Pour ou contre? Les avantages et les inconvénients de l’identification de talent précoce dans le sport

L’identification de talent (IT) précoce est le processus d’identification, d’évaluation et de sélection d’athlètes pour les programmes sportifs au début de l’adolescence (de 10 à 14 ans). Cette pratique a créé une controverse dans le sport. D’une part, la sélection précoce peut éliminer les retardataires du système. D’autre part, les ressources des programmes sportifs sont limitées et ne peuvent être allouées qu’à un certain nombre d’athlètes.  

Le SIRC a demandé à deux candidats au doctorat étudiant le développement des athlètes de débattre des avantages et des inconvénients de l’IT précoce. Voici leurs réponses :  

Les arguments POUR l’IT précoce

Aaron Koenigsberg, candidat au doctorat, Université York

L’environnement d’entraînement d’un athlète est l’un des principaux facteurs de la réussite sportive de haut niveau (Baker et Horton, 2004). Pour cette raison, il est très peu probable que les athlètes puissent atteindre des niveaux de performance de classe mondiale sans un engagement soutenu dans des activités d’entraînement de haute qualité propres au sport (Ericsson, Krampe et Tesch-Römer, 1993). Par exemple, Connor McDavid attribue ses premiers succès à des activités de force et de conditionnement avec Gary Roberts, ancien joueur de la Ligue nationale de hockey (LNH) et entraîneur renommé, alors qu’il était adolescent. Si les opposants à l’IT précoce plaident pour l’inclusion du plus grand nombre possible d’athlètes dans un système de développement, ils négligent le fait que des ressources limitées existent pour soutenir les programmes de haute qualité dont les athlètes d’élite en devenir ont besoin pour avoir les meilleures chances de réussite future (Kovacs et coll., 2015).

Les environnements de haute performance sont caractérisés par quatre facteurs clés (Baker et Young, 2014; Henriksen et Stambulova, 2017; Williams et coll., 2018) :

  1. Des entraîneurs de grande qualité;
  2. Des volumes importants d’entraînement individuel;
  3. Des groupes d’entraînement par les pairs, solidaires et compétitifs;
  4. La participation à des compétitions pertinentes/de haut niveau.

Ces facteurs exigent des investissements financiers considérables, ce qui peut limiter la capacité des organisations sportives à atteindre les masses. Le coût du maintien d’un programme d’entraînement de haute performance peut également exercer une pression financière importante sur les familles des jeunes athlètes (Dunn et coll., 2016).

Bien que les critiques de l’IT précoce aient appelé à un changement vers la rétention d’autant de personnes que possible (Till et Baker, 2020, p. 11), cette perspective ne tient pas pleinement compte de la rareté des ressources disponibles. En structurant un programme de développement de l’élite pour accueillir une plus grande cohorte d’athlètes, nous risquons de dégrader l’environnement de développement (c.-à-d. moins de ressources disponibles pour chaque athlète). Si l’objectif global des organismes nationaux de sport (ONS) est de produire des athlètes de classe mondiale, il est raisonnable de supposer que la dégradation de l’environnement de développement immédiat peut entraver la capacité des ONS à produire de tels athlètes. Même si tous les athlètes soutenus par les programmes d’IT ne parviendront pas à atteindre le plus haut niveau, le fait de sélectionner les athlètes qui sont considérés comme ayant le plus grand potentiel de réussite future à un âge précoce et de leur offrir un environnement de haute qualité améliorera leurs chances d’atteindre le statut d’élite.

Nombreux sont ceux qui condamnent l’IT précoce en raison de ses liens avec la spécialisation sportive précoce (c.-à-d. l’engagement précoce dans un seul sport, avec un accent sur l’entraînement et la compétition de haute intensité; Baker et coll., 2009), qui a été associée à des résultats négatifs pour les jeunes athlètes. Cependant, il existe peu de preuves objectives permettant de conclure que la spécialisation précoce est en fait néfaste pour les jeunes athlètes (Mosher, Fraser-Thomas et Baker, 2020), et il y a un manque de connaissances concernant les mécanismes (p. ex. le type d’entraînement, l’intensité et le volume) qui peuvent conduire à de tels résultats. D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre les effets de la spécialisation précoce et la façon dont les programmes peuvent être conçus pour atténuer les résultats négatifs potentiels tout en facilitant un développement optimal (Baker, Mosher et Fraser-Thomas, 2021).

