Il est clair que la prochaine génération sera diversifiée, multiculturelle et, semble-t-il, beaucoup moins en forme que la précédente. Plusieurs études et enquêtes vont déjà dans ce sens, mais la récente enquête TOPO, un recensement prenant la forme d’un questionnaire réalisé par la Direction générale de la santé publique de Montréal auquel a participé la très grande majorité des élèves de 6e année, et leurs parents, des commissions scolaires et écoles privées de l’île de Montréal le démontre de façon très nette.
Dans un premier temps, l’enquête montre l’importance de l’immigration dans les familles des élèves de 6e année puisqu’elle révèle que 23 % des élèves de 6e année de l’île de Montréal sont nés à l’extérieur du pays, que 41 % des jeunes de ce groupe vivent au Canada depuis moins de cinq ans, et que 59 % de tous les jeunes sont nés de parents immigrants (un ou deux parents nés à l’extérieur du pays). Des statistiques probantes qui démontrent bien le changement qui se vit actuellement dans plusieurs grandes villes canadiennes.
La même enquête démontre aussi que la proportion de ces élèves qui n’atteignent pas les recommandations en matière d’activité physique (60 minutes par jour) est de 65 % sur l’ensemble du territoire, ce qui est exactement le taux évoqué dans le tout récent Bulletin 2018 de l’activité physique de ParticipACTION. Mais l’enquête TOPO démontre aussi que la proportion de jeunes qui n’atteignent pas les recommandations fluctue de façon importante entre les milieux très favorisés (58 %) et les milieux très défavorisés (69 %), particulièrement ceux où l’on retrouve un nombre important de jeunes issus de l’immigration. Cette proportion atteint même 72 % dans certains milieux où la population immigrante est particulièrement importante.
Bien que cette situation puisse apparaître spécifiquement montréalaise, elle semble typique de la situation de plusieurs autres grandes villes canadiennes et il serait d’ailleurs intéressant que ce type d’enquête jumelant, entre autres, des données concernant l’immigration et le taux d’activité physique.
On peut déjà prévoir que cette surreprésentation des jeunes issus de l’immigration aura des incidences sur notre système sportif, notamment sur les sports traditionnellement populaires auprès des populations dites de « souche », pour lesquels le niveau de participation pourrait diminuer, mais aussi sur l’ensemble de l’offre de services traditionnelles dans les autres secteurs, tels les activités récréatives et même culturelles.
Cette situation risque ainsi de proposer des enjeux sérieux sur le plan du recrutement pour plusieurs organisations sportives, autant au plan local qu’au plan national. En effet, les jeunes issus de l’immigration, et particulièrement si ceux-ci sont moins actifs physiquement, semblent moins enclins à vouloir faire du sport ou même découvrir des activités, surtout celles avec lesquelles ils sont moins familiers, moins à l’aise, que leurs familles ou leur communauté ne connaissent que peu ou pas, dont ils ne connaissent pas les règles, les enjeux ou conditions de pratique, qu’ils croient contraires à leurs valeurs, où dont ils se sentent tout simplement exclus pour différentes raisons.
En plus de ces barrières personnelles, ajoutons les barrières de nature organisationnelle comme les procédures et règles administratives perçues comme plus compliquées que dans leurs pays d’origine ou la « simple » problématique de la langue.
Il faut donc agir rapidement et sur plusieurs plans.
En premier lieu, et de façon générale, il y a là une responsabilité au plan local de développer rapidement chez les plus jeunes l’ensemble de leurs habilités motrices fondamentales, ce qui selon les principes de la littératie physique, développera de front leur motivation et leur confiance à essayer tout nouveau type d’activité physique ou de sport qui pourrait leur être proposé au cours de leur existence.
Le récent document « Le sport c’est pour tous les nouveaux arrivants au Canada » de Sport c’est pour la Vie identifie douze de ces barrières à leur participation aux activités sportives, mais surtout des façons concrètes d’inclure ces jeunes et leurs familles dans le milieu du sport et de l’activité physique.
Comme le document le suggère, la clef du succès consiste d’abord il faut en premier lieu chercher à mieux comprendre la situation et, ainsi faire ses devoirs et articuler un plan d’action précis qui vise à rejoindre cette nouvelle clientèle :
- Comprendre les défis uniques propres à votre sport ou à votre organisation qui touchent particulièrement les nouveaux arrivants.
- Comprendre le milieu d’où proviennent les nouveaux arrivants et se renseigner sur les obstacles auxquels ils font face en s’installant ici, et sur leurs besoins face au sport et à l’activité physique.
- Cibler des solutions précises qui peuvent être mises en place immédiatement.
- Communiquer avec divers intervenants (p. ex. organisations nationales de sport, organisations provinciales ou territoriales de sport, clubs locaux, organismes à but non lucratif et organisations récréatives), et établir un partenariat pour discuter d’idées et travailler ensemble pour atteindre un objectif commun d’inclusion.
Par la suite, comprenant mieux les enjeux, on peut envisager de commencer à travailler activement par des gestes concrets afin de développer les relations, faciliter l’engagement, et ultimement augmenter la participation, soit en :
- Créant un comité composé de membres de la communauté et de nouveaux arrivants pour aider à orienter les actions.
- Organisant des événements annuels et biannuels qui permettent aux nouveaux arrivants d’essayer votre sport ou votre activité.
- Communiquant avec diverses organisations pour que les participants puissent essayer différents sports.
- Cherchant un moyen d’offrir des activités à faible coût ou gratuitement.
- Identifiant des « champions » qui agissent comme porte-parole de différents sports au sein des communautés visées.
La ressource proposée par le Sport pour la Vie présente de nombreux exemples concrets de programmes qui ont effectivement facilité l’inclusion de nouveaux arrivants dans les programmes de sports, comme dans les quartiers de Parc-Extension et de Cartierville à Montréal et dans plusieurs autres grandes villes canadiennes.
Nous ne pouvons pas demeurer les bras croisés en attendant que les gens viennent spontanément s’inscrire à nos activités sportives. Nous devons aller au-devant, chercher à mieux connaître leurs besoins et leurs motivations et les aider à y répondre. L’inclusion de tous et chacun, et particulièrement celle des jeunes issus de l’immigration, à Montréal et ailleurs, passe définitivement par l’action.
Ce blog a été publié à l’origine le 24 octobre 2018.