La sécurité dans le sport pendant la COVID-19 – Considérations en matière de responsabilité pour les organisations sportives canadiennes

Le 11 mars 2020, l’Organisation mondiale de la santé a déclaré que le nouveau coronavirus (COVID-19) était une pandémie mondiale [i]. À la fin mars 2020, presque tous les événements sportifs et d’entraînement récréatif, amateur et professionnel ont été annulés dans le monde entier. Dans une mesure sans précédent, les Jeux olympiques ont été reportés à l’été 2021 et les ligues sportives professionnelles ont été suspendues indéfiniment [ii]. Plus de quatre mois plus tard, des efforts importants ont été d’être déployés et continuent de l’être pour faciliter le retour à un sport sécuritaire à tous les niveaux.

Au Canada, le Groupe de travail national sur le retour au sport de haut niveau en lien avec la COVID-19 (le « Groupe de travail »), dirigé par Anne Merklinger, PDG d’À nous le podium, a élaboré une série de ressources pour favoriser le retour au sport pour tous les sports amateurs, y compris les organisations récréatives et communautaires. Le Cadre pour le retour au sport de haut niveau en lien avec la COVID-19 (le « Cadre »), qui comprend une évaluation des risques liés au sport et un outil d’évaluation et d’atténuation des risques pour les clubs, est le modèle à suivre pour aider les Canadiens et les Canadiennes à reprendre le sport. Le Cadre est destiné à servir de norme minimale et doit être appliqué en tenant compte de la nature spécifique du sport et des participants.

Alors que le Canada a progressivement autorisé le retour au sport, le retour à la compétition progresse également. Certaines organisations sportives internationales ont déjà commencé à reprendre leurs activités (par exemple la NASCAR [iii], la UFC [iv] et la English Premier League [v]) et de nombreuses autres ligues sportives professionnelles sont sur le point de s’engager momentanément :

La Ligue majeure de baseball (MLB) devrait reprendre le jeu les 23 et 24 juillet 2020. Cependant, en raison des inquiétudes concernant les risques liés au calendrier des déplacements des équipes, le gouvernement fédéral canadien a refusé d’autoriser les Blue Jays de Toronto à jouer au Canada lorsque la saison reprendra.

L’Association nationale de basketball (NBA) devrait reprendre le 30 juillet 2020, et tous les matchs se joueront sans spectateurs à Walt Disney World, en Floride.

La Ligue nationale de hockey (LNH) devrait recommencer ses activités le 1er août 2020, avec des équipes en quarantaine à Toronto et à Edmonton et en jouant un format unique de séries éliminatoires sans spectateurs. [vi]

Entre-temps, le Groupe de travail s’emploie également à préparer un cadre pour le retour à la compétition. Ce cadre abordera les questions applicables aux niveaux national et international, en reconnaissant que chacun présentera des risques et des considérations différents.

La responsabilité juridique dans le contexte du retour au sport

En développant les cadres de retour au sport et de retour à la compétition, le Groupe de travail s’est non seulement concentré sur la protection de la santé et de la sécurité des athlètes, mais aussi des entraîneurs, du personnel et des communautés dans lesquelles ils vivent et s’entraînent. Le Groupe de travail a fondé ses travaux sur les valeurs et les principes énoncés dans la Politique canadienne du sport, qui est en vigueur au Canada de 2012 à 2022.

Il est important de souligner que le retour au sport en toute sécurité implique l’évaluation des expositions ou des risques potentiels des participants, du lieu de l’événement sportif et des stratégies d’atténuation qui peuvent être mises en œuvre pour réduire les risques. La clé de la réduction de la responsabilité légale est ensuite de mettre en œuvre les politiques, procédures et directives appropriées pour réduire le risque de transmission de maladies.

