Occasions récréatives pour les adolescents dans une collectivité en evolution

Résumé du projet

Le contexte des loisirs est particulièrement favorable à l’acquisition et au perfectionnement d’acquis de développement. Toutefois, l’accès à des occasions valables sur le plan du développement peut poser problème lorsque les quartiers centraux des villes sont transformés par l’embourgeoisement, qui peut perturber des habitudes d’utilisation et modifier les dynamiques de l’offre et de la demande dans la collectivité. Il est difficile de déterminer dans quelle mesure les projets de « revitalisation » sont vus comme des améliorations par tous les membres de la collectivité, et il existe peu de recherches sur l’incidence du processus sur les résidants qui étaient déjà établis, en particulier sur le plan de leurs habitudes récréatives. De plus, les chercheurs qui se penchent sur l’embourgeoisement ne cherchent pas toujours à obtenir le point de vue des jeunes, bien que l’importance de leur point de vue ait été démontrée en matière de recherche sociale, en particulier en ce qui concerne la recherche qui a des incidences sur les politiques. Les objectifs de cette recherche consistent à examiner la portée et la distribution des changements socioéconomiques dans une collectivité qui vit l’embourgeoisement et à recueillir les points de vue des jeunes au sujet de leurs perceptions, de leurs expériences et de leur utilisation des infrastructures de loisirs communautaires.

Méthodes de recherche

La première étape de cette recherche a consisté à évaluer le degré et la distribution de l’embourgeoisement de la Petite-Bourgogne, quartier de Montréal d’environ un kilomètre carré. Bien que la Petite-Bourgogne soit considérée comme un exemple typique d’embourgeoisement, peu de travaux ont tenté de faire la lumière sur les changements que le processus d’embourgeoisement a créés dans le quartier. Les données provenant du recensement canadien ont été utilisées pour dresser un portrait socioéconomique du quartier et examiner les différences entre les quatre secteurs de recensement que compte la Petite-Bourgogne.

La deuxième étape a consisté à mener des entrevues semi-structurées avec une cinquantaine d’adolescents du quartier. Les entrevues ont porté sur les perceptions des adolescents du quartier et leur utilisation des ressources communautaires de loisirs, leur utilisation quotidienne, les personnes avec qui ils prennent part à des activités et leurs impressions sur les changements qui touchent le quartier. Les entrevues d’une durée de 20 à 90 minutes ont été menées en anglais ou en français et ont été enregistrées. Des procédures de codage de données ont été utilisées pour établir une vaste variété de catégories descriptives et des thèmes généraux qui décriraient le mieux possible les expériences de ces adolescents, le sens de la communauté pour eux, ses ressources de loisirs et l’évolution de la collectivité.

Résultats de recherche

Les analyses initiales ont servi à examiner l’évolution socio-démographique de la Petite-Bourgogne de 1981 au recensement de 2006. Nous nous sommes particulièrement intéressés à l’évolution de la population, au revenu des ménages, à la composition linguistique et à la proportion des jeunes de moins de 20 ans qui habitent dans chacun des quatre secteurs de recensement de la Petite-Bourgogne (67, 68, 77 et 78). L’évolution démographique du quartier est bien connue, mais en résumé, les changements survenus dans la collectivité sur certains plans n’ont pas été distribués également dans la Petite-Bourgogne. En fait, alors que le profil des secteurs était relativement semblable en 1981, deux secteurs (68 et 78) présentent des contrastes marqués, tandis que l’évolution de deux autres secteurs se situe entre ces deux extrêmes. Alors que le secteur 78 a accueilli des résidants aisés qui aménagent dans des immeubles convertis ou déjà construits, le secteur 68 s’est considérablement appauvri, présente une plus grande diversité ethnique et linguistique et compte une plus grande proportion de jeunes que les autres secteurs.

Compte tenu de la grande proportion de jeunes et de groupes défavorisés du secteur 68, on peut conclure que c’est ce secteur qui aurait le plus besoin de services de loisirs communautaires et qui en bénéficierait le plus. Les paragraphes qui suivent décrivent les perceptions des jeunes du secteur 68 et leur utilisation des ressources communautaires.

Les jeunes de ce secteur ont généralement une opinion très favorable de la Petite-Bourgogne et des services de loisirs communautaires qui y sont offerts : C’est un beau quartier. Les gens sont gentils, il y a un terrain de basketball tout près. On peut simplement marcher et prendre l’air. C’est un bon quartier.

