LA CAPACITÉ ORGANISATIONNELLE DE CINQ SYSTÈMES SPORTIFS EN ATHLÉTISME

Le Centre de documentation pour le sport (SIRC) est heureux de collaborer avec Sport Canada à la mise en commun des recherches en cours sur des sujets qui contribuent à orienter les politiques et à promouvoir l’élaboration de programmes de sport de grande qualité. Cette semaine, nous vous faisons part des points saillants dégagés d’un article récent qui porte sur une étude au sujet de LA CAPACITÉ ORGANISATIONNELLE DE CINQ SYSTÈMES SPORTIFS EN ATHLÉTISME (Belgique : Flandre et Wallonie; Canada, Finlande et Pays-Bas).

An Analysis of Countries’ Organizational Resources, Capacities, and Resource Configurations in Athletics. Truyens, J., De Bosscher, V., et Sotririadou, P. (2016). Journal of Sport Management, 30(5), pp. 566-585.

Points saillants relevés par le SIRC

Par le passé, la recherche sur la politique du sport a porté sur l’incidence de la politique elle-même sur le succès concurrentiel. Et bien qu’il soit vrai que la politique oriente souvent la gestion des ressources organisationnelles, la nature de la capacité organisationnelle à affecter des ressources dans des sports spécifiques est moins claire. Cette étude s’appuie sur des recherches antérieures portant sur les liens entre les ressources organisationnelles et la capacité à accomplir de bonnes performances, ainsi que sur les liens entre les ressources organisationnelles qui engendrent un avantage concurrentiel. Cette étude élargit davantage la base de connaissances sur l’ application propre au domaine du sport de ces concepts en étudiant ce sujet dans le contexte de l’athlétisme. Le but de cette étude était « d’examiner le rôle que jouent les ressources organisationnelles et les capacités dans la création d’un avantage concurrentiel dans les sports de haut niveau ». Bien que de nombreuses études portent sur les ressources organisationnelles, il y en a tout aussi peu qui clarifient la manière dont les politiques du sport et les ressources sont combinées et organisées au sein d’un sport unique.

Cadre ORFOC

Dans une étude antérieure, Truyens et coll. (2014) se sont inspirés du modèle des « politiques du sport d’élite qui mènent au succès international » (Sports Policy Leading to International Sporting Success) (SPLISS) pour proposer un cadre des ressources organisationnelles et des capacités de premier ordre (organizational resources and first-order capabilities) (ORFOC). Le modèle SPLISS répartit les facteurs de politique ou les caractéristiques stratégiques des politiques du sport d’élite en neuf piliers. Les programmes de haute performance sont conçus en fonction de différentes combinaisons des ressources dont dispose l’organisation. La capacité organisationnelle est établie en fonction de la mesure dans laquelle une organisation est capable de combiner et d’organiser ces ressources. Les capacités de premier ordre sont les combinaisons de ces ressources, tandis que les capacités d’ordre supérieur sont des ensembles de capacités de premier ordre. Truyens et coll. (2014) ont identifié des configurations de ressources comme étant des combinaisons et des interrelations des ressources organisationnelles et des capacités. Ils ont proposé qu’il soit possible pour un pays d’accroître la probabilité de succès international en se dotant d’une forte capacité organisationnelle pour structurer et configurer les ressources à des fins de développement de hautes performances. Cela requiert une solide gestion stratégique. Le cadre ORFOC identifie les ressources organisationnelles et les pratiques pour chaque pilier de politique dans le domaine de l’athlétisme. La présente étude utilise ce cadre pour comparer les ressources de quatre pays – la Belgique (divisée en Flandre et Wallonie), le Canada, la Finlande et les Pays-Bas – dans deux directions : i) des indicateurs composites pour mesurer et évaluer les ressources; ii) une analyse de la configuration des ressources pour évaluer et comparer les configurations de ressources. Les pays pourront ainsi « évaluer leurs programmes d’investissement stratégique, de soutien et de développement en athlétisme d’élite et évaluer leurs stratégies par rapport à d’autres pays ».

Les données ont été recueillies au moyen d’entrevues structurées avec des directeurs de haute performance, des représentants de politiques et des experts nationaux du domaine de l’athlétisme, ainsi qu’auprès de ressources secondaires telles que des plans stratégiques et des documents de politique. Dans le cadre de cette étude, les ressources et les capacités ont été regroupées en dix dimensions : (1) le soutien financier pour l’athlétisme; (2) la gouvernance et l’organisation des politiques d’athlétisme; (3) la participation des jeunes; (4) l’identification et le développement des talents; (5) le soutien à la carrière d’athlète; (6) les installations d’entraînement et de compétition en athlétisme; (7) la prestation et le perfectionnement de services de coaching; (8) la compétition internationale; (9) la recherche scientifique; et (10) l’environnement sportif d’élite. Les scores composites ont été comparés entre les cinq systèmes sportifs.

Faits saillants concernant les résultats

Bien que les résultats de l’étude aient été ventilés en comparaisons détaillées des scores composites, des configurations de ressources et des dépendances de ressources, certaines généralisations ont été signalées.

