Poursuivre ses rêves à tout âge : Confessions d’une athlète Maître

La fin du sport élite n’est pas une raison de s’arrêter, mais plutôt une opportunité de continuer pour les athlètes Maîtres. Pour eux, l’âge ne désigne pas la fin du parcours sportif! 

Rester actif tout au long de la vie est essentiel pour maintenir une bonne santé physique et mentale. En effet, l’activité physique régulière améliore non seulement la santé cardiovasculaire (Huang et al., 2022) et préserve la force musculaire (Ramsey et al., 2021), mais elle améliore également les fonctions cognitives (Haverkamp et al., 2020) et la qualité de vie globale (Marquez et al., 2020). Un groupe qui illustre parfaitement les bienfaits du sport tout au long de la vie est celui des athlètes Maîtres. 

Les athlètes Maîtres sont des individus qui pratiquent des sports organisés au-delà des années typiquement considérées comme optimales pour la compétition. Ces athlètes participent à des activités structurées, régies par des règles et comportant une ou des compétitions, ce qui les distingue des individus qui font simplement de l’activité physique pour maintenir ou améliorer leur condition physique (Callary et al., 2021). Les athlètes sont généralement considérés Maîtres à partir de l’âge de 35 ans mais ce chiffre peut varier selon le sport (Callary et al., 2021 ; Churchill & Baggish, 2020). Par exemple, en natation artistique (anciennement appelée nage synchronisée), les compétitions Maîtres commencent dès 25 ans au niveau international. La plupart des sports Maîtres divisent leurs compétitions en catégories d’âge, généralement par tranches de 5 ans (par exemple, 40–44 ans, 45–49 ans, etc.). Ces catégories visent à favoriser une compétition équitable en tenant compte des déclins de performances en raison de l’âge (Callary et al., 2021). 

Dans cet article, je discute de mon parcours à travers les différents niveaux de natation artistique dont le niveau Maître et je partage de mon expérience lors de l’un des trois grands événements Maîtres, soit les Championnats du Monde Maîtres de World Aquatics. J’aborde également des considérations clés pour les athlètes Maîtres et offre des idées pour réussir dans ce réseau compétitif. 

Mon parcours à travers les niveaux de natation artistique 

J’ai commencé la natation artistique à l’âge de huit ans, d’abord au niveau provincial. Je me sentais nerveuse lors de mon premier entraînement, mais je suis rapidement tombée en amour avec ce sport. Au fil du temps, cette passion s’est transformée en un engagement à part entière, me propulsant au niveau élite. Mon horaire quotidien était intense : cours à l’école le matin suivis de pratiques de 12h30 à 19h30 où je m’entrainais pour les épreuves de solo, de duo et de combo (10 athlètes). 

Ces longues heures d’entraînement reflètent les exigences exceptionnelles de la natation artistique, un sport qui allie endurance, flexibilité, force, puissance et acrobaties (Mountjoy, 1999, 2009). Les athlètes doivent également maîtriser la retenue prolongée de leur respiration pendant les routines, mettant en lumière les défis uniques de ce sport (Viana et al., 2019). Mon entraînement au niveau élite comprenait également des séances de musculation trois fois par semaine et des séances de flexibilité deux fois par semaine, toutes deux guidées par des professionnels. Bien que rigoureux, ce niveau de natation artistique m’a permis de vivre des expériences inoubliables, comme remporter l’argent en solo lors de ma deuxième qualification pour les Championnats Canadiens et participer aux Championnats Américains à Las Vegas. 

Après trois ans au niveau élite, j’ai continué la natation artistique au niveau universitaire à l’Université McGill, où j’ai immédiatement remarqué un changement d’ambiance : l’esprit de compétition était toujours présent, mais les pressions et l’intensité de l’entraînement s’étaient adoucies. En tant qu’étudiantes-athlètes, nous jonglions entre les études et les entraînements, souvent tard le soir à cause des horaires restreints à la piscine. Malgré les défis, mon temps à McGill Synchro a été marqué par une forte camaraderie et des moments inoubliables, comme la performance de notre routine d’équipe sur les succès de Whitney Houston lors de la saison 2018–2019. 