Bien que les tribunaux canadiens n’aient pas encore traité de plaintes contre des organisations sportives pour des blessures subies suite à la transmission de maladies, il existe une jurisprudence qui suggère des motifs potentiels pour une telle action. En règle générale, l’exploitant d’un événement ou d’une installation sportive a le devoir de faire preuve d’une prudence raisonnable lorsqu’il organise et supervise des activités afin de prévenir les blessures aux participants. Bien que le droit canadien reconnaisse largement que les participants aux activités sportives acceptent les risques ordinaires et nécessaires qui sont accessoires au sport, [vii] les participants peuvent néanmoins intenter une action civile contre les exploitants lorsqu’ils ont agi avec négligence dans l’administration des événements ou des activités sportives.

En conséquence, pour minimiser les blessures ou les préjudices potentiels aux participants dans le contexte sportif, les tribunaux canadiens ont déjà reconnu que les responsabilités d’un exploitant sportif peuvent impliquer les éléments suivants (qui ont une importance particulière dans le contexte de la transmission de la maladie COVID-19 et des considérations de contrôle de l’infection) :

  1. Prévenir les foules;
  2. Assurer une supervision et un contrôle efficaces;
  3. Donner les instructions et les avertissements nécessaires;
  4. Choisir et installer le matériel approprié et adéquat;
  5. Prendre des précautions raisonnables pour veiller à ce que les conditions d’une activité ne soient pas indûment dangereuses [viii].

Il existe également un risque potentiel pour les organisations sportives en vertu des lois sur la responsabilité des occupants. Par exemple, en Ontario, la Loi sur la responsabilité des occupants exige qu’un occupant prenne raisonnablement soin de la sécurité des personnes qui entrent dans ses locaux – une responsabilité qui s’applique aux risques causés à la fois par l’état des locaux et par les activités qui s’y déroulent [ix]. Une installation peut avoir plusieurs occupants, de sorte qu’il est possible que le propriétaire, le locataire et l’entrepreneur puissent chacun être tenus pour responsables de l’incapacité à assurer la sécurité des personnes. Ainsi, le fait de ne pas prendre des précautions de sécurité raisonnables pour réduire la propagation de la transmission de la COVID-19 peut donc exposer les organisations sportives à la responsabilité d’un large éventail de personnes qui peuvent pénétrer dans les locaux, y compris les joueurs, les spectateurs, les entraîneurs, le personnel et les bénévoles [x].

Atténuer et minimiser les risques juridiques associés à la COVID-19

Dans une certaine mesure, la loi canadienne elle-même offre une certaine protection aux organisations sportives canadiennes lorsqu’elles lancent des plans de retour au jeu. Comme indiqué précédemment, le droit de la négligence au Canada reconnaît déjà que les participants à des activités sportives adoptent volontairement un certain degré de risque inhérent, ce qui peut servir de défense complète aux allégations de négligence dans le contexte de la COVID-19. Le droit de la négligence considère également si les propres actions d’un participant ont contribué à ses propres blessures (c’est-à-dire le concept de négligence contributive). Toutefois, les tribunaux n’ont pas encore pris position sur ces questions dans le contexte de la COVID-19 et leur applicabilité est donc largement spéculative.

En outre, dans certains cas, les provinces et territoires peuvent chercher à clarifier l’étendue de la protection juridique qui devrait être accordée aux organisations sportives à la lumière des défis uniques présentés par la pandémie de la COVID-19. Par exemple, dans le but de promouvoir la réouverture des activités sportives en Colombie-Britannique, le 10 juin 2020, la province a adopté un décret ministériel visant à protéger et absoudre certaines organisations sportives sans but lucratif des dommages découlant directement ou indirectement de la COVID-19. Ces organisations seront protégées tant qu’elles respecteront les ordonnances de santé publique et les lignes directrices provinciales en matière de sport[xi]. Il reste toutefois à voir si d’autres provinces et territoires canadiens adopteront des stratégies similaires pour limiter l’exposition à la responsabilité légale d’autres organisations sportives.

