Exploration du processus d’apprentissage continu : biographies de cinq entraîneures canadiennes  

Résumé du projet 

Cette thèse a pour objet d’étudier les biographies de cinq entraîneures canadiennes à l’aide de la théorie de l’apprentissage humain de Jarvis afin de comprendre comment les expériences multiples qu’elles ont vécues ont contribué à leur apprentissage et au perfectionnement de leurs compétences en entraînement.  

Les entraîneurs acquièrent des connaissances à partir de différentes situations, et leurs expériences influent sur ce qu’ils décident d’apprendre et les points auxquels ils accordent une importance particulière (Werthner et Trudel, 2009). La compréhension du processus d’apprentissage des fonctions d’entraîneur peut faire l’objet d’une exploration holistique au fil de l’existence d’un individu. La préparation de cette thèse a été guidée par la théorie de l’apprentissage humain de Jarvis (2006, 2007, 2009), qui applique une optique psychosociale pour comprendre la manière dont les individus perçoivent leur situation sociale, changent le cours de leur vie et façonnent leur identité au fil des ans. 

Les résultats de cette étude viennent enrichir la littérature qui se développe sur l’apprentissage des entraîneurs et sur les entraîneures en particulier, en aidant à comprendre la façon dont les événements de la vie des entraîneures ont déterminé les types de possibilités d’apprentissage significatives à leurs yeux, l’importance des liens sociaux dans l’apprentissage des fonctions d’entraîneur, et l’importance de la réflexion pour comprendre les interrelations qu’implique l’apprentissage à partir des expériences de vie. L’étude peut motiver les entraîneures à comprendre comment l’apprentissage continu influe sur leur cheminement professionnel, et fournit de l’information utile pour les programmes d’éducation des entraîneurs sur les réalités imprécises de l’apprentissage et du perfectionnement des entraîneurs. 

Méthodes de recherche 

Un paradigme constructiviste a été utilisé pour explorer les perceptions personnelles des expériences sociales (Light, 2008) et comprendre comment se fait l’apprentissage en matière d’entraînement à partir des expériences vécues. Un échantillonnage dirigé, tel que recommandé par Polkinghorne (2005), a permis de choisir cinq entraîneures ayant à leur actif une longue carrière en entraînement, dans différents sports. Quatre entrevues semi-structurées et approfondies ont été tenues avec chaque entraîneure. Chacune des entrevues  a duré environ deux heures. Les questions d’entrevue reposaient sur le cadre théorique de Jarvis (2006). Chaque entrevue a été transcrite et la transcription a été envoyée aux participantes par courriel pour qu’elles la vérifient. Selon les principes de la méthodologie narrative de Creswell (2007) et de Polkinghorne (1995), les données des entrevues ont été organisées en ordre chronologique en un texte narratif relatant les expériences d’apprentissage dans la vie de chaque participante. Chaque texte, de 20 pages environ à simple interligne, a été rédigé d’après un examen approfondi de la transcription pour veiller à ce que toutes les expériences de vie soient incluses.  

Résultats de recherche 

Voici les principaux résultats de l’étude : 

• Les entraîneures ont acquis des connaissances lors de situations survenues avant qu’elles assument des fonctions à ce titre (pendant l’enfance et l’adolescence), ce qui inclut des expériences familiales, scolaires et sportives ayant influé sur leur approche en matière d’entraînement. 
• Les entraîneures étaient disposées à apprendre et ont cherché de nombreuses occasions valables d’apprendre qui les ont aidées à se perfectionner et à enrichir leur expérience. 
• Les entraîneures ont développé, au fil de leurs expériences de vie, des valeurs influençant leurs actions en matière d’entraînement. 
• En tant que chercheuse, mon processus d’apprentissage personnel au doctorat a été influencé par mon vécu.  
• Sur le plan méthodologique, le processus de recherche constructiviste s’avère une cocréation de la chercheuse et des participantes. 

Limites 

L’un des paramètres limitant l’étude était le fait qu’elle était axée sur l’individu. J’ai choisi une approche principalement psychologique, sans oublier l’importance du contexte social. La portée de la thèse n’incluait donc pas une compréhension globale et structurale de l’apprentissage dans une optique plus sociologique. 

Vu le cadre que j’ai utilisé pour préparer cette thèse, les questions que j’ai posées aux participantes portaient sur leurs expériences personnelles d’apprentissage, et je ne peux affirmer avec certitude que ces expériences étaient attribuables à leur sexe ou à leur position sociale dans la structure du pouvoir des institutions ou dans le contexte culturel. 

Bien que je reconnaisse qu’il est possible d’être entraîneur sans apprendre au fil des ans, les questions d’entrevue ont fait ressortir des expériences significatives pour les entraîneures, ce qui a contribué à l’examen de leur apprentissage. 

Implications relatives aux politiques 

Cette étude peut être utilisée de deux manières pour favoriser la participation au sport chez les entraîneures : a) pour aider les entraîneures à réfléchir à leurs expériences d’apprentissage en matière d’entraînement, et b) pour élaborer des recommandations visant des initiatives d’éducation des entraîneurs reposant sur la feuille de route de la Politique canadienne du sport 2.0 (PCS 2012). 

