La participation au sport chez les adolescents ayant des antécédents de maltraitance pendant l’enfance 

Résumé du projet 

La prévalence de la maltraitance des enfants est accablante : un tiers de la population canadienne a subi au moins une forme de mauvais traitements pendant l’enfance (Afifi et coll., 2014). La maltraitance comprend la violence sexuelle, physique et émotionnelle, l’exposition à la violence entre les parents et la négligence (OMS, 2016). Compte tenu des conséquences néfastes et durables de la maltraitance des enfants (Dion et coll., 2014; Vézina et coll., 2015), il est essentiel de déterminer les possibles signes afin d’aider à promouvoir la résilience chez les victimes. On sait que de nombreux facteurs favorisent la résilience; cependant, le rôle possible de la participation au sport dans le maintien d’une adaptation positive, malgré l’adversité, a été sous-étudié. Cette étude portait sur le rôle de protection de la participation sportive dans le lien entre la maltraitance des enfants et l’adaptation psychologique. Nous concluons que la participation sportive a le potentiel de favoriser des niveaux plus élevés de bien-être chez les victimes de maltraitance pendant l’enfance. 

Méthodes de recherche 

Procédure. Dans le cadre de cette étude, on a recruté des adolescents de neuvième ou de dixième année dans six écoles canadiennes de différentes régions et de différents milieux socioéconomiques. Les participants ont rempli en classe, sur des tablettes électroniques, des questionnaires d’autodéclaration qui visaient à évaluer la participation sportive, la violence envers les athlètes (Parent et coll., 2019) et l’adaptation (satisfaction corporelle, troubles alimentaires, estime de soi, satisfaction à l’égard de la vie, symptômes intériorisés et externalisés), au cours de deux différentes vagues (automne 2019 et printemps 2021). Un questionnaire d’évaluation de la maltraitance des enfants a été rempli durant la première vague, et un questionnaire d’évaluation de la détresse liée à la COVID-19 a été ajouté durant la deuxième vague. La procédure de recherche a été approuvée par le comité d’examen de l’établissement de l’auteure principale. 

Participants. Dans l’ensemble, 1 802 adolescents âgés de 14 à 18 ans (moyenne = 14,74 ans; écart-type = 0,84) ont participé à la première vague de cette étude. En ce qui concerne l’identité de genre, 55,5 % des participants se sont identifiés comme un garçon, 42,2 % comme une fille, 1,5 % comme une personne non binaire, fluide dans le genre, bispirituelle ou « autre », et 0,9 % des participants ont refusé de répondre à la question. La plupart des participants (67,2 %) se sont identifiés à la culture québécoise et 32,8 % d’entre eux ont déclaré d’autres identités culturelles, notamment les suivantes : canadienne, autochtone, américaine, est-européenne ou ouest-européenne, africaine, asiatique, moyen-orientale, latine ou sud-américaine, et caribéenne. La majorité des adolescents (64,4 %) vivaient avec leurs deux parents. Durant la deuxième vague, 825 adolescents âgés de 15 à 19 ans (moyenne = 15,84 ans; écart-type = 0,73) ont rempli la deuxième évaluation. Parmi ces participants, 51,9 % se sont identifiés comme une fille, 46,5 % comme un garçon et 1,5 % comme une personne non binaire, fluide dans le genre ou « autre ».  

Résultats de recherche 

Plus de 56,1 % de l’échantillon (80,8 % des adolescents non binaires, 62,4 % des filles et 50,7 % des garçons) ont déclaré avoir subi au moins une forme de maltraitance durant l’enfance. De plus, 54,4 % de l’échantillon (19,2 % des adolescents non binaires, 52,9 % des filles et 56,7 % des garçons) ont déclaré qu’ils pratiquaient un sport dans un contexte organisé (c.-à-d. qu’ils participaient à des compétitions ou à des tournois ou qu’ils faisaient partie d’un club sportif ou d’une fédération sportive). Parmi eux, 58,6 % ont également déclaré avoir été victimes de violence dans le sport (de la part d’entraîneurs, de coéquipiers ou de parents).  

Durant la première vague, les analyses de modération ont révélé que la maltraitance des enfants était associée de façon significative à tous les résultats (c.-à-d. des niveaux inférieurs de satisfaction à l’égard de la vie et d’estime de soi, et des niveaux plus élevés d’insatisfaction corporelle, de troubles alimentaires et de symptômes intériorisés et externalisés). En tenant compte de la violence dans le sport, la participation sportive était fortement associée à des niveaux plus élevés de satisfaction à l’égard de la vie et d’estime de soi, et à des niveaux plus faibles d’insatisfaction corporelle et de symptômes intériorisés. Enfin, la participation au sport a modéré les liens entre la maltraitance dans l’enfance et trois des résultats, notamment la satisfaction à l’égard de la vie, l’estime de soi et l’insatisfaction corporelle. En d’autres mots, chez les adolescents qui pratiquaient un sport dans un contexte organisé, les liens entre la maltraitance durant l’enfance et les trois résultats (satisfaction à l’égard de la vie, estime de soi et insatisfaction corporelle) étaient plus faibles. D’autres analyses ont également indiqué que, dans l’ensemble, la maltraitance des enfants était associée à un faible niveau de participation sportive. 

