
Résumé du projet
La présente étude visait à comprendre comment la participation des enfants au sport et le contexte social et culturel de cette participation façonnent les relations, les interactions et les valeurs familiales. Les thèmes dégagés témoignent de la nature contradictoire du sport organisé pour les jeunes, dont le renforcement des relations familiales ainsi que les tensions et les mésententes que provoquent les points de vue divergents. L’accent est mis sur la nature publique du rôle de parent dans le contexte du sport et sur son influence sur les constructions sociales d’un « bon parent ». Quant aux répercussions générales, l’étude insiste sur le lien étroit entre le sport organisé pour les jeunes et le changement des idéaux et des pratiques culturels associés aux genres et à l’éducation des enfants.
Méthodes de recherche
Des entrevues semi-structurées et un journal des participants en ligne (pendant 10 jours) ont été utilisés pour connaître les expériences divergentes des mères, des pères et des enfants. Les entrevues semi-structurées se sont déroulées en personne au domicile des familles. Des observations et des conversations officieuses ont été consignées en partageant un repas avec des membres de la famille ou à l’occasion d’autres réunions de famille improvisées. Un échantillon choisi à dessein de 7 familles (19 enfants, 7 mères et 6 pères) ont participé à l’étude. L’analyse des données a reposé sur une approche constructiviste axée sur une théorie à base empirique, afin de mieux comprendre comment les participants percevaient la participation des jeunes au sport et quelles significations ils lui associaient.
Résultats de recherche
L’analyse des données a permis de cerner trois grands thèmes : « la compréhension des expériences des enfants », « l’éducation des enfants dans les lieux publics et privés » et « le lien entre les expériences familiales ». Il s’en est dégagé un thème central : « la préservation de l’unité familiale ».
Dans le premier grand thème, « la compréhension des expériences des enfants », on a constaté l’intensité des activités des enfants et comment bon nombre de ceux-ci en avaient fait un mode de vie. Manifestement, les enfants apprécient l’aspect social et le « plaisir » associés au sport organisé pour les jeunes et ils comprennent l’importance socioculturelle de leur participation, qui est liée
enfants au sport organisé a également des répercussions sur les relations avec les frères et sœurs : elle resserre les liens ou provoque des tensions considérables. Le sport organisé donne un intérêt commun à certains des enfants, sans égard à l’âge ou au genre, et semble inspirer un sentiment d’unité. Dans certains cas, cependant, le fait de vivre avec une « vedette » du sport, surtout si elle est plus jeune, crée des tensions et donne aux frères et sœurs plus âgés un complexe d’infériorité et le désir d’abandonner la pratique du sport.
Le deuxième grand thème, « l’éducation des enfants dans les lieux publics et privés », révèle le point de vue des parents concernant ce qu’il en coûte à l’unité familiale (sur les plans émotionnel, physique et financier) pour que les jeunes fassent du sport. Pourtant, le sport organisé pour les jeunes était des plus prisés. On considérait comme essentiel d’offrir aux jeunes de telles occasions si on voulait être de « bons parents ». En se fondant sur leurs propres croyances, les parents ont ensuite évalué leurs pairs (dans la collectivité, les conjoints et les grands-parents) et leur valeur morale en tant que bons parents. Ils ont appuyé leur jugement sur des observations du comportement des autres parents dans la collectivité, sur leur niveau d’engagement ou de soutien relativement aux activités de leurs enfants, ainsi que sur leur comportement aux matchs de sport. Par ailleurs, les parents ont dit se sentir obligés d’agir comme bénévoles au sein des organismes de sport. La politique organisationnelle est ressortie comme intensifiant la tension et la frustration au sein de la famille. On estimait aussi que les responsabilités des parents en matière de bénévolat influent sur la relation parent-enfant (la resserrent ou la fragilisent). Il était également manifeste que les responsabilités organisationnelles des parents étaient liées au genre (les pères occupent des postes bien en vue et les mères jouent des rôles plus effacés) et que les mères étaient les premières responsables de la coordination des activités de leurs enfants.