Dans un monde parfait, l’idéal serait de retenir autant de personnes que possible pendant aussi longtemps que possible. Mais la concurrence pour des ressources limitées au sein des programmes d’IT fait des sélections une étape nécessaire du processus de développement – surtout si l’objectif ultime de l’ONS est de produire de futurs athlètes d’élite.

L’argument CONTRE l’IT précoce

Jesse Korf, candidat au doctorat, Université de York

En 2011, par une douce journée d’été dans le centre de l’Espagne, l’Argentin Leonel Angel Coira a célébré son premier contrat de soccer professionnel avec le fameux Real Madrid. Contrairement à la plupart des joueurs qui partent fêter en ville après avoir signé un contrat lucratif, Leonel n’a que sept ans – et les cas comme celui du petit Leonel ne sont pas rares. En principe, toutes les équipes doivent faire des sélections à un moment ou à un autre, mais la question du « quand » est sujette à débat.

Pour défendre l’idée de l’IT précoce, il suffit de regarder les sélections sportives professionnelles, où les équipes sélectionnent des joueurs à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine, en s’appuyant sur des outils d’analyse et d’évaluation de pointe. Et pourtant, la précision de leurs sélections est au mieux médiocre (Farah et Baker, 2020). En fait, 60 % des joueurs repêchés par la LNH ne jouent pas un seul match dans la LNH, et parmi ceux qui le font, seuls 20 % jouent deux saisons ou plus (Tingling, 2017). À l’inverse, de nombreux athlètes qui finissent par avoir une grande carrière n’ont même pas été sélectionnés lors du repêchage, comme Fred VanVleet des Raptors de Toronto. Maintenant, pensez à la sélection d’athlètes beaucoup plus jeunes et moins développés, avec des ressources de dépistage qui sont loin d’être comparables au niveau professionnel. À quel point ces sélections sont-elles justes?

Les différences individuelles en matière de croissance et de développement tout au long de l’enfance et de l’adolescence compliquent encore davantage l’IT précoce. Par exemple, les effets de l’âge relatif – les différences d’âge au sein d’une même cohorte, comme les joueurs nés en janvier par rapport à ceux nés en décembre (Webdale et coll., 2020) – sont amplifiés dans les groupes d’âge plus jeunes. La différence entre l’âge chronologique (c.-à-d. l’âge figurant sur le certificat de naissance) et l’âge biologique (c.-à-d. le degré de développement du corps) peut également différer de manière significative pendant l’adolescence, ce qui augmente le risque d’erreur dans les sélections précoces (Lloyd et coll., 2014). Au final, le développement du talent n’est pas linéaire, ce qui signifie que les athlètes ne se développent pas à des rythmes ou à des moments similaires (Abott et coll., 2005). Cela rend les prédictions sur les capacités ou les compétences futures très complexes. En d’autres termes, les chances que les entraîneurs ou autres évaluateurs sélectionnent les athlètes qui ont le plus grand potentiel diminuent à mesure qu’ils choisissent des athlètes de plus en plus jeunes.

Un dernier argument contre l’IT précoce est qu’elle conduit souvent à une spécialisation sportive précoce, qui, bien que reconnue comme une voie potentielle pour devenir un athlète d’élite, a été liée à des effets néfastes sur la santé, notamment des blessures de surutilisation et l’épuisement (Nyland, 2014). La spécialisation précoce peut également conduire à un moindre plaisir du sport chez les enfants et les jeunes, car il y a généralement plus de structure supervisée par des adultes et moins de jeu (Wiersma, 2000). Cela devient plus problématique si l’on considère que la grande majorité des enfants qui pratiquent un sport n’atteindront pas le niveau professionnel. Qu’ils aient ou non le potentiel de devenir un athlète d’élite, pourquoi augmenter le risque de dommages physiques et psychologiques potentiels chez les enfants si d’autres options existent?

En retardant la sélection, nous pouvons avoir le meilleur des deux mondes : des expériences sportives plus saines et de meilleures chances de sélectionner les plus grands potentiels.

Conclusion

La question de l’IT précoce dans le sport n’est pas noire ou blanche. D’une part, l’IT précoce offre aux athlètes prometteurs un accès à des ressources de haute qualité qui favorisent leur développement vers l’élite sportive. D’autre part, prévoir qui sera un athlète d’élite est un processus très imprécis, qui peut conduire à la perte de talents potentiels dans les systèmes sportifs. Trouver un terrain d’entente entre ces deux arguments n’est pas une tâche facile. Mais peut-être devons-nous recadrer la question : En ce qui concerne l’IT dans le sport, à partir de quand est-ce trop tôt?

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