Mes études supérieures m’ont amenée à l’Université de Montréal, où j’ai fait la transition vers la natation artistique au niveau Maître. La COVID-19 a perturbé mes débuts, mais en 2022, j’ai renoué avec une ancienne coéquipière du niveau élite, Mélody Roy. Mélody, titulaire d’un diplôme en génie du logiciel, a nagé au niveau élite pendant huit ans et a représenté le Canada à travers deux équipes nationales juniors. Ensemble, nous avons ravivé notre passion pour le sport, en nous entraînant sérieusement mais surtout en priorisant le plaisir. Compte tenu de nos engagements scolaires et professionnels, nous avons convenu d’un commun accord de nous entraîner ensemble une à deux fois par semaine. J’ai complété ces entraînements avec une à deux sessions de musculation de mon côté ainsi que des sorties de course à pied. 

Notre vaste expérience dans le sport – et le précieux réseau de contacts que nous avons développé à travers ces années – combinée à une compréhension claire de ce que nous recherchions chez une entraîneure, a joué un rôle clé dans le choix de l’entraîneure idéale. Notre entraîneure trouvait l’équilibre parfait entre nous pousser au maximum de nos capacités et écouter nos besoins. Étant donné que nous avions plus d’expérience en natation artistique qu’elle, nous avons collaboré pour concevoir nos plans d’entraînement ce qui a favorisé une relation de travail harmonieuse entre nous trois. C’est notamment à ce moment que notre expérience en natation artistique a été précieuse. Elle nous a permis de mettre en place des entraînements efficaces pour atteindre une performance optimale tout en prévenant les blessures. 

Lors de la saison 2022-2023, Mélody et moi avons participé à plusieurs compétitions au Québec, remportant des médailles d’or à chaque fois. C’était gratifiant de connaître du succès, même si notre niveau de performance n’atteignait pas les sommets que nous avions atteints pendant nos années au niveau élite. 

Mon expérience aux Championnats du Monde Maîtres 

Participer aux Championnats du Monde Maîtres au Japon en août 2023 était un rêve devenu réalité. Représenter le Canada sur la scène mondiale était incroyable, mais a nécessité une préparation minutieuse, dont s’assurer de maintenir une capacité physique optimale et de minimiser les effets du décalage horaire. Puisque Mélody et moi avions des horaires différents à l’approche de l’événement, je me suis entraînée individuellement, en me concentrant sur la musculation, la course à pied et les répétitions de nos routines hors de l’eau (communément appelé « landrills »). Comme j’arrivais au Japon seulement deux jours avant la compétition, j’ai dû m’adapter au décalage horaire de 13 heures. Sur une période de 13 jours, j’ai progressivement décalé mon horaire de sommeil de une heure, travaillant sur mon doctorat la nuit et en dormant le jour, un ajustement exigeant mais nécessaire. 

Au Japon, le site de la compétition était merveilleux et l’atmosphère était énergisante. Avant le début officiel de la compétition, nous avons eu ce que nous appelons un entraînement avec musique. Il s’agit d’une étape cruciale de notre préparation où nous pouvons jouer notre musique sur le système sonore de la compétition et pratiquer des sections ou la totalité de notre routine dans la piscine, simulant les conditions de compétition mais sans les juges. Chaque duo dispose d’un créneau horaire limité donc chaque seconde est précieuse. C’était une occasion fantastique d’observer d’autres duos, de tisser des liens avec des athlètes du monde entier et de partager nos expériences. 

Notre première épreuve, le duo technique, nécessitait précision et maîtrise des éléments obligatoires. Les routines dites « techniques » exigent d’exécuter des mouvements spécifiques que tous les duos doivent inclure, ajoutant donc un niveau de rigueur (Viana et al., 2019). Malgré le stress pré-compétition, Mélody et moi avons exécuté notre routine avec confiance, décrochant une 4e place, un résultat que nous avons célébré avec fierté. 

