En octobre dernier, à la Coupe du monde à Toronto, la double championne du monde s’est retrouvée entourée de jeunes nageurs, qui tentaient tous de se frayer un chemin afin d’obtenir un autographe, une photo ou quelques instants en compagnie de leur héroïne.
Comme une véritable professionnelle, Summer McIntosh signe chandails et casquettes et partage même quelques mots empreints de sagesse avec ses admirateurs comme une vétérane qui trône depuis des années au sommet de son sport.
Mais il y a un petit hic.
« À 16 ans, je ne sais pas si je suis très sage », dit-elle en riant lorsqu’on lui demande de revenir sur ce moment.
À bien des égards, McIntosh ressemble à une adolescente « normale » au premier regard. Cependant, lorsqu’on lui parle de ses réalisations exceptionnelles, elle ne répond pas comme une jeune de 16 ans typique.
McIntosh est une athlète qui fait preuve d’une concentration et d’une détermination extraordinaires, et qui s’est particulièrement démarquée sur la scène mondiale l’année dernière. Elle a remporté deux médailles d’or aux Championnats mondiaux aquatiques à Budapest, ainsi que l’argent et le bronze aux épreuves en relais. Aux Jeux du Commonwealth à Birmingham, elle a ajouté deux médailles d’or et une médaille d’argent individuelles ainsi que deux médailles d’argent et une de bronze en relais à son palmarès.
Pour ses accomplissements, elle est nommée nageuse de l’année 2022 de Natation Canada (programme olympique). Elle est également la nageuse junior de l’année pour la deuxième fois de suite.
« L’année dernière, la saison a été plutôt longue. J’ai fait tellement de choses au cours de ces quelques mois, et d’après moi je me suis améliorée de bien des façons. J’ai beaucoup appris des autres et de mes entraîneurs », explique McIntosh.
McIntosh a sauté le programme de l’équipe nationale de développement et a fait ses débuts dans l’équipe nationale directement aux Jeux olympiques de Tokyo 2020 en 2021, où elle a terminé quatrième au 400 m libre et aidé le Canada à se classer quatrième au relais 4×200 m libre, tout en inscrivant un record canadien dans les deux épreuves.
Si elle s’est fait connaître à Tokyo, en 2022, sa réputation n’était déjà plus à faire. Avec sa victoire au 200 m papillon à Budapest, elle est la plus jeune Canadienne à avoir remporté l’or à une compétition en grand bassin avec les meilleurs au monde (Championnats du monde ou Jeux olympiques). Elle est devenue une des athlètes les plus accomplis du Canada en natation, enchaînant les performances impressionnantes.
Avant de prendre part au 200 m papillon, McIntosh avait déjà à son actif une médaille d’argent remportée au 400 m, où elle n’a été devancée que par la légende américaine Katie Ledecky.
Il s’agissait de ses premiers championnats du monde en grand bassin et de son premier événement d’envergure devant un public nombreux. Elle se rappelle avoir dû gérer ses nerfs et son énergie pendant les trois rondes préliminaires et la demi-finale du jour 4 jusqu’à la finale, le soir suivant. Et pour ce qui est de cette historique course du 200 m papillon, elle ne se rappelle pas grand-chose.
Elle était la dernière à marcher au bord de la piscine avant de prendre sa place au couloir numéro 4, ayant été la plus rapide en demi-finale. Deux minutes et 5,20 secondes plus tard, elle était la première à toucher le mur.
Nageant entre les Américaines décorées Regan Smith et Hali Flickinger, McIntosh était troisième au premier virage derrière Smith et la meneuse Zhang Yufei, la championne olympique chinoise. À mi-parcours, elle n’était devancée que par Smith, et de seulement 0,01 seconde. Avant de toucher le mur, elle menait le peloton par un peu plus d’un quart de seconde.
« Je ne me souviens pas du tout des 150 premiers mètres, mais cette course m’a probablement procuré la plus forte dose d’adrénaline de ma vie », se remémore-t-elle.
« Elle file à toute allure! » s’exclame Mike McCann, une voix de longue date de la natation, alors que McIntosh tenait tête à Zhang, Smith et Flickinger. « C’est une nageuse de 15 ans! Une enfant! C’est la championne du Canada! »
« Sur les 50 derniers mètres, je me souviens très bien avoir vu Regan et Hali de chaque côté de moi, qui essayaient de se rendre jusqu’au mur. Les 50 derniers mètres ont été particulièrement longs, mais l’adrénaline et les applaudissements de la foule m’ont transportée jusqu’à la fin », raconte McIntosh.
