Résumé du projet
Il y a beaucoup de remises en cause et d’incohérences lorsqu’il s’agit de savoir où et comment les athlètes transgenres peuvent participer au sport en raison des politiques concurrentes, et souvent contradictoires, qui sont en vigueur au pays dans différentes disciplines sportives et à différents niveaux de compétition. Cette étude cherchait à faire entendre et à amplifier la voix des gens concernés par les politiques sur l’admissibilité des personnes transgenres dans le sport. Elle cherchait à offrir aux athlètes féminines de haut niveau et aux athlètes qui s’identifient comme des personnes transgenres la possibilité de parler ouvertement de l’inclusion des athlètes transgenres dans le sport, et de commenter, de critiquer ou d’appuyer les politiques actuelles sans crainte des répercussions. Des entrevues approfondies et semi-structurées ont été menées avec trois groupes de participants : 1) personnes transgenres qui se considèrent comme des athlètes; 2) personnes transgenres qui sont inactives ou qui pratiquent des activités physiques de façon récréative; et 3) athlètes cisgenres de haut niveau qui participent à des épreuves féminines. Les principaux thèmes qui se dégagent des entrevues sont les suivants : 1) le manque de connaissance des règlements régissant l’inclusion des athlètes transgenres dans le sport; 2) les incertitudes concernant les fondements scientifiques des règlements actuels et ce qui constitue un avantage concurrentiel dans le sport; 3) la reconnaissance que les exigences relatives à l’équité dans le sport diffèrent quand on passe des niveaux récréatif ou communautaire au sport de haut niveau; 4) la reconnaissance que les politiques culturelles, la peur d’être étiqueté de transphobe, et le danger de perdre des occasions empêchent les athlètes de critiquer le système sportif avant de prendre leur retraite; 5) la constatation que de nombreux espaces liés au sport au Canada ne sont pas sécuritaires pour les athlètes transgenres, particulièrement les vestiaires, les environnements qui ne sont pas familiers et les officiels de sport inconnus; 6) le consensus selon lequel les Canadiens ont besoin d’avoir plus d’information sur la transition; et 7) les athlètes transgenres ont souvent le fardeau d’expliquer aux officiels, aux administrateurs et aux compétiteurs pourquoi on devrait leur permettre de jouer parce que les questions touchant les personnes transgenres ne font pas partie de la formation des entraîneurs et des officiels.
Méthodes de recherche
Par une analyse des politiques internationales, nationales, provinciales/territoriales et régionales sur le sport trans, une analyse médiatique des réactions des athlètes aux politiques sur le sport trans ainsi que des entrevues approfondies et semi-structurées, cette étude cherchait à comprendre les obstacles à l’inclusion des personnes transgenres dans le sport au Canada. Avant le début du processus de recrutement, nous avons obtenu l’approbation du Comité d’éthique de la recherche de l’Université du Manitoba pour mener cette étude. Les restrictions au recrutement obligeaient les participants intéressés à répondre à une annonce faisant état d’une étude sur les politiques d’admissibilité des athlètes transgenres. Après cinq séries de recrutement ciblé s’étalant sur trois ans, les efforts de recrutement ont cessé. En tout, 26 participants ont pris part à des entrevues approfondies et semi-structurées, qui ont été enregistrées, transcrites et revues par les participants. Ceux-ci comprenaient 13 athlètes féminines cisgenres de haut niveau et 13 personnes trans (7 hommes trans et 6 femmes trans). Parmi les participants qui s’identifiaient comme des personnes trans, 6 avaient compétitionné au niveau provincial ou à un niveau supérieur (2 hommes trans et 4 femmes trans), 7 personnes avaient pratiqué des sports dans un contexte récréatif (5 hommes trans et 2 femmes trans). Les transcriptions des entrevues ont été codées; les thèmes et les résultats ont été identifiés par les chercheurs.
