
Résumé du projet
Le hockey a eu une profonde influence sur les valeurs, les attitudes et les comportements des Canadiens (Earle, 2002; Gruneau et Whitson, 1993; Nixon, 1976). Le hockey chez les jeunes Canadiens est depuis quelque temps la cible de nombreuses critiques, l’atmosphère de violence et d’agressivité de plus en plus marquée pendant les matchs étant pointée du doigt (p. ex. Ackery et coll., 2012; Loughead et Leith, 2001; Therien, 2012). Le présent projet de recherche vise à mieux comprendre deux grands enjeux contemporains couramment associés à la violence et à l’agressivité : l’implication des parents des jeunes hockeyeurs et la présence de mises en échec durant les matchs. Des entrevues ont été réalisées auprès de quarante joueurs de hockey peewee (c.àd. âgés de 11 ou 12 ans) au cours d’une saison de compétition et avec dix personnes actives dans le milieu du hockey d’élite (c.àd. ayant de l’expérience dans le hockey professionnel, junior majeur ou universitaire, que ce soit comme joueur, entraîneur, parent de joueur d’élite, arbitre ou personnalité médiatique connue à l’échelle nationale). Les résultats indiquent que, selon les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite, certains parents impliqués dans ce milieu développent une attitude agressive et des comportements inappropriés, ont des attentes irréalistes, exercent de la pression sur leurs enfants pour qu’ils soient performants, empiètent sur le rôle de l’entraîneur et cherchent à vivre leurs propres aspirations par procuration aux dépens de leurs enfants. Pourtant, les joueurs de hockey peewee se disent généralement satisfaits du type et du degré d’implication de leurs parents. Tant les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite que les joueurs de hockey peewee ont abordé la question du comportement souvent négatif des parents durant les matchs (c.àd. qu’ils crient après les joueurs et les arbitres), et de l’incidence néfaste de ces comportements. En outre, les joueurs de hockey peewee disent apprécier la présence de mises en échec durant les matchs auxquels ils participent, malgré leurs sentiments partagés entre la crainte et la sécurité sur la glace, la crainte étant souvent associée aux différences de tailles entre les joueurs. Le présent document expose ces constatations contradictoires, formule des recommandations et propose des orientations futures.
Méthodes de recherche
Étude 1
Les participants comprenaient dix personnes (huit hommes et deux femmes) actives dans le milieu du hockey d’élite canadien âgées de 22 à 54 ans, toutes étant issues du domaine du hockey chez les jeunes Canadiens. Chaque participant appartenait à l’une des catégories suivantes : joueurs, entraîneurs ou arbitres actuels ou anciens, parents de joueurs d’élite ou encore personnalités médiatiques connues à l’échelle nationale dans le monde du hockey. Aux fins de l’étude, le terme « élite » renvoie au fait d’avoir de l’expérience au niveau professionnel (Ligue nationale de hockey), junior majeur (Ligue canadienne de hockey) ou universitaire (division I de la National Collegiate Athletic Association [NCAA] des É.U.; Sport interuniversitaire canadien [SIC] du Canada); bon nombre de participants jouaient des rôles multiples (p. ex. joueur, entraîneur et parent). Chaque participant a pris part à une entrevue téléphonique détaillée et semidirigée de 30 à 60 minutes, axée sur son point de vue à l’égard de l’implication des parents dans le hockey chez les jeunes Canadiens. Toutes les entrevues ont été enregistrées, transcrites textuellement et analysées à l’aide de lignes directrices préalablement établies (p. ex. Tesch, 1990).
Étude 2
Les participants comprenaient 40 jeunes joueurs de hockey issus de neuf équipes appartenant à trois ligues de hockey différentes du Sud de l’Ontario, au Canada. Ils ont été recrutés dans des équipes de hockey de niveau peewee mineur (11 joueurs âgés de 11 ans) et de niveau peewee (29 joueurs âgés de 12 ans), la moyenne d’âge étant de 11,73 ans. Les niveaux de compétition des équipes étaient compris entre BB et AAA (niveau supérieur). Chaque joueur a participé à deux entrevues détaillées et semidirigées de 15 à 45 minutes; une au début de la saison, et une après la fin de la saison. Les questions d’entrevue portaient sur l’implication de leurs parents dans leurs activités de hockey et le comportement de ces derniers durant les matchs, ainsi que sur leurs perceptions à l’égard des mises en échec. Les données ont été analysées de la même façon que pour l’étude 1.
