Introduction et contexte
Les commotions cérébrales sont très fréquentes dans le milieu sportif (Daugherty et coll., 2020). Il est donc impératif de les évaluer avec précision pour garantir une pratique sportive sécuritaire à tous les niveaux. L’un des principaux domaines d’évaluation est l’autoévaluation des symptômes (Patricios et coll., 2023). Il est bien connu que des symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale sont fréquents après une commotion cérébrale et chez les athlètes en bonne santé au départ. Les symptômes d’une commotion cérébrale sont censés disparaître rapidement et complètement après la commotion, mais ils persistent chez certains athlètes. Il a été démontré que ces symptômes persistants pouvaient entraîner une sensation de solitude et mener à l’isolement social et à un manque de soutien émotionnel (Choudhury et coll., 2020). Les facteurs prédisposant aux symptômes de commotion cérébrale, qui les déclenchent et qui les perpétuent, sont variés et englobent les troubles subjectifs et objectifs du sommeil. De même, il est bien établi que le sommeil est lié au fonctionnement social (Gordon et coll., 2017). Cependant, le mécanisme de ces relations est méconnu. La présente étude visait à examiner le rôle des diverses facettes du fonctionnement émotionnel dans la relation entre les variables mentionnées précédemment.
Méthodes
Il s’agissait d’une étude en deux parties. Dans la première étude, nous avons utilisé des données rétrospectives de 266 étudiants de premier cycle en bonne santé et examiné la relation entre le sommeil (trouble subjectif du sommeil et durée du sommeil à domicile) et la déclaration des symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale. La deuxième étude consistait en une étude mixte intrasujets et intersujets faisant appel à un paradigme de restriction expérimentale du sommeil. Les relations entre le sommeil manipulé expérimentalement et la déclaration de symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale et entre le sommeil manipulé expérimentalement et les variables sociales (solitude, isolement social et soutien affectif) ont été examinées chez 44 étudiants de premier cycle en bonne santé. Les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale et le fonctionnement social des participants ont été mesurés à quatre moments (cinq jours avant la restriction expérimentale du sommeil, la veille de l’expérience, le lendemain de l’expérience et le jour suivant une nuit de sommeil normale). Le manque de sommeil accumulé a été surveillé à l’aide d’appareils Fitbit durant les cinq nuits précédant la restriction expérimentale du sommeil. Dans les deux études, de multiples facettes du fonctionnement émotionnel ont été examinées comme variables médiatrices dans ces relations.
Principales constatations et répercussions
Étude 1 : Cette étude a mis en évidence des associations entre le fonctionnement émotionnel et les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale, le trouble subjectif du sommeil et les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale, ainsi que la durée du sommeil à domicile et les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale à l’aide de procédures corrélationnelles et de comparaisons de moyennes. Les personnes qui avaient un trouble subjectif du sommeil ou un sommeil de courte durée (moins de 5,5 heures la nuit précédente) ont signalé plus de symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale que celles qui n’avaient aucun trouble du sommeil ou qui ne dormaient pas suffisamment. Contrairement aux hypothèses, il n’y avait pas d’interaction entre le groupe de sommeil (sommeil court par rapport à sommeil adéquat) et le sexe. Il n’y avait pas non plus d’interaction significative entre la perturbation subjective du sommeil (présente ou absente) et le sexe. La détresse émotionnelle était une variable médiatrice dans la relation entre le trouble subjectif du sommeil et les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale, mais pas dans la relation entre la durée du sommeil à domicile et les symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale.
Étude 2 : L’étude a montré des associations semblables entre le sommeil manipulé de façon expérimentale et la déclaration de symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale avec de grandes différences entre les moyennes obtenues après la restriction expérimentale du sommeil (moyenne du groupe expérimental = 37,59, moyenne du groupe témoin = 11,05). Aucune différence n’a été observée dans le fonctionnement social à la suite de la restriction expérimentale du sommeil. La détresse émotionnelle totale, la dépression, l’anxiété, le stress et l’affect négatif ont joué un rôle dans la relation entre le sommeil restreint expérimentalement et la déclaration de symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale. Il y avait un effet indirect de la détresse émotionnelle totale, de la dépression, de l’anxiété, du stress et de l’affect négatif dans la relation entre le sommeil restreint expérimentalement et les variables sociales. Ces variables émotionnelles ont également été utilisées comme variables médiatrices dans la relation entre le trouble subjectif du sommeil et les variables sociales. L’affect positif n’a pas été utilisé comme variable médiatrice pour l’une ou l’autre des relations.