Résultat de la recherche
L’examen des politiques en vigueur à l’échelle internationale, nationale et régionale a confirmé les incohérences auxquelles les athlètes transgenres font face quand il s’agit de déterminer où et quand leur participation est acceptée sans qu’ils aient besoin d’apporter des changements additionnels à leur niveau hormonal ou à leurs documents d’identité. L’analyse des médias a confirmé que, malgré le nombre croissant d’athlètes d’élite transgenres connus qui s’affichent comme tels, les athlètes trans continuent d’être accusés de profiter d’avantages indus lorsqu’ils compétitionnent au niveau élite, ce qui peut être attribuable aux a priori concernant la normativité de genre, à la transphobie et au manque de compréhension du processus de transition. Sept grands thèmes se sont dégagés des réflexions, des analyses et des récits des participants. En bref, nous avons appris que peu de participants connaissaient les politiques en vigueur sur l’inclusion des athlètes trans à différents niveaux dans le sport. La plupart des participants ne connaissaient pas bien les répercussions de la suppression ou de la supplémentation de testostérone sur la performance athlétique et voulaient que des études plus rigoureuses soient réalisées pour comprendre les aspects scientifiques du processus de transition. L’équité est apparue comme une idée complexe, et les participants estimaient que différentes conditions s’appliquaient selon qu’il s’agissait de sport au niveau local ou de sport de haut niveau. De nombreuses athlètes féminines cisgenres de haut niveau ont indiqué qu’elles ne se sentaient pas à l’aise, ou qu’elles ne se seraient pas senties à l’aise avant de prendre leur retraite, de remettre en question publiquement les politiques sur l’inclusion des athlètes transgenres, ou de poser des questions à ce sujet, parce qu’elles auraient craint d’être perçues comme des personnes qui font fi des droits de la personne. Les athlètes féminines cisgenres encore actives ont dit qu’elles avaient peur de ne plus être sélectionnées pour faire partie des équipes nationales si elles remettaient en question l’autorité des administrateurs des sports, alors elles se concentraient uniquement sur leur propre entraînement et performance. Dans les entrevues, les participants lançaient souvent un appel en faveur d’une plus grande sensibilisation, faisant remarquer le manque de ressources éducatives à la disposition des athlètes, des entraîneurs et des officiels. Par conséquent, bon nombre d’athlètes transgenres et de participants à des sports de loisir ont fait remarquer qu’ils doivent encore tracer leur propre voie pour s’assurer de pouvoir participer en toute sécurité quand ils entrent dans un nouvel environnement sportif, qu’ils compétitionnent contre de nouveaux adversaires ou qu’ils interagissent avec des officiels qu’ils ne connaissent pas. Ces thèmes démontrent qu’il reste encore du travail à faire pour comprendre les répercussions du processus de transition sur la performance athlétique, pour offrir aux Canadiens transgenres des occasions de faire du sport en toute sécurité, et pour sensibiliser les entraîneurs, les athlètes et les administrateurs des sports aux obstacles auxquels les Canadiens transgenres se butent encore dans le domaine sportif. Ces résultats sont limités à cause du faible taux de participation, qui découle en partie de la difficulté à entrer en contact avec des participants potentiels en raison des contraintes éthiques imposées à la recherche et du manque de coopération de plusieurs fédérations nationales avec lesquelles nous avions communiqué pour leur demander de diffuser l’affiche de recrutement.
Incidence par rapport aux politiques et aux programmes
Cette étude est utile pour les organismes de sport du Canada à tous les niveaux, de Sport Canada jusqu’aux centres de loisirs communautaires et aux ligues locales. Le document de discussion du Centre canadien pour l’éthique dans le sport intitulé Le sport en transition : Rendre le sport au Canada plus responsable afin d’inclure les genres (2012), et le document Créer des environnements inclusifs pour les participants transgenres dans le sport canadien : Guide pour les organismes de sport (2016), étaient inconnus de la vaste majorité des athlètes transgenres, des participants au sport récréatif transgenres ou des athlètes féminines de haut niveau qui ont participé à cette étude; peu d’entre eux étaient en mesure de citer des règlements en vigueur concernant l’admissibilité des athlètes transgenres dans le sport.
Prochaines étapes
Il ressort de cette étude que, pour certaines personnes qui s’identifient comme transgenres, la participation au sport exige de la prudence pour s’assurer d’être en sécurité, de ne pas subir de harcèlement ou de violence et d’être traitées avec respect. Il ressort aussi que les athlètes féminines de haut niveau peuvent se sentir muselées car, si elles expriment leur point de vue, elles craignent de perdre des occasions ou d’être mal comprises. Il serait intéressant pour les administrateurs des sports d’en apprendre davantage sur les causes de ces situations. Une étude de suivi plus vaste menée dans plusieurs établissements, qui ferait appel à des participants de toutes les provinces et de tous les territoires, serait utile pour mieux comprendre les expériences vécues par les athlètes transgenres dans les sports et les loisirs.
Application des connaissances
- Sport Canada
- Centre canadien pour l’éthique dans le sport et Groupe de travail d’experts sur l’inclusion des athlètes transgenres dans le sport
- AthlètesCAN
- Association canadienne pour l’avancement des femmes, du sport et de l’activité physique
- Association canadienne des entraîneurs
- Divisions scolaires dans l’ensemble du Canada
- U Sports
- Directeurs exécutifs des fédérations nationales