Ce projet visait à comprendre le développement de la gestion de l’environnement par le biais des jeux dans les sociétés autochtones. Le Pacifique Sud présente de nombreuses similitudes avec le Canada en termes de relations entre autochtones et colons, d’histoire coloniale, de résurgence des efforts de réconciliation et d’action climatique. Les jeux traditionnels autochtones, pratiqués dans la nature, avec des outils naturels et liés spirituellement à la nature, permettent de comprendre comment les jeunes apprennent à connaître leur environnement naturel par le jeu. Cette étude a des implications pratiques pour les groupes de loisirs de plein air qui peuvent s’inspirer des jeux autochtones canadiens pour développer la gestion de l’environnement et la santé environnementale. Qu’il s’agisse des décideurs politiques qui élaborent des politiques vertes et actives, du personnel de gestion des loisirs qui établit des liens avec les communautés autochtones ou des parents qui recherchent des activités plus respectueuses de la nature ou orientées vers la nature, cette étude montre comment les jeux traditionnels peuvent faciliter la réconciliation avec les peuples autochtones, nos environnements et nos profils d’activité physique.
Méthodes
J’ai mené des entretiens avec des experts en jeux autochtones (notamment Harko Brown de la Nouvelle-Zélande), j’ai visité régulièrement (à six reprises) des archives complètes sur les jeux traditionnels à Brisbane, en Australie (les archives personnelles de Ken Edwards), et j’ai observé des jeux autochtones dans le Queensland, en Nouvelle-Zélande et aux Fidji. J’ai également procédé à un examen approfondi de la littérature secondaire sur l’environnementalisme par le biais de la participation à des activités physiques. L’analyse des données m’a permis de dégager des thèmes et de situer les jeux traditionnels autochtones dans le domaine en plein essor de l’écologie du sport.
Principales conclusions
- Les jeux traditionnels sont des jeux de nature. L’un des objectifs de l’étude était d’offrir une nouvelle perspective sur les jeux, c’est-à-dire de repenser ce qu’ils sont. Dans la veine des jeux de nature, nous proposons une définition de l’idée de jeux (par opposition aux sports), en situant les jeux comme des jeux de nature spécifiquement (joués dans, avec et par la nature), et nous appliquons cette logique aux jeux traditionnels du monde entier. Au cours de ce processus, il est rapidement devenu évident que jouer dans la nature était lié à l’apprentissage de la nature. En soi, ce n’est pas nouveau, mais il n’est pas courant de considérer les jeux traditionnels, autochtones ou de plein air comme le moyen de développer une relation intime avec la nature. Cette idée a des ramifications particulières pour les utilisateurs de loisirs de plein air qui se disputent une place dans l’espace de loisirs avec les organisations sportives très répandues au Canada. L’utilisation d’une logique de jeu dans la communication des avantages des loisirs de plein air pour la santé, la réconciliation et l’impact sur l’environnement pourrait être un atout précieux dans l’élaboration des politiques, des programmes et des pratiques.
- L’intendance nécessite un troisième élément : la culture. Le jeu et la nature sont tous deux des éléments clés du développement de la gestion de l’environnement, mais sans un élément de culture locale, il n’y a pas grand-chose qui puisse relier l’éducation environnementale des jeunes. Par exemple, les terrains de jeux Māori (mara hupara) sont des terrains de jeux constitués de matériaux naturels (rondins, lianes, troncs d’arbres, grosses pierres, etc.), mais ce sont aussi des espaces culturels où les jeunes Māori apprennent à se déplacer dans la nature, à respecter la nature et à comprendre le lien spirituel qui unit les Māori à la nature. L’implication espérée de cette découverte est qu’il ne suffit pas de concevoir des jeux de plein air dans l’éducation environnementale des jeunes Canadiennes et Canadiens. La clé d’une gestion durable est le lien avec la culture locale, qu’il s’agisse de la vision de la nature des autochtones, des colons ou des immigrants. Cette étude offre un certain nombre de possibilités à ceux qui cherchent à mettre en place des programmes récréatifs sensibles à la culture.
- Les jeux traditionnels sont essentiels dans le domaine de l’écologie du sport. La recherche de la durabilité (environnementale) dans le sport a été adoptée par les parties prenantes de la gestion du sport dans l’intention de bénéficier à l’établissement sportif. Bien qu’il existe des stratégies visant à réduire les émissions de carbone, le plus grand facteur d’accélération du changement climatique dans le secteur du sport, la grande majorité des initiatives de « durabilité » sont superficielles (par exemple, pas de papier), conformes aux protocoles standard de l’industrie (une certification LEED), ou un stratagème de marketing (pensez à l’écoblanchiment). Le domaine de l’écologie du sport, une sous-section des études sur la gestion du sport, a tendance à tourner autour de ces questions sans s’intéresser à la manière dont le secteur du sport peut amplifier l’activisme climatique. Notre argument est que le sport peut faire partie du problème, alors que les jeux de nature offrent non seulement un débouché récréatif plus « durable », mais aussi la possibilité d’inculquer une éthique environnementale cruciale chez les jeunes dès le départ.
Points forts et limites
Les points forts et les limites de ce projet sont liés à la perspective « extérieure » de l’étude. Elle est basée sur des recherches menées en Océanie, ce qui permet d’aborder différentes questions contextuelles liées à l’autochtonie, à l’environnementalisme et aux loisirs, mais une nouvelle perspective est parfois nécessaire pour faire face à des changements sociétaux de grande ampleur. Par conséquent, bien que le sujet de l’étude se concentre sur une partie éloignée du monde, il y a beaucoup à apprendre des problèmes et de la façon dont divers groupes les gèrent.
Conclusions et prochaines étapes
Dans ce contexte, l’intérêt des jeux traditionnels autochtones réside dans leur lien avec les environnements naturels. Comme l’affirme Douglas Booth, la pratique des sports et des jeux « dans la nature engendre des sensibilités relationnelles très réelles avec le monde matériel non humain » [traduction libre]. Le lien relationnel entre les jeux traditionnels autochtones, entendus au sens large, et les environnements naturels offre d’importantes possibilités inexploitées de développer la gestion de l’environnement à l’échelle mondiale. Il est important en raison de l’existence de ces jeux dans le monde entier, de l’intérêt croissant pour leur renaissance, leur préservation et leur diffusion, ainsi que de la reconnaissance et de l’honneur croissants des cultures autochtones.
Les prochaines étapes de ce projet consistent à appliquer la théorie à la pratique en élaborant un programme de loisirs de plein air qui intègre les principes du savoir culturel local (qu’il soit autochtone ou autre), de la gestion de l’environnement et de la logique des jeux. Il s’agit d’un projet international auquel participeront des acteurs du Canada, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Japon, de la Suède, de la Norvège, du Royaume-Uni et de l’Irlande. L’idéologie des jeux de la nature est un impératif mondial qui implique les acteurs des loisirs de plein air dans la poursuite de l’action climatique.
Remerciements pour le financement: Ce blogue s’appuie sur des recherches soutenues par le Conseil de recherches en sciences humaines et Sport Canada dans le cadre de l’Initiative de recherche sur la participation au sport.