Lorsqu’elle se retourne pour regarder les résultats au tableau d’affichage, elle se permet un léger sourire et échange des poignées de main avec ses concurrentes de chaque côté d’elle. Elle a inscrit un record du monde et un record canadien (qu’elle a déjà éclipsés) dans cette épreuve.
« C’était ma première médaille d’or au niveau international. Jamais je n’aurais pensé que j’étais capable de réaliser un tel exploit, et le faire sans m’être beaucoup entraînée en papillon est encore plus spécial », déclare McIntosh.
Alors comment a-t-elle pu gérer ses nerfs et cette dose supplémentaire d’adrénaline — sans mentionner les nombreux regards — suscités par sa première finale à ses premiers mondiaux?
« Je dirais tout simplement en sachant, quelques jours à l’avance, ce que je veux faire dans une course et comment je veux nager. Cependant, je n’y pense plus une heure avant la course. De plus, je planifie soigneusement mon horaire pour les journées de compétition. Je sais exactement ce que je veux faire. J’essaie de garder le niveau de stress au plus bas et de rester calme. Je prends de grandes respirations dans la salle de préparation, je fais quelques mouvements de bras. J’essaie de ne pas prendre les choses trop au sérieux. Il faut que ça demeure amusant, léger. »
Et ce n’était pas fini pour elle. McIntosh s’est immédiatement focalisée sur le 400 m quatre nages individuel qui devait se dérouler le dernier jour de ces championnats de huit jours.
« C’est sûr que je voulais apprécier ce moment et en profiter, mais il me restait des épreuves à disputer. Je voulais contrôler mon enthousiasme », raconte-t-elle. « Je devais me tenir prête, être au sommet de ma forme. C’est quelque chose que je continue d’apprendre à faire. C’est l’une des choses les plus difficiles à faire, trouver l’équilibre entre l’instant présent et l’anticipation, tout en sachant qu’on n’a pas fini de concourir. »
Encore une fois, elle fait preuve d’une sagesse exceptionnelle pour son âge. Même si sa détermination est incontestable, elle attribue à ses coéquipiers de l’équipe canadienne le mérite d’avoir donné le ton en ce qui concerne le professionnalisme qui prévaut au sein de l’équipe nationale.
« J’ai encore beaucoup à apprendre, notamment en ce qui concerne ma récupération », explique McIntosh. « Il est très important de trouver ce qui fonctionne pour soi. Je m’inspire un peu de tout le monde, car je vois comment chaque personne fait ce qui marche pour elle, mais en fait, nous fonctionnons de façon très similaire. Nous avons tous la même attitude, c’est-à-dire que nous sommes très enthousiastes, mais que nous gardons la tête froide pour ne pas laisser cet enthousiasme nous aveugler avant une course. De plus, il faut avoir du plaisir et avoir confiance en son entraînement pour exécuter correctement son plan de course. C’est ce que j’ai appris auprès des membres d’Équipe Canada. »
Avec deux compétitions majeures au programme de l’été en raison des reports dus à la COVID, McIntosh s’est rendue aux Jeux du Commonwealth en vue de relever différents défis. Elle était la grande favorite pour l’or au 200 m papillon contre un peloton réduit à Birmingham, mais elle a choisi de se reposer ce jour-là afin de concentrer toute son énergie sur le difficile duel qui l’attendait au 400 m libre contre l’Australienne Ariarne Titmus.
McIntosh a terminé à la deuxième place après un effort considérable contre la championne olympique, qui avait fait l’impasse sur les mondiaux en vue de se concentrer sur les Jeux. Ensuite, elle a sauté dans le bassin de plongeon pour un échauffement rapide avant de rejoindre Kylie Masse, Sophie Angus et Maggie Mac Neil pour le relais quatre nages en tant que dernière relayeuse. Elle était la sprinteuse du Canada. À ce moment, tout le monde se demandait « Mais qu’est-ce qu’elle ne peut pas faire? ». Et grâce à elle, le Canada a mis la main sur une autre médaille d’argent.
« Je me suis échauffée dans le bassin de plongeon, je nageais sur le dos et j’ai vu des centaines de personnes dans les estrades », se souvient-elle. « Je ne disposais que de 10 minutes, et je devais me rendre dans la salle de préparation et nager la dernière portion d’un relais auquel je n’avais encore jamais participé. C’était ma dernière course de la saison et j’ai eu tellement de plaisir à la disputer. »
La plus grande différence entre 2021 et 2022 pour McIntosh a été sa préparation. En 2021, avec ses entraîneurs, elle a pris la décision stratégique de se concentrer sur les courses de fond en nage libre, car c’était ce qui lui donnerait la meilleure chance d’intégrer l’équipe olympique. Ayant atteint cet objectif, elle a voulu se concentrer sur ses épreuves de prédilection, à savoir la nage papillon et le quatre nages individuel.