Un typhon a brièvement retardé les jours suivants, mais nous avons profité de ce temps d’arrêt pour peaufiner notre routine de duo libre. Les routines dites « libres » n’imposent pas de mouvement spécifique et mettent de l’avant la créativité des athlètes. Pour cette épreuve, étant donné que la routine est plus longue, j’anticipais ressentir des étourdissements pendant ma performance, un défi récurrent pour moi. En tant qu’étudiante en psychologie du sport, j’ai trouvé extrêmement utile de pouvoir appliquer mes apprentissages théoriques à mon parcours sportif. En effet, j’ai utilisé la visualisation (c’est-à-dire répéter mentalement notre routine et m’imaginer l’exécuter avec succès) et le discours interne (c’est-à-dire adopter un discours positif en réfléchissant à des expériences passées) pour rester calme. Ces stratégies de performance mentale, que je connaissais peu au niveau élite, ont été déterminantes et m’ont permis de mieux gérer mon stress et de rester concentrée sur mes objectifs. 

Nos scores combinés nous ont permis de décrocher une 4e place au classement général derrière deux duos japonais qui étaient d’anciennes membres de leur équipe nationale ainsi que nos amies du niveau élite. Cette compétition a été une expérience inoubliable et j’ai hâte aux opportunités futures! 

Considérations clés et stratégies pour réussir en tant qu’athlète Maître 

J’ai tiré de précieuses leçons du sport, mais la transition vers le niveau Maître a introduit une toute nouvelle perspective et a nécessité des ajustements. Voici quelques considérations clés pour les athlètes qui participent actuellement ou qui désirent participer au niveau Maître. Je vous révèle également les stratégies que j’ai utilisées pour surmonter les défis rencontrés en cours de route. 

  • Gérer son temps et sa motivation. Trouver un équilibre entre l’entraînement et les responsabilités personnelles et professionnelles exige une bonne gestion du temps et un niveau élevé de motivation. Contrairement aux athlètes élites, les athlètes Maîtres jonglent souvent avec une carrière et/ou une famille ce qui rend l’intégration de l’entraînement dans leur routine quotidienne cruciale. Personnellement, j’ai été très constante en inscrivant mes entraînements à la piscine, mes séances de musculation et de course à pied directement dans mon calendrier, m’assurant ainsi que ces moments devenaient une partie non négociable de ma semaine. Cette approche m’a aidé à gérer mon temps efficacement et à maintenir ma concentration malgré un mode de vie occupé. Ma plus grande motivation pour continuer à m’entraîner était mon amour pour le sport. Il est difficile pour moi de décrire le sentiment que je ressens en nageant; c’est un moment où je peux complètement vider mon esprit de toutes préoccupations, tout en laissant libre cours à ma créativité et en étant porté par la musique. De plus, en ayant une compréhension approfondie des nombreux bienfaits de l’activité physique grâce à mes études, notamment son impact positif sur la santé mentale, je suis déterminée à maintenir un mode de vie actif. 
  • Trouver ses propres ressources. Contrairement aux athlètes élites qui ont souvent accès à des installations dédiées et à du personnel sportif qualifié, les athlètes Maîtres font fréquemment face à des contraintes de ressources, comme un temps de piscine limité et moins d’options d’encadrement par des entraîneurs. Cette réalité exige des sacrifices, de l’adaptabilité et de la créativité pour trouver des moyens efficaces de s’entraîner. Plusieurs nageuses artistiques Maîtres s’entraînent à des heures non conventionnelles, montrant ainsi leur engagement envers le sport. En raison des horaires d’entraînements limités avec plusieurs clubs de natation artistique au niveau Maître, Mélody et moi avons pris contact avec une ancienne entraîneure qui nous a généreusement permis d’utiliser la piscine pour pratiquer nos duos pendant les heures d’entraînements de son club. Ceci souligne l’importance de maintenir des relations positives, on ne sait jamais les opportunités qu’elles peuvent nous présenter! Cela dit, étant donné que notre temps de piscine était limité, nous avons fait en sorte de maximiser chaque seconde. Pendant ces entraînements, nous nous sommes concentrées intensément sur l’amélioration et la perfection de nos routines. Ensuite, pour compléter notre entraînement en piscine, j’ai veillé à intégrer des séances de musculation et de course à pied. Bien que ces activités ne soient pas directement liées à la natation artistique, elles ont joué un rôle essentiel dans l’amélioration de ma condition cardiovasculaire, de ma force et de ma flexibilité, ce qui a considérablement amélioré ma performance globale. 
  • Couvrir les coûts. Un autre défi auquel sont confrontés les athlètes Maîtres est le soutien financier limité car ils sont généralement inadmissibles aux bourses ou autres opportunités de financement comparativement aux athlètes de d’autres niveaux. Pourtant, les compétitions internationales entraînent souvent des dépenses considérables, telles que les frais de voyage, d’hébergement et d’inscription. Pour compenser ces coûts, j’ai organisé une collecte sur GoFundMe. Le soutien incroyable de la famille et de mes amis a non seulement contribué à alléger ma charge financière, mais a également servi de puissant motivateur. Savoir que tant de personnes croyaient en moi et encourageaient mon parcours vers le Japon a été profondément touchant. Je serai éternellement reconnaissante pour leur générosité et leurs encouragements! 
  • Faire preuve de résilience. La résilience est essentielle pour les athlètes Maîtres car elle implique la capacité de s’adapter et de continuer malgré les défis, notamment le déclin naturel des capacités physiques comme la capacité cardiovasculaire ou la flexibilité. Bien que la prise de conscience de ces changements puisse être difficile à accepter (je vous le confirme!), les athlètes Maîtres doivent faire preuve de résilience pour les accepter et trouver de nouvelles stratégies pour continuer à réussir. Pour moi, construire ma résilience signifiait célébrer mes réussites tout au long de l’année. Cette approche m’a permis de rester motivée et concentrée sur mon progrès, plutôt que de me comparer à mes performances antérieures. Accepter ces changements avec un état d’esprit positif a renforcé ma capacité à m’adapter et à avancer. 
  • Adapter les entraînements. Les athlètes Maîtres s’entraînent généralement moins fréquemment qu’ils ne le faisaient durant leurs années au niveau élite. Il devient donc essentiel de privilégier la qualité plutôt que la quantité. Mon approche face à l’entraînement a évolué de manière significative au niveau Maître. Depuis, je donne la priorité à l’écoute de mon corps et à l’établissement de limites réalistes. Bien que cela reste difficile par moments, j’ai appris à dire “non” et à m’arrêter lorsque nécessaire. Par exemple, lorsque j’ai subi une blessure pendant la saison 2022-2023, je n’ai pas insisté pour continuer malgré la douleur comme je l’aurais fait au niveau élite. À l’inverse, j’ai communiqué ouvertement avec Mélody et mon entraîneure, leur expliquant que je ne ferais que les sections des routines et les mouvements qui n’aggravaient pas ma blessure. Ce changement de mentalité reflète le principe de s’entraîner plus intelligemment. Cette approche m’a permis de rester engagée dans le sport tout en minimisant le risque d’aggraver ma blessure ou d’en avoir de nouvelles. Finalement, cette approche m’a permis de participer à tous les événements prévus, ce qui était mon objectif principal! 

