Le résultat de la Coupe du monde de basketball FIBA 2023 a surpris de nombreux partisans de basketball. L’Allemagne a terminé en tête, tandis que le Canada a battu l’équipe favorite, les États-Unis, en terminant respectivement troisième et quatrième. La qualité des programmes sportifs américains et leur capacité à produire des athlètes de classe mondiale ne sont pas remises en question. En fait, avant le tournoi, si vous aviez classé les 10 meilleurs joueurs de basketball, 7 ou 8 auraient probablement été américains (The Guardian, 2023). Avec un tel effectif, la question est de savoir ce qui s’est passé.
Dans l’ensemble, l’équipe des États-Unis disposait de joueurs plus talentueux et plus connus, ce qui aurait pu laisser penser qu’elle aurait dû surpasser le Canada. Cependant, comme nous le savons tous, tout n’est pas égal dans le sport, et c’est d’ailleurs ce qui en fait la beauté. En réalité, c’est ce qui rend le sport si fascinant. En termes simples, l’avantage du Canada réside dans sa capacité à digérer ses défaites. C’est pourquoi les équipes qui ne sont pas les favorites peuvent rivaliser et même vaincre des adversaires plus riches en ressources.
En 1972, Steiner a introduit un concept qui, selon nous, a encore de grandes implications aujourd’hui et peut être utilisé pour comprendre plus clairement ce qui s’est passé lors de la dernière Coupe du monde de basketball.
Quel est le modèle de Steiner pour la productivité dans le sport?
Cette équation ne fait pas appel à des notions d’algèbre ou de calcul difficiles; elle est en fait très simple. Et, bien qu’elle soit ancienne, son application est intemporelle. En tant qu’entraîneur, vous pouvez donc tirer parti de ce concept pour mener votre équipe au succès. L’équation est la suivante :
Productivité réelle = Productivité potentielle – Pertes de processus
Pour simplifier, la productivité réelle représente les performances actuelles de l’équipe et ce qu’elle produit réellement. La productivité potentielle est la meilleure performance possible de l’équipe si tous les membres réalisent leur plein potentiel, tandis que les pertes de processus (c’est-à-dire les processus de groupe défectueux) représentent les pannes et les situations problématiques qui se produisent au sein d’une équipe (Kent, 2006). En fait, il s’agit d’un modèle illustrant comment la performance d’une équipe peut être entravée parce qu’elle n’est pas en mesure de contrôler ses défauts en tant que groupe. Les sports d’équipe, tels que le basketball, exigent des niveaux élevés de coopération et de coordination et sont davantage affectés par des processus de groupe défectueux (Kent, 2006).
Pourquoi est-ce important ?
Dans le cas de l’équipe américaine de basketball, bien qu’elle ait le potentiel de productivité le plus élevé parmi toutes les équipes, elle n’a pas réussi à s’imposer en raison de son incapacité à contrôler ou à gérer ses défauts en tant que groupe. Un de ces défauts était la présence de nombreux joueurs de la NBA habitués à être les grandes vedettes de leurs équipes respectives. Dans ce tournoi, ils ont dû remplir d’autres rôles et accomplir d’autres tâches, ce à quoi certains se sont mieux adaptés que d’autres (Quinn, 2023). On pourrait dire qu’une compréhension plus approfondie du modèle de Steiner aurait pu les aider à remédier à ce défaut et à exceller comme la plupart d’entre eux l’auraient espéré.
En revanche, l’équipe nationale canadienne, moins réputée pour ses talents individuels et dont la productivité potentielle était moins élevée, a réussi à surpasser les États-Unis en minimisant ses pertes de processus. Leur remarquable gestion de cette partie de l’équation leur a permis d’atteindre une meilleure productivité réelle et de remporter la première médaille de la Coupe du monde pour le pays.
Ce qui rend ce modèle si polyvalent et performant, c’est le fait que les entraîneurs peuvent l’utiliser comme guide pour leurs équipes, comme l’a fait l’équipe canadienne, et réaliser de grandes choses en tant que groupe.
Guide de l’accompagnateur pour la gestion des pertes de processus
En comprenant les prémisses du modèle, il est possible de le mettre en pratique. Voici quelques moyens d’améliorer les processus de groupe défectueux afin d’accroître la productivité réelle :
- La communication : Elle joue un rôle crucial dans la dynamique d’une équipe, et elle peut être divisée en deux aspects principaux : le partage de l’information et la création d’une compréhension commune au sein de l’équipe. Pour promouvoir une communication efficace, il est important de se concentrer sur la mémoire transactive et les modèles mentaux partagés, ce qui implique que chaque membre de l’équipe a des connaissances spécifiques et que tous partagent des convictions et des objectifs communs (Yan et coll., 2020). Cela peut être facilité par des séances d’évaluation d’équipe, lors desquelles les objectifs et les attentes sont clairement définis, des retours sont donnés sur les performances, et les membres apprennent à se connaître et à découvrir quel style de communication est le plus efficace. De plus, il est essentiel d’établir une ligne de communication ouverte et sécurisée pour faciliter les échanges entre les membres de l’équipe.
- Clarification des rôles : Si l’on prend l’exemple de l’équipe des États-Unis, il y avait un problème évident en ce qui concerne la clarté des rôles, ce qui a provoqué une certaine ambiguïté au sein de l’équipe. Pour éviter cela, quatre éléments doivent être communiqués à chaque membre de l’équipe : (1) l’étendue de leurs responsabilités, (2) les comportements nécessaires, (3) la manière dont les performances seront évaluées et (4) les conséquences en cas de non-respect des attentes (Beauchamp et coll., 2002).
- Conflits : Il est crucial de reconnaître que tous les conflits ne sont pas nuisibles. Il est important de favoriser un environnement où les coéquipiers peuvent s’entendre tout en abordant les problèmes qui affectent la dynamique de l’équipe. Pour ce faire, il est bénéfique d’encourager les conflits positifs, qui permettent des échanges constructifs lors de la résolution des problèmes au sein du groupe, tout en évitant les conflits négatifs, qui peuvent aggraver les tensions et les frictions (Sullivan et Feltz, 2003). Une résolution efficace des conflits nécessite une écoute active entre les membres de l’équipe, les encourageant ainsi à collaborer pour trouver des solutions tout en maintenant un climat neutre et apaisant.
Qu’est-ce que tout cela signifie?
Si l’équipe des États-Unis et ses entraîneurs avaient mis l’accent sur la gestion des processus selon ce modèle, leur productivité réelle aurait été accrue, ce qui aurait rendu plus difficile pour les autres équipes de rivaliser avec une équipe composée de grandes vedettes. De plus, en abordant les problèmes de communication, de clarification des rôles et de résolution des conflits, l’équipe américaine aurait eu de meilleures chances de remporter le titre mondial.
Cette équation démontre que les équipes qui disposent de moins de compétences et de ressources ne doivent pas être automatiquement sous-estimées. Elles peuvent vaincre des équipes plus talentueuses en contrôlant leurs propres faiblesses. En tant qu’entraîneur, comprendre et appliquer cette équation peut donner à votre équipe un avantage significatif vers le succès.