Les normes d’équipe et le jeu malgré les blessures dans le sport

Ce billet est le premier d’une série en collaboration avec l’Université Queen’s. Dans le cadre d’une mission visant à renforcer les compétences en matière de diffusion des connaissances, le Dr Luc Martin, professeur agrégé à l’école de kinésiologie et d’études sur la santé, a mis au défi les étudiants de son cours de troisième année sur la dynamique d’équipe de rédiger un billet de blogue pour le SIRC. Les cinq meilleurs articles ont été soumis au SIRC et seront publiés au cours des prochains mois. 

Lors des séries éliminatoires de la LNH de 2017, le joueur des Sharks de San Jose Joe Thornton a subi une déchirure du ligament croisé antérieur et du ligament collatéral médian de son genou gauche. Selon Thornton, ses blessures étaient simplement « des choses normales auxquelles les joueurs de hockey sont confrontés » (Dubow, 2017). Le coéquipier de Thornton, Tomas Hertl, a joué avec un pied cassé cette même saison, et a même augmenté sa moyenne de temps de glace pendant les séries éliminatoires malgré sa blessure (RotoWire Staff, 2017). Leur entraîneur, Peter DeBoer, a décrit cette volonté de jouer malgré les blessures comme courageuse (Dubow, 2017).

Thornton et Hertl sont des exemples d’athlètes « durs » qui jouent malgré leurs blessures pour le bien du sport. Ces athlètes sont félicités pour leur détermination et leur cran, et leurs histoires servent à glorifier la volonté de jouer en étant blessés (Malcom, 2006). En conséquence, jouer malgré une blessure peut se normaliser, déformant ce que signifie être un concurrent féroce et un coéquipier engagé, et mettant les athlètes en danger (Stafford et coll., 2013). 

Que sont les normes de groupe?

Les normes de groupe représentent un ensemble de suppositions des membres d’un groupe concernant les comportements acceptables et inacceptables. Albert Carron (1981) a été l’un des premiers à étudier les normes de groupe dans le contexte du sport, en soulignant leur importance pour comprendre pourquoi les coéquipiers se comportent de telle ou telle manière et comment ces comportements influencent par la suite les comportements des autres. En général, les normes sont établies sur une période de temps et sont généralement de nature informelle (Kukreja, 2020). Au sein d’une équipe, les normes reflètent généralement les comportements attendus, tels que se présenter à l’heure à l’entraînement, se soutenir mutuellement, fournir un effort maximal et contrôler ses émotions (p. ex. Prapavessis et Carron, 1997). Il est important de noter que plus une équipe est soudée, plus la pression pour respecter les normes du groupe augmente (Prapavessis et Carron, 1997). En outre, selon le niveau de compétition, les agents sociaux concernés (p. ex. les parents, les entraîneurs, les formateurs, le personnel des médias) peuvent également jouer un rôle dans la promotion de l’adhésion des athlètes aux normes sportives (Malcom, 2006).

Normes de groupe et comportements à risque

Les normes donnent un aperçu du fonctionnement interne d’un groupe et de ce que les membres jugent important. Un type de norme qui a suscité l’intérêt des recherches est le comportement de sacrifice des coéquipiers, défini comme le fait de faire quelque chose ou d’abandonner volontairement quelque chose pour le bien d’une autre personne sans attente de réciprocité (Prapavessis et Carron, 1997). Selon Prapavessis et Carron (1997), le sacrifice est associé à une cohésion accrue parce qu’un individu qui renonce à quelque chose de précieux pour son groupe – par exemple, sa santé physique – est également susceptible de se sentir plus lié à ce groupe.

Si l’on prend l’exemple des commotions cérébrales, on estime que 1,6 à 3,8 millions d’athlètes souffrent chaque année de ce type de blessure aux États-Unis (Langlois et coll., 2006). Selon des recherches récentes, les commotions cérébrales sont particulièrement problématiques, car les signes et les symptômes ne sont généralement pas observables, ce qui entraîne une plus grande probabilité de sous-déclaration (Caron et coll., 2018). Les chercheurs affirment que les athlètes qui jouent malgré leurs blessures le font pour protéger leur identité sportive et pour préserver ou améliorer leurs relations ou leur statut social avec leurs coéquipiers et leurs entraîneurs (Stafford, 2013). Malheureusement, une conformité excessive à ces normes peut dégénérer en d’autres comportements à risque, comme l’utilisation de drogues améliorant les performances (Hughes et Coakley, 1991).

Il est également important de considérer les implications que peuvent avoir dans le sport des jeunes les histoires d’athlètes d’élite qui se sont blessés. Plus ces histoires sont célébrées dans les médias, plus les jeunes athlètes et les agents sociaux auront le sentiment qu’ils doivent jouer avec des blessures pour être considérés comme de « vrais » athlètes (Malcom, 2006). Les normes de groupe sont particulièrement pertinentes pour les jeunes impressionnables étant donné leur désir d’approbation sociale par leurs pairs et l’importance des questions de statut au sein des équipes (Crozier et Benson, 2020). En outre, bien que les filles soient plus enclines que les garçons à parler de leurs blessures et à critiquer les attentes irréalistes du sport (Malcom, 2006), les recherches montrent que tous les jeunes athlètes – quels que soient leur sexe, le type de sport et la taille de l’équipe – sont susceptibles d’être influencés par les normes (Bruner et coll., 2014).

Recommandations pour les entraîneurs

Lorsque l’on réfléchit à la manière d’établir des normes saines et de traiter les comportements potentiellement négatifs, il est important que les entraîneurs reconnaissent le pouvoir qu’ils ont de modeler et de promouvoir une culture sportive sûre pour les athlètes (p. ex. Stafford et coll., 2013). Les entraîneurs devraient :

  • Encourager les athlètes à prendre la parole dans les conversations concernant leur santé et leur bien-être; créer un environnement dans lequel les athlètes se sentent en sécurité pour signaler une blessure ou un sentiment de douleur, ou signaler quand leur corps est proche de subir une blessure (p. ex. surutilisation, surentraînement, épuisement).
  • Prendre les précautions ou les mesures nécessaires pour éviter que l’état de l’athlète ne s’aggrave, par exemple, en suivant les protocoles relatifs aux blessures, en renforçant les conseils des professionnels de la santé, en accordant des congés, en assurant un suivi attentif, etc.
  • Être responsable de ne pas promouvoir des styles de jeu risqués ou d’encourager les athlètes à jouer en étant blessés ou en étant en douleur.

Dernières réflexions

Nous devons changer les normes sportives qui glorifient l’expérience du jeu en étant blessé. À tous les niveaux du sport, du récréatif à l’élite, on s’attend trop souvent à ce que les athlètes oublient la douleur en tant que preuve ultime d’engagement et d’athlétisme. Ce que les gens doivent comprendre, c’est qu’un moment de victoire est temporaire, mais que les conséquences à long terme des blessures physiques et du stress sur le corps peuvent être permanentes.

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