Enfin, le troisième thème, « le lien entre les expériences familiales », a démontré les intersections des points de vue des enfants et des parents. Plus particulièrement, il a révélé la complexité des processus décisionnels. À première vue, les enfants semblent décider eux-mêmes, mais derrière se cache l’influence des pressions, subtiles et pas tant subtiles, exercées par les parents. Parfois, les enfants étaient amenés dans une voie précise sous la pression des parents, qu’il s’agisse des ressources familiales (p. ex. le temps et l’argent), des préférences pour certains sports ou des valeurs d’engagement et de persévérance. À cela s’ajoutent les pressions sous-jacentes des membres de la famille, d’autres enfants et de la société en général, qui sont liées aux valeurs culturelles concernant les activités convenant à chacun des genres.
Un thème central, « la préservation de l’unité familiale », s’est dégagé de ces trois grands thèmes. Il en ressort un sentiment général que le sport organisé crée une identité familiale commune et un sentiment d’appartenance, tout en imposant en même temps des sacrifices considérables affectant la vie familiale. De plus, on a constaté une volonté de préserver l’unité familiale dans les sphères tant publique que privée de la vie familiale.
Répercussions sur les politiques
Il faut, en renseignant et en sensibilisant les organismes de sport pour les jeunes et les parents, promouvoir les aspects qui favorisent des expériences positives pour les parents et les enfants.
- Reconnaissance du mandat du programme de sport pour les jeunes et du niveau d’intensité approprié. De nombreux parents jugent les saisons trop longues et intenses pour le niveau récréatif. Par conséquent, des familles décident de limiter les occasions de faire du sport plutôt que d’appuyer la pratique de plusieurs sports durant plusieurs saisons, ou ils se désistent complètement du programme de sport. En outre, il est manifeste que de nombreux « extras » (c.-à-d. des tournois), qui exigent l’investissement de fonds et de temps additionnels, sont très exigeants pour la vie familiale.
- Reconnaissance du temps considérable que donnent les bénévoles, qui sont souvent les parents d’enfants membres de l’équipe. Cet engagement façonne la nature de la relation des parents avec leurs autres enfants (souvent négativement). En augmentant le niveau d’épuisement et de fatigue des parents, il incite ces derniers à cesser d’appuyer la participation active des enfants. Il faut songer à des solutions de rechange comme le « partage des tâches » pour aider à minimiser le temps consacré et ainsi offrir aux parents la chance de passer du temps avec leurs autres enfants et membres de la famille.
- Éducation des parents sur la façon dont la participation au sport pour les jeunes peut modeler les relations entre frères et sœurs. Certains enfants ont besoin d’être appuyés dans des activités et programmes différents de ceux de leurs frères et sœurs pour qu’ils aient davantage confiance en leurs aptitudes et en leurs talents, plutôt que de vivre dans l’ombre de leurs frères et sœurs doués pour le sport (ce qui incite certains enfants à vouloir abandonner encore plus).
- Reconnaissance, chez les responsables des programmes de sport, que le sport pour les jeunes expose les parents à voir leur qualité de parent être jugée par leurs pairs. Il conviendrait d’élaborer des programmes d’appui (p. ex. horaires structurés de covoiturage) pour aider les familles ayant diverses conditions d’emploi (c.-à-d. quarts de travail, travail le soir ou les fins de semaine, faible revenu) qui limitent la capacité des parents de soutenir la participation au sport de leurs enfants.
Prochaines étapes
La présente étude n’aborde que les expériences des familles sélectionnées. Il importera que la recherche future porte sur les expériences et les significations d’autres familles. Par exemple, les familles qui ont participé à l’étude forment un groupe assez homogène de parents mariés, hétérosexuels et blancs (et aucun signe ne laisse présager un « deuxième mariage »). Divers modèles familiaux comme les conjoints de fait ou les familles homosexuelles montreraient possiblement d’autres points de vue. Les familles reconstituées et monoparentales pourraient aussi vivre des expériences différentes en ce qui a trait aux contraintes de temps et aux demandes familiales conflictuelles. Les familles de différents
groupes ethniques et races pourraient aussi donner une signification différente à la vie de famille et au sport organisé pour les jeunes. Qui plus est, de nombreux participants à la présente étude ont clairement exprimé une idéologie prosport, ce qui risque d’influer sur l’applicabilité ou la transférabilité des constatations aux autres familles qui ne sont pas animées des mêmes valeurs et croyances.
Principaux intervenants et avantages
Il pourrait être profitable aux organismes de sport communautaire à la base comme Sport pur et à d’autres organismes fédéraux ou provinciaux régissant le sport mineur de comprendre comment le sport organisé pour les jeunes façonne la vie familiale et, par conséquent, le type et la fréquence de la participation des enfants.