir un soutien matériel, et qu’il existe toujours des obstacles à la participation au sport de haute performance (le statut socioéconomique, tout particulièrement). Dans le contexte, plusieurs forces sociales intrinsèques ou extrinsèques du sport de haute performance gardent ce sport inaccessible à bien des gens; il s’agit de la dilution des budgets publics destinés aux installations, aux programmes et aux services de sport et de loisirs, de l’attention continue portée sur les déterminants de la santé en aval plutôt qu’en amont, et de l’accent continu et, en fait, accru mis sur la performance au détriment de la santé dans les sports de haute performance, des suites de la participation du Canada aux Jeux olympiques de 2008 à Beijing et de 2010 à Vancouver et de sa préparation à d’autres Jeux d’envergure internationale (par exemple, les Jeux olympiques de 2012 à Londres). Les limites de cette étude ont particulièrement à voir avec le questionnaire et le faible taux de réponses reçues.
Répercussions sur les politiques
Les athlètes de haute performance forment un groupe unique au Canada compte tenu du travail qu’ils accomplissent – le mot « travail » est souligné pour montrer que le travail des athlètes ne se limite pas au temps, aux coûts et aux efforts considérables qu’ils investissent en vue de triompher sur la scène sportive. Notre projet vient améliorer la compréhension que nous avons des déterminants sociaux de la santé des athlètes et des façons dont le système sportif canadien, notamment la politique canadienne en matière de sport, définit les conditions matérielles de la vie des athlètes. Les données sur les déterminants sociaux de la santé des athlètes ont des répercussions sur les politiques quant à la participation au sport, car les résultats ont indiqué que: 1) des obstacles socioéconomiques empêchent toujours certains athlètes de participer pleinement aux sports, malgré les politiques et les programmes propres à certains sports qui visent à atténuer l’influence du revenu; et 2) le stress occasionné par la situation socioéconomique a un effet négatif sur la santé et le bien-être de certains athlètes ainsi que sur des membres de leur réseau de soutien (c.-à-d. leurs parents, leur conjoint ou leur famille).
Prochaines étapes
À l’heure actuelle, nous recevons encore de nouvelles données provenant du questionnaire quantitatif, mais nous comptons raffiner cet outil et le redistribuer dans tout le pays. D’un point de vue thématique, il sera important d’analyser les résultats obtenus auprès des athlètes de haute performance et de les relier aux changements apportés aux programmes de sport locaux, car c’est souvent par le sport communautaire que les athlètes de haut niveau ont été introduits à leur activité et exposés au système de développement, et là où ils ont commencé à interagir avec les autres (entraîneurs, coéquipiers, compétiteurs).