Répercussions : Plusieurs facettes du fonctionnement émotionnel sont utilisées comme variables médiatrices dans la relation entre le trouble subjectif du sommeil et la durée du sommeil restreint expérimentalement et la déclaration de symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale. Tout cela a de nombreuses répercussions sur la participation aux sports en toute sécurité en raison de la prévalence élevée des commotions cérébrales. Par exemple, si les athlètes signalent de nombreux symptômes lors de l’évaluation initiale des commotions cérébrales, une intervention sur le sommeil ou le fonctionnement émotionnel peut permettre de soulager ces symptômes. C’est d’autant plus important, car ces mesures de référence des symptômes sont couramment utilisées pour évaluer le rétablissement. Si des données de référence inexactes (en raison d’un mauvais sommeil ou d’un fonctionnement émotionnel déficient) sont utilisées, les décisions prises dans le cadre d’un retour au jeu sécuritaire pourraient être dommageables. De même, après une commotion cérébrale, si les athlètes signalent de nombreux symptômes ou que ceux-ci ne disparaissent pas dans les délais prévus, des interventions sur le sommeil ou le fonctionnement émotionnel peuvent aider les athlètes à reprendre l’activité sportive en toute sécurité. Cette mesure d’intervention peut s’avérer particulièrement utile si les athlètes ont déjà subi une intervention infructueuse pour des problèmes de sommeil ou des problèmes émotionnels, car elle peut alors cibler l’autre variable ayant des effets similaires sur leurs symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale. Des interventions efficaces pour ces troubles du sommeil et ces troubles émotionnels permettront de mesurer plus précisément la symptomatologie, ce qui facilitera un retour au jeu et une participation plus rapides et plus sécuritaires pour les athlètes victimes d’une commotion cérébrale. De plus, les performances de l’athlète peuvent s’améliorer si les symptômes sont atténués dès le début. Par ailleurs, si les symptômes persistent après une commotion cérébrale, ce qui peut mener à la solitude, les résultats de cette étude donnent à penser que des interventions sur le sommeil ou sur les émotions pourraient améliorer le fonctionnement social de l’athlète.
Points forts et limites
Cette étude présentait de nombreuses forces, notamment l’évaluation des multiples facettes du fonctionnement du sommeil (trouble subjectif du sommeil, durée du sommeil à domicile et durée du sommeil manipulé expérimentalement), l’examen des multiples facettes du fonctionnement émotionnel et le contrôle rigoureux des variables liées au sommeil dans la deuxième étude. Les limites comprennent la démographie des échantillons (jeunes adultes, principalement de race blanche, principalement anglophones, étudiants universitaires), la collecte de données à différents moments au cours du trimestre (et donc différents niveaux de stress liés aux tâches universitaires), la collecte de données pendant la pandémie de COVID-19 et la trop grande sensibilité (et donc une spécificité réduite) des appareils Fitbit au sommeil.
Conclusions et prochaines étapes
Les troubles du sommeil sont associés à une déclaration accrue des symptômes semblables à ceux d’une commotion cérébrale et au fonctionnement social. Le fonctionnement émotionnel est utilisé comme variable médiatrice dans cette relation. Selon les conclusions tirées, il est essentiel d’inclure le sommeil et le fonctionnement émotionnel dans l’évaluation des commotions cérébrales afin d’assurer un retour au jeu rapide et sécuritaire après une commotion cérébrale, et de veiller à ce que les athlètes aient un fardeau minimal en matière de symptômes au départ. Si les symptômes persistent plus longtemps que la durée habituelle de rétablissement, les athlètes peuvent se sentir isolés. Les résultats de la présente étude indiquent que les interventions axées sur le sommeil et le fonctionnement émotionnel peuvent contribuer à atténuer ces sentiments de solitude et d’isolement social, ainsi qu’à améliorer leur bien-être et leur préparation à la reprise de l’activité sportive. Les études futures devraient examiner cette question avec plusieurs nuits de restriction du sommeil (par opposition à une seule nuit comme dans l’étude actuelle) sur des échantillons plus représentatifs. De plus, cette recherche devrait être reproduite sur un échantillon d’athlètes.