Cela étant dit, les jeunes ont rarement fait état de l’utilisation des ressources de loisirs offertes dans la Petite-Bourgogne à l’extérieur du secteur 68; dans certains cas, leurs réponses ont indiqué qu’ils ne s’occupaient pas vraiment des autres secteurs. L’élément le plus important pour ces jeunes était le parc situé dans leur secteur, qui est l’un des deux parcs principaux de la Petite-Bourgogne : C’est un très beau parc pour les jeunes et la collectivité. Beaucoup de jeunes s’y rendent parce que le parc est au centre du quartier et que c’est là que nous nous rassemblons. Tout le monde passe par le parc parce qu’il est au milieu du quartier. Bien que la plupart des répondants aient déclaré qu’il s’agissait de leur endroit préféré, d’autres ont dévoilé un aspect négatif du parc : Le problème, c’est que le parc est fréquenté par des adolescents qui ont une mauvaise influence. Ils arrivent au parc entre 16 h et 17 h, et après, j’ai peur d’aller au parc parce qu’on ne sait jamais ce qui peut y arriver.

Les jeunes de ce secteur ont également déclaré qu’ils comptaient sur des organismes à but non lucratif pour meubler leurs temps libres et combler leurs besoins en matière de loisirs. En fait, une proportion considérable de jeunes du secteur 68 considèrent que ces organismes sont leur endroit « favori ». Il est important de noter également que ces organismes communautaires offrent de l’aide financière aux jeunes défavorisés afin de leur permettre de prendre part à des activités de loisirs : Ils m’ont aidé cette année à payer mes frais d’inscription au basketball. Les gens sont gentils ici, j’aime passer du temps avec les conseillers et les gens qui sont ici.

Les jeunes du secteur sont tout à fait conscients des changements économiques survenus dans la Petite-Bourgogne et qui n’ont pas essentiellement pas touché le secteur 68 – que ce soit sur le plan de la croissance des revenus que sur le plan de l’amélioration des infrastructures: Toutes les nouvelles choses, les condos qui sont construits et les gens qui sont chassés de la Petite-Bourgogne […] la plupart des habitants du quartier vivent de l’aide sociale, ils n’ont pas les moyens de vivre ici. Certains jeunes ont exprimé la crainte que des ressources dont ils ont besoin soient touchées : Ils pourraient détruire certains endroits pour construire autre chose. C’est possible. Ici, par exemple [dans un organisme communautaire d’aide aux jeunes], ils pourraient convertir l’endroit en condos ou autre chose […] Je ne crois pas qu’ils devraient le faire parce que c’est un endroit qu’on aime.

Dans le contexte de la Petite-Bourgogne, qui a subi des changements socioéconomiques profonds et inégaux au cours de la période de 25 ans que nous avons analysée, les adolescents des milieux les plus défavorisés et socialement agités du quartier réagissent plutôt favorablement à leur environnement, ce qui s’explique peut-être par la résilience qu’ils ont acquise devant l’adversité en raison du soutien de réseaux d’adultes et des occasions qu’ils ont d’utiliser leur temps de façon constructive, ce qui a été confirmé par certains adolescents interrogés. Toutefois, puisque le processus d’embourgeoisement risque de s’intensifier, il est essentiel que « les résidants à faible revenu puissent se prononcer sur l’avenir de leur quartier » [Traduction] (Formoso, Weber et Atkins, 2010, p. 399), et aucun groupe n’a besoin d’être écouté plus que les adolescents du secteur 68.

Répercussions sur les politiques

Les conclusions de la recherchent illustrent l’importance cruciale des infrastructures sportives et récréatives pour le développement des adolescents. Toutefois, les conclusions révèlent aussi que l’embourgeoisement ne profite pas également à tous les jeunes résidants en raison de l’asymétrie du développement socioéconomique. Il est donc essentiel de tenir compte des besoins de tous les résidants lorsqu’il est question de renouvellement et de la conception d’infrastructures, de programmes et d’accès communautaires aux ressources. Il est aussi important de chercher de l’information sur les obstacles et les contraintes qui peuvent limiter la participation de ces jeunes à des activités récréatives adéquates sur le plan du développement et menées dans la collectivité.

Prochaines étapes

Les conclusions présentées ici permettent d’envisager de nombreuses questions de recherche et avenues de recherche pertinentes. Par exemple, il y aurait lieu d’analyser en profondeur la politique sur les loisirs en ce qui concerne la participation des jeunes à la collectivité; par exemple, quelles politiques ont pour effet de favoriser ou de défavoriser l’utilisation des espaces et des lieux communautaires par les jeunes? De même, on pourrait mener une évaluation systématique des besoins de tous les adolescents de la collectivité en matière de programmes récréatifs, d’installations et d’espaces verts, ce qui pourrait faire ressortir différentes habitudes d’utilisation entre les différents groupes de jeunes, renseignements pertinents pour la planification des loisirs et l’élaboration de politiques en matière de loisirs. Enfin, une évaluation du degré de coordination entre les secteurs privé et public et le secteur des organisations à but non lucratif favoriserait l’élaboration et la distribution équitables des biens récréatifs dans les secteurs qui connaissent un embourgeoisement.

Principaux intervenants et avantages

  • Ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport du Québec
  • UQTR – L’Observatoire québécois du loisir
  • Sport et Loisir de l’Île de Montréal
  • Association québécoise des professionnels en loisirs

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Peter Morden, Université Concordia.

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