Ainsi, afin d’atténuer et de minimiser les risques juridiques associés à la COVID-19 ci-dessus, il est recommandé que les organisations sportives adoptent une stratégie à plusieurs volets, en examinant si certains (sinon tous) des éléments suivants seront bénéfiques pour leurs objectifs :

  • Mécanismes et précautions de contrôle des infections – Un élément clé pour minimiser la responsabilité légale d’une organisation sportive en matière de délit et en vertu de la législation sur la responsabilité des occupants est la preuve que l’organisation a adhéré aux meilleures pratiques et directives disponibles et a fait des efforts pour assurer la sécurité raisonnable des participants. Lorsqu’elles cherchent à reprendre le jeu, les organisations sportives canadiennes (du niveau récréatif au niveau professionnel) doivent tenir compte du cadre préparé par le groupe de travail et préparer leurs propres politiques, procédures et lignes directrices qui tiennent compte de toutes les directives gouvernementales disponibles. Ces politiques, procédures et lignes directrices tiennent compte des nuances précises de l’organisation et du contexte sportif unique, et abordent les questions applicables aux entraîneurs/formateurs, aux joueurs, aux parents, aux spectateurs et aux bénévoles.

À cette fin, certaines provinces ont déjà publié des orientations générales à l’intention des organisations sportives pour les aider à élaborer leurs politiques et protocoles de retour au jeu :

  • Province de la Colombie-Britannique
    • Province de l’Ontario
    • Province de l’Alberta
  • Assurance – Bien que les polices d’assurance commerciale et les assurances traditionnelles contre les pertes d’exploitation n’offrent généralement pas de couverture pour les pertes d’exploitation causées par une pandémie (comme la COVID-19), les organisations sportives devraient néanmoins envisager d’élargir leurs options de couverture d’assurance auprès de leurs fournisseurs. Il est important que ces décisions soient prises en fonction du niveau de risque que leurs activités sportives présentent pour la transmission de la maladie; des risques particulièrement élevés peuvent obliger certaines organisations à cesser rapidement leurs activités après avoir tenté de reprendre le jeu, ou peuvent même exiger que les organisations s’abstiennent complètement de reprendre le jeu. Lors de l’examen des compléments et options de couverture d’assurance disponibles, les organisations doivent s’assurer que toute couverture qu’elles obtiennent est suffisamment large pour couvrir les éventuels frais de litige civil liés à des allégations de négligence ou de responsabilité de l’occupant.
  • Exclusion expresse de responsabilité – Les organisations sportives peuvent également chercher à limiter ou à exclure expressément leur responsabilité en utilisant divers outils et documents. Parmi les outils les plus courants pour ce faire figurent l’utilisation de dérogations, la signalisation affichée et les avertissements sur les billets. Bien que la plupart des organisations sportives utilisent déjà un grand nombre de ces outils, elles devraient prendre le temps d’examiner et de réviser le libellé de ces documents afin de s’assurer qu’ils font spécifiquement référence aux risques de transmission de maladies et d’exposition à la COVID-19. Il est important de rappeler, cependant, que les documents d’exclusion de responsabilité ne sont pas à l’abri d’une contestation et peuvent être interprétés strictement par les tribunaux canadiens. Notamment, la question de l’applicabilité des exonérations pour les mineurs reste largement non résolue dans le droit canadien.
  • Clauses de force majeure – Lorsque les organisations sportives sont tenues de conclure des contrats nouveaux ou révisés pour faciliter le retour au jeu, ces organisations devraient chercher à incorporer des clauses de force majeure rédigées en termes généraux en leur faveur. Ce faisant, ces organisations auront la possibilité d’annuler ou de reporter des événements sportifs lorsque les risques de transmission de la maladie deviennent soudainement plus élevés (par exemple dans le cas de vagues supplémentaires de la maladie parmi les populations canadiennes), ce qui compromet la capacité de l’organisation à atténuer les risques pour la santé et les responsabilités juridiques connexes sans encourir de responsabilité supplémentaire pour rupture de contrat.

Conclusion

Les organisations sportives peuvent réduire leur risque de responsabilité en documentant correctement les mesures clés suivantes qu’elles ont prises pour assurer un retour au sport en toute sécurité pour leurs participants (c’est-à-dire les athlètes, les entraîneurs, le personnel, les bénévoles, les spectateurs) :

  • Preuve de l’application des lignes directrices et directives gouvernementales en vigueur;
  • Évaluation approfondie de leurs activités sportives, des participants, du lieu, de l’équipement, des installations et de l’identification des risques associés;
  • Politiques, procédures, plans et autres mesures d’atténuation documentés tels que les assurances, les contrats, les dérogations et les consentements;
  • Examens et évaluations permanents de leurs risques et des mesures d’atténuation pour s’assurer que tous restent à jour et efficaces.