Ces considérations clés sont importantes à prendre en compte avant d’entrer au niveau Maître. J’espère que les stratégies personnelles que j’ai partagées pour surmonter les défis auxquels font face de nombreux athlètes Maîtres seront utiles à ceux et celles qui désirent compétitionner ou qui sont déjà impliqué au niveau Maître. 

Bien que les limitations physiques liées à l’âge, telles que la diminution de la flexibilité, de l’endurance et de la vitesse de récupération soient courantes, les athlètes Maîtres peuvent s’adapter en s’entraînant de manière à prioriser la qualité plutôt que la quantité. De plus, avec une compréhension approfondie de leur corps, les athlètes Maîtres sont mieux équipés pour gérer les blessures et optimiser la récupération, ce qui leur permet de réussir et de perdurer dans le sport. Après tout, les athlètes Maîtres maîtrisent leur sport d’une nouvelle manière! La joie de la compétition et l’opportunité de croissance personnelle continuent d’inspirer de nombreux athlètes Maîtres, moi y compris, et j’ai hâte de représenter le Canada lors d’une autre compétition internationale dans le futur! 

Ressources pour les athlètes Maîtres 

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Gabrielle Cadotteest candidate au doctorat à l’Université de Montréal à l’École de kinésiologie et des sciences de l’activité physique. Elle travaille sous la supervision du Dr Jeffrey Caron et est assistante de recherche pour le SIRC depuis septembre 2023. 

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