« Le plus difficile sur le plan mental a été de réapprendre à nager le QNI et le 200 m papillon parce que l’année précédente, j’avais mis l’accent sur les épreuves de distance en nage libre. C’était le plus difficile, mais aussi le plus amusant, et c’est ce qui m’a aidée à rester motivée et à me pousser », raconte-t-elle.
L’entraîneur-chef du Centre de haute performance – Ontario, Ryan Mallette, a relevé le défi avec elle.
« Summer est tellement professionnelle et déterminée. Elle sait exactement ce qu’elle veut et fait tout ce qu’elle peut pour y arriver », indique Mallette. « Je suis heureux d’avoir joué un rôle dans ce processus, et l’année dernière, c’était merveilleux de la voir surpasser sa performance aux Jeux olympiques. Elle a en elle la capacité de faire partie des meilleures au monde dans différentes épreuves et catégories, et c’est tout simplement incroyable. Et j’ai eu beaucoup de plaisir à essayer de comprendre comment l’aider à réaliser toutes ces choses. »
Le monde est impatient de voir Titmus, Ledecky et McIntosh se mesurer les unes aux autres. Titmus est la seule personne à avoir battu Ledecky au 400 m libre en grand bassin, un exploit réalisé par McIntosh dans la piscine de 25 m à cette Coupe du monde où les jeunes nageurs se pressaient en vue d’obtenir son autographe (et bénéficier de sa sagesse).
« C’était super de nager à une compétition de niveau mondial à l’endroit où je m’entraîne tous les jours (au Centre des sports panaméricains de Toronto) », indique McIntosh. « Ayant vu les Canadiens, les partisans et les jeunes enfants demander des photos, j’ai ressenti leur soutien dans chaque course. Il n’y a pas si longtemps que j’étais moi-même cette enfant qui regardait les compétitions dans les estrades. »
« J’espère être une source d’inspiration pour eux et les encourager », poursuit-elle. « L’avenir de la natation canadienne paraît radieux. »
À sa nouvelle base d’entraînement, elle travaille tous les jours à l’amélioration de petites choses, sous la direction de Brent Arckey avec les Sarasota Sharks, en Floride. Lors d’un entraînement récent, il s’agissait d’un ajustement à son mouvement de bras.
« Je me concentrais sur mon bras droit en nage libre. Beaucoup de gens ne le réalisent pas, mais ce sont de petites choses, des détails, qui font une grande différence à long terme », dit-elle. « Je fais en sorte d’avancer tous les jours, à petits pas. Si on n’arrive pas à faire de petits pas, on ne peut pas en faire des grands. Il est plus facile pour moi de me concentrer sur les petits pas. »
McIntosh reconnaît qu’elle ne sera jamais parfaite, mais ça ne l’empêchera pas de travailler en vue d’atteindre sa version de la perfection.
« Je suis une personne compétitive, alors je recherche la perfection. Même si je n’arriverai jamais à l’atteindre, je veux m’en rapprocher », dit-elle. « Pour moi, la perfection consiste à améliorer chaque jour de petites choses qui finiront par m’aider à accomplir tout ce dont je suis capable. Bien sûr, je ne sais pas encore ce que c’est. »
McIntosh a établi des records canadiens et mondiaux juniors durant les trois journées de compétition de la Série Pro Swim qui s’est récemment tenue à Fort Lauderdale, en Floride. Le prochain événement au calendrier de McIntosh sera les Essais canadiens de natation Bell 2023 qui auront lieu au Centre des sports panaméricains de Toronto, du 28 mars au 2 avril, où elle mettra tout en œuvre en vue d’affermir sa place dans l’équipe nationale pour les Championnats mondiaux aquatiques, prévus pour cet été, au Japon.
« Je suis déterminée à donner le meilleur de moi-même. Je ne sais pas ce que c’est, mais j’aime tellement mon sport. Ma passion et mon amour pour ce sport sont immenses, et c’est pourquoi je suis prête à faire tout ce qui est nécessaire pour devenir la meilleure possible, accomplir tout ce que je peux et laisser un héritage dans mon sport préféré. »