En fin de compte, lorsqu’il s’agit de responsabilité légale, le test n’est pas de savoir si votre organisation a réussi à empêcher la propagation de la COVID-19, mais plutôt si elle a un système raisonnable en place et si elle a respecté la norme de diligence due à ceux et celles que l’organisation avait l’obligation de protéger.


Auteurs

Jahmiah Ferdinand-Hodkin

Partenaire – Ottawa

Wudassie Tamrat

Associé – Ottawa

Lien vers l’article original : https://gowlingwlg.com/en/insights-resources/articles/2020/safe-sport-covid-19-liability-considerations/


Références

[ii] Stephen Wade, “Tokyo Olympics rescheduled for July 23-Aug.8, 2021” CBC Sports (30 March 2020), online here.
[iv] Kevin Clark, “UFC Fights Are Back, but Sports Are Far From Returning to Normal” The Ringer (8 May 2020), online.
[vi] See Joshua Clipperton, “NHL officially back as league, players ratify deal to return in Edmonton, Toronto” CBC News (10 July 2020), online; R.J. Anderson, “MLB announces 60-game season for 2020; Opening Day will be July 23 or 24” MLB News (24 June 2020), online; NBA.com Staff, “Everything you need to know about the 2019-20 NBA season restart” NBA.com (10 July 2020), online.
[vii] This legal concept is generally referred to as volenti non fit injuria, or “voluntary assumption of risk” and serves as a defence to tort claims. Voluntary assumptions of risk can be implied or express (e.g. through the execution of a waiver), although the test for raising and recognizing this defence differs across Canadian jurisdictions. For example, in Ontario, in order to determine whether a plaintiff has impliedly consented to the risk in question, courts have historically focused on asking whether the defendant had a “deliberate intention to cause injury or a reckless disregard for the consequences of [its] actions in an uncontrolled and undisciplined manner.” In recent years, however, Ontario courts have seen a shift towards adopting the test applied in British Columbia, where courts have traditionally focused on broadly asking what a “reasonable competitor” would have done or expected in similar circumstances. Of particular importance however, is the overall understanding that, while a player may implicitly or expressly consent to a certain degree of risk when participating in sporting activities, this consent is not unlimited and a “player does not accept the risk of injury from conduct that is malicious, out of the ordinary, or beyond the bounds of fair play.” See Dunn v. University of Ottawa (1995), 1995 CarswellOnt 3170 (Ont. Ct. J. (Gen. Div.)) at para. 36; Zapf v. Muckalt (1996), 1996 CarswellBC 2596 (B.C.C.A.) at para. 16; Casterton v. MacIsaac, 2020 ONSC 190 at paras. 10-14.
[viii] See e.g. Aldridge v. Van Patter (1952), 1952 CarswellOnt 299 (WL)(Ont. H. Ct. J.); Rudd v. Hamiota Feedlot Ltd., 2006 MBQB 22; McAllister (Litigation Guardian of) v. Wal-Mart Canada Inc. (1999), 1999 CarswellNB 89 (N.B. Q.B.); reversed in part on other grounds (2000), 2000 CarswellNB 302 (N.B. C.A.); Forestieri v. Hernandez 2015 BCSC 249; Enslev v. Challenges Unlimited Inc. (2007), 2007 CarswellOnt 6938 (Ont. S.C.J.); affirmed (2009), 2009 CarswellOnt 207 (Ont. C.A.); Wawanesa Mutual Insurance Co. v. Thiessen, 2009 SKQB 244.
[ix] Occupiers’ Liability Act, R.S.O. 1990, c. O.2, ss. 3(1)-(2).
[x] Hutchinson v. Stratford-Perth Family YMCA (2004), 2004 CarswellOnt 6189 (Ont. Sup. Ct. J).
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