Au cours de la deuxième vague, bien que la participation sportive ait été associée à une plus grande adaptation psychologique, elle n’a fait qu’atténuer le lien entre la maltraitance pendant l’enfance et l’insatisfaction corporelle, c’est-à-dire que l’association entre la maltraitance et l’insatisfaction corporelle était plus faible chez les personnes qui participaient à un sport organisé que les autres. De plus, la détresse liée à la pandémie de COVID-19 était associée à tous les résultats (c.-à-d. des niveaux inférieurs de satisfaction à l’égard de la vie et d’estime de soi, et des niveaux plus élevés d’insatisfaction corporelle, de troubles alimentaires et de symptômes intériorisés et externalisés).  

Les résultats de la présente étude doivent être interprétés à la lumière de ses limites. Premièrement, un taux d’abandon modéré entre la première et la deuxième vague a été relevé, ce qui est également un problème souligné par plusieurs études longitudinales menées pendant la pandémie de COVID-19. Néanmoins, la prudence est requise lorsqu’on généralise les résultats. Enfin, il a été impossible de mesurer la maltraitance des enfants de façon continue pendant la pandémie dans le cadre de la présente étude. Étant donné que la pandémie a fait augmenter la proportion de jeunes ayant subi de la maltraitance en raison du confinement à la maison (Đapić et coll., 2020), il est possible que la situation ait également été un facteur exacerbant l’adaptation psychologique des jeunes.  

Dans l’ensemble, ces résultats laissent entendre que la participation sportive diminue les conséquences de la maltraitance des enfants, ce qui pourrait indiquer que le sport agit comme facteur de résilience. Pour tenir son rôle, la participation au sport doit également être exempte de violence. Étant donné que les victimes de mauvais traitements étaient moins susceptibles de participer à des sports organisés que les personnes non maltraitées, nos résultats indiquent également que les adolescents qui en ont le plus besoin y ont moins accès. De plus, comme la détresse liée à la COVID-19 a été associée à une aggravation des résultats, nous pouvons nous demander si elle atténue le rôle de protection que joue la participation sportive pour les victimes de maltraitance. Néanmoins, comme la participation sportive a été associée à des résultats positifs à la première et à la deuxième vague, les résultats actuels réitèrent l’importance de promouvoir le sport chez tous les jeunes. Enfin, compte tenu du niveau élevé de violence dans le sport, il est urgent de promouvoir un environnement sportif sûr et sécuritaire. 

Incidence du point de vue des politiques et des programmes 

Étant donné que les résultats de cette étude semblent indiquer que le sport organisé peut jouer un rôle dans le maintien de la résilience, les intervenants du secteur du sport au Canada ne devraient pas seulement promouvoir la participation sportive chez les enfants victimes de mauvais traitements, mais aussi adopter des politiques pour s’assurer qu’ils y ont accès et que les sports ne comportent pas de violence (sécuritaires). À cet égard, comme il pourrait être difficile de joindre les victimes, on pourrait recommander l’ajout d’activités sportives aux services de protection de l’enfance, par exemple pour les adolescents qui résident dans des établissements de soins. La participation sportive pourrait être proposée comme une activité saine et amusante pour ces jeunes. De plus, étant donné que les interventions universelles ont des liens positifs avec le bien-être, on pourrait les utiliser pour promouvoir la participation sportive de tous les jeunes.  

Prochaines étapes 

Certains changements ont été apportés à notre projet de recherche en raison de la pandémie de COVID-19. En effet, nous avions prévu deux vagues de collecte de données par année pendant deux ans. Cependant, au Québec, les écoles secondaires ont fermé au printemps 2020, ce qui a rendu impossible la collecte de données en milieu scolaire. Néanmoins, nous avons essayé de joindre les étudiants à la maison en leur envoyant un lien par courriel pour qu’ils remplissent le questionnaire en ligne. Quoique cette procédure n’ait pas permis d’atteindre un grand nombre d’adolescents, 250 participants ont répondu à l’enquête. Les résultats indiquent que les adolescents ont de la difficulté lorsqu’ils ne pratiquent pas leur sport. Par conséquent, comme cette situation (arrêt du sport) a pu nuire aux adolescents, elle soulève des questions sociales et politiques. Pour prévenir ces problèmes, et comme d’autres pandémies pourraient survenir dans l’avenir, nous recommandons l’élaboration de politiques sur la façon de veiller à ce que les adolescents puissent participer au sport en tout temps.  

Application des connaissances 

Des infographies seront produites pour diffuser les résultats et seront communiquées au secteur du sport canadien. Entre-temps, n’hésitez pas à diffuser ce rapport à tous les intervenants du secteur. 

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Dr. Jacinthe Dion est professeur à l’Université du Québec à Chicoutimi.

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