• Cette thèse relate ce qu’ont vécu des entraîneures en chair et en os, dans des situations réelles, auprès d’athlètes réels, dans des contextes d’apprentissage réels. Il est à souhaiter que les récits et les articles soient une source de motivation pour d’autres entraîneures qui peuvent s’y retrouver et se livrer à une réflexion pour élaborer des solutions à leurs préoccupations, fortes de la certitude qu’elles ont un bagage de connaissances grâce à leur vécu et qu’elles ne sont pas les seules à vivre certaines situations. Par conséquent, comme il est suggéré dans les principes clés de la PCS, nous devrions inclure des scénarios ou des textes inspirants sur des entraîneures exemplaires pour interpeller d’autres personnes et établir un concept de perfectionnement à long terme des entraîneurs dans la politique.
• Voici un résumé des implications pratiques de cette étude pour des initiatives d’éducation des entraîneurs qui seraient lancées dans le cadre de la PCS pour guider la communauté sportive (tout en assurant une marge de manœuvre aux intervenants quant à leur mode de participation) : 
  • Fournir aux entraîneures l’occasion de vivre une multitude d’expériences en entraînement. 
  • Fournir aux entraîneures l’occasion de faire part de ces expériences à d’autres entraîneurs, à des facilitateurs, à des pairs et à des mentors. Par exemple, le réseautage avec d’autres entraîneurs a aidé les participantes à obtenir de l’information et des conseils. Les conférences d’entraîneurs sont une occasion importante pour les femmes d’accéder à un réseau d’entraîneures, de promouvoir leurs intérêts et d’écouter autrui. 
  • Fournir aux entraîneures l’occasion d’apprendre comment réfléchir à leurs expériences,  valeurs, actions et décisions pour fixer des objectifs et des orientations (ne pas réfléchir uniquement à leurs expériences en entraînement, mais tenir compte d’autres expériences pertinentes pouvant influer sur leur approche en matière d’entraînement).  
  • Exemple 1 : Dans les cours, aider les facilitateurs à apprendre comment aider adéquatement les entraîneurs à réfléchir à leur vécu, ce qu’ils font et comment ils le font. 
  • Exemple 2 : Donner aux entraîneurs la possibilité d’explorer des approches personnelles en matière d’entraînement en travaillant avec les athlètes à la découverte d’approches originales.  
  • Exemple 3 : Mettre en place des politiques de programme concernant la préparation de rapports sur les progrès et l’examen de la performance à la fin de la saison pour aider les entraîneurs à faire le point sur la saison et à planifier les suivantes. 
• Fournir aux entraîneures l’occasion de collaborer entre elles de manière à établir des liens professionnels solides avec des personnes dont elles peuvent apprendre. Plus particulièrement, une stratégie de gestion de la performance prévoyant que les organismes de sport assurent une marge de manœuvre (partage du travail) et fournissent un soutien financier et une sécurité d’emploi aux entraîneures (p. ex. congé de maternité et postes salariés) aiderait à accroître le faible nombre d’entraîneures et à les garder en poste. Ces progrès pourraient être mesurés, suivis et aisément gérés pour en arriver à une proportion hommes-femmes plus équitable dans l’entraînement. 

Prochaines étapes 

La Politique canadienne du sport vise à « maximiser les avantages du sport tout en réduisant les répercussions négatives » qui pourraient survenir puisque le sport peut être bénéfique pour les personnes et les collectivités « dans les bonnes conditions ». Par conséquent, des travaux de recherche ultérieurs pourraient être axés sur la manière dont les entraîneures pourraient saisir des possibilités d’apprentissage plus inclusives et accessibles, et contribuant à favoriser des carrières à long terme. En outre, on pourrait examiner la façon dont la participation au sport est vécue par les athlètes et les participants dirigés par des entraîneurs dont l’apprentissage se poursuit toute la vie durant. Par exemple, on pourrait se concentrer sur la façon dont les entraîneurs appliquent ce qu’ils ont appris de leur vécu pour le transposer en expériences sportives positives pour les athlètes qu’ils encadrent. Pour poursuivre dans la même ligne d’idées, si les valeurs développées au fil des ans sont inhérentes aux comportements des entraîneurs, comment ces valeurs se transfèrentelles aux athlètes encadrés, notamment les jeunes, les personnes vieillissantes, les personnes de l’autre sexe ou d’une autre culture ou origine ethnique qui font du sport? Des études pourraient porter sur la façon dont les liens créés entre l’entraîneur et l’athlète accroissent ou réduisent l’influence positive sur la participation au sport et l’acquisition de compétences de vie. De cette façon, on pourrait continuer à suivre et évaluer le processus de participation au sport. 

Principaux intervenants et avantages 

Sport Canada : 

Sport Canada peut bénéficier des conclusions de cette étude du fait que des entraîneures présentent des récits significatifs de diverses expériences de vie les ayant menées à leur carrière en entraînement. Il est important que Sport Canada et les concepteurs de la Politique canadienne du sport soient conscients que de tels récits sont motivants pour d’autres entraîneures qui peuvent s’y retrouver, et se livrer à une réflexion pour élaborer des solutions à leurs préoccupations en comprenant que d’autres vivent ce qu’elles éprouvent. 

Association canadienne des entraîneurs : 

• L’Association canadienne des entraîneurs peut bénéficier des résultats de cette étude étant donné ses implications concrètes pour les initiatives d’éducation des entraîneurs : 
• Fournir aux entraîneurs l’occasion de vivre de multiples expériences en entraînement. 
• Fournir aux entraîneurs l’occasion de faire part de ces expériences à d’autres entraîneurs, à des facilitateurs, à des pairs et à des mentors. 
• Fournir aux entraîneurs la possibilité d’accéder à des récits de leur milieu pour alimenter leur réflexion. 
• Fournir aux entraîneurs l’occasion d’apprendre comment réfléchir à leurs expériences, valeurs, actions et décisions pour fixer des objectifs et des orientations (ne pas réfléchir uniquement à leurs expériences en entraînement, mais tenir compte d’autres expériences pertinentes pouvant influer sur leur approche en matière d’entraînement).  
• Fournir aux entraîneurs l’occasion de collaborer entre eux de manière à établir des liens professionnels solides avec des personnes dont ils peuvent apprendre.