  • Les résultats ont révélé des écarts entre les cinq systèmes sportifs en ce qui concerne le développement des ressources organisationnelles, la Finlande ayant obtenu le score le plus élevé dans la plupart des dimensions, suivie par le Canada et les Pays-Bas.
  • L’organisation des ressources s’est également révélée différente d’un pays à l’autre, ce qui a donné lieu à différentes configurations de ressources.
  • Les différences dans les structures des systèmes se sont traduites par des priorités différentes en matière de développement de hautes performances, ainsi que par des différences dans les modes d’affectation des ressources. Plus précisément, cette étude a montré que les cinq systèmes divergeaient en ce qui a trait au niveau de centralisation des programmes de formation, à l’accent mis sur les différents niveaux de développement des athlètes, et à l’ordre des priorités des disciplines spécifiques au sein de l’athlétisme. Par exemple :
    • le Canada et les Pays-Bas offrent des programmes de formation centralisés aux athlètes d’élite; la Finlande, la Flandre et la Wallonie soutiennent des athlètes individuels;
    • le Canada et les Pays-Bas se concentrent sur les niveaux supérieurs du développement des talents;
    • le Canada et les Pays-Bas sont les seuls pays qui mettent l’accent sur des disciplines prioritaires spécifiques et qui allouent des ressources lorsqu’ils jugent cela prometteur;
    • la Flandre et la Finlande consacrent davantage de ressources à la participation sportive et aux programmes d’identification et de développement des talents.
  • Le Canada et les Pays-Bas ont été classés parmi les nations qui réussissent le mieux en athlétisme en raison de leurs capacités à établir des configurations de ressources et à prendre des mesures stratégiques plus solides.
  • Le Canada et les Pays-Bas étaient aussi « les plus efficaces dans le déploiement des ressources en construisant des systèmes organisationnels qui pourraient accroître la réussite sportive et améliorer les niveaux des performances à plus long terme ».

Conséquences théoriques

  • Fait progresser le cadre ORFOC en tant qu’outil permettant de mesurer et d’évaluer les ressources, les capacités et les configurations de ressources propres aux sports et aux pays. Cela permet aux pays d’évaluer leur capacité organisationnelle à affecter efficacement les ressources.
  • De plus, cela fournit un cadre de comparaison des pays pour ce qui est des ressources et des configurations, ce qui permet aux pays « d’examiner l’organisation et l’alignement des ressources et des politiques […] et d’explorer comment leurs ressources et leurs configurations s’influencent mutuellement pour produire des résultats ».

Considérations pratiques

  • La comparaison entre les pays permet de préciser que le fait de disposer de ressources n’équivaut pas nécessairement à un avantage concurrentiel (Finlande). Bien que le fait de disposer de ressources stratégiques présente une valeur potentielle, c’est la capacité de structurer et de configurer les ressources clés qui permet de développer de hautes performances (Canada et Pays-Bas).
  • En termes d’orientation stratégique et d’allocation des ressources, « les gestionnaires de haute performance et les décideurs du sport d’élite devraient tenir compte des façons dont les ressources sont configurées et de la possible incidence à long terme sur la réussite des athlètes que peuvent avoir ces configurations ».

Recherches futures

  • Une étude plus approfondie de la relation entre les configurations de ressources et le développement d’un avantage concurrentiel dans le sport d’élite est nécessaire.
  • Les facteurs sociaux, culturels et macroéconomiques n’ont pas été considérés dans cette étude, bien qu’ils aient également une incidence sur la réussite sportive d’un pays.
  • La dimension 10 (environnement sportif d’élite) n’a pas été analysée dans le cadre de la présente étude et requiert une étude plus approfondie pour ce qui est de sa valeur pour la capacité organisationnelle.
  • Une analyse de « l’équilibre concurrentiel ou la rivalité » pour des sports spécifiques permettrait également de comprendre l’efficacité stratégique d’un pays par rapport à sa réussite internationale.

Bien que ces données confirment l’utilité du cadre ORFOC dans ce contexte, les comparaisons entre les pays en ce qui concerne les ressources et les capacités, leur structure, leur configuration et leur alignement doivent être fluides pour s’adapter à la nature changeante des populations, des politiques, des programmes et des ressources d’un pays au fil du temps. La mesure et l’analyse doivent être effectuées sur une base régulière pour assurer la pertinence des résultats. Selon les auteurs, le calendrier devrait correspondre au cycle de planification stratégique de haute performance d’un pays pour conserver un avantage concurrentiel.

Articles connexes

Truyens, J., De Bosscher, V., Sotiriadou, P., Heyndels, B., et Westerbeek, H. (2016). A method to evaluate countries’ organisational capacity: A four country comparison in athletics. Sport Management Review (Elsevier Science), 19(3), pp. 279‑292.

Truyens, J., De Bosscher, V., Heyndels, B., et Westerbeek, H. (2014). A resource-based perspective on countries’ competitive advantage in elite athletics. International Journal of Sport Policy, 6(3), pp. 459‑489.

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