Résultats de la recherche
Les joueurs de hockey peewee ont généralement un sentiment positif à l’égard de l’implication de leurs parents, bien que les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite aient soulevé plusieurs problèmes auxquels il importe de s’attarder, notamment les attentes irréalistes des parents, les pressions exercées sur leurs enfants pour qu’ils soient performants, et le fait qu’ils empiètent sur le rôle de l’entraîneur et qu’ils cherchent à vivre leurs aspirations par procuration aux dépens de leurs enfants. Tant les joueurs de hockey peewee que les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite s’entendent pour dire que même si des applaudissements et des commentaires positifs sont fréquemment entendus pendant les matchs de hockey chez les jeunes, les comportements négatifs des parents dans l’assistance sont monnaie courante. Les joueurs de hockey peewee ont fait valoir que les commentaires négatifs viennent principalement des parents des joueurs « des autres équipes », les arbitres et les joueurs présents sur la glace étant souvent la cible de ces commentaires négatifs. Certains participants ont mentionné être distraits, frustrés et irrités par les commentaires négatifs des parents durant les matchs, ce qui semble indiquer que les commentaires négatifs ont plus de répercussions qu’on pourrait le croire sur les jeunes joueurs et que ceuxci sont plus susceptibles d’entendre ces commentaires et de les intérioriser. Pour ce qui est des mises en échec, beaucoup de joueurs de hockey peewee ont dit apprécier la présence de mises en échec durant leurs matchs, bien que l’augmentation du nombre de blessures et de comportements rudes depuis l’introduction des mises en échec ait été longuement débattue; en outre, les joueurs se sentent à la fois craintifs et en sécurité sur la glace, et ils attribuent le plus souvent leur crainte aux différences de tailles entre les joueurs. Les joueurs ont également déclaré que la mise en échec était rarement enseignée en tant qu’habileté spécifique; elle fait plutôt partie de l’entraînement en général, ou n’est tout simplement pas enseignée. Les résultats devraient être interprétés avec prudence, car les points de vue des autres parties n’ont pas été pris en considération, et le biais attribuable à la présentation de soi (Nederhof, 1985) pourrait avoir influencé les réponses.
Répercussions sur les politiques
Plus de 570 000 jeunes Canadiens jouent au hockey, et il est donc essentiel que l’environnement dans lequel ils évoluent soit sûr et agréable. Les longues discussions tenues avec les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite et les joueurs de hockey peewee sur le comportement négatif des parents des jeunes joueurs de hockey canadiens durant les matchs mettent en relief la nécessité de mettre en place des programmes de sensibilisation parentale efficaces, qui mettraient un accent particulier sur les comportements appropriés que devraient adopter les parents durant les matchs de hockey. Bien que de tels programmes aient été instaurés et aient pris de l’ampleur au cours des dernières années, il est essentiel que ces programmes soient fondés sur des recherches concluantes et fassent l’objet d’évaluations rigoureuses pour qu’ils s’avèrent efficaces. Les personnes actives dans le milieu du hockey d’élite suggèrent que les programmes de sensibilisation parentale soient élaborés par une équipe de spécialistes de diverses disciplines, et soient uniformisés, tout en faisant l’objet de vérifications et de surveillance. De plus, ils estiment que les programmes devraient expressément encourager les parents à avoir des attentes réalistes, à garder une distance saine par rapport aux activités de hockey de leur enfant, et à faire preuve de cordialité et de respect durant les matchs. Il serait peut-être judicieux d’envisager le recours à un système de signalement anonyme, qui permettrait d’alerter les arbitres des ligues de hockey concernant des problématiques particulières que posent certains parents, et ainsi de contribuer à instaurer une culture plus positive au sein de la collectivité des parents de jeunes joueurs de hockey canadiens. Les conclusions de l’étude font également ressortir l’importance de mettre en place une politique nationale claire et stricte sur la discipline.
Il demeure difficile de formuler des recommandations, pour une éventuelle politique, relativement aux mises en échec chez les jeunes joueurs, étant donné les constatations contradictoires entre les différentes études, voire à l’intérieur d’une même étude. La plupart des participants à la présente étude ont exprimé qu’ils appréciaient la présence de mises en échec durant les matchs auxquels ils prennent part et qu’ils se sentaient en sécurité sur la glace, quoique bon nombre d’entre eux aient aussi déclaré se sentir craintifs. Comme les joueurs de hockey peewee associent souvent leur crainte aux différences de tailles entre les joueurs, les résultats de l’étude donnent à penser que le regroupement des joueurs en fonction de leur taille physique plutôt que de leur âge offrirait peut-être un meilleur contexte pour autoriser les mises en échec. Les conclusions mettent également en lumière l’importance d’intégrer de façon obligatoire un enseignement efficace de la mise en échec pour les jeunes joueurs, étant donné que bon nombre de participants ont indiqué qu’ils n’avaient jamais l’occasion d’apprendre correctement cette habileté, sinon rarement.
Prochaines étapes
La présente étude nous a permis de mieux comprendre les différents aspects de l’implication des parents et de la présence de la mise en échec dans le monde du hockey chez les jeunes, et le fait d’unir leurs voix favorisera la prise de décisions éclairées en matière de politiques. Dans l’avenir, les recherches devraient continuer à porter sur les points de vue des joueurs, et il serait utile que soit adoptée une démarche par études de cas à grande échelle, faisant intervenir des joueurs, des parents et des entraîneurs, ainsi que des données d’observation de matchs. De plus, une approche longitudinale de la présente étude pourrait approfondir celleci en intégrant davantage d’entrevues à différents moments de la saison, ne seraitce que pour valider la cohérence des réponses énoncées dans l’étude d’origine.
Les chercheurs devraient également continuer à examiner la perception des joueurs de hockey mineur à l’égard des mises en échec, afin de déterminer pourquoi les joueurs soutiennent voir autant de jeux rudes et de blessures lors des mises en échec, tout en disant apprécier ce type de jeu et, très souvent, se sentir en sécurité sur la glace. Les chercheurs devraient également continuer à se pencher sur le rôle des parents, des entraîneurs et des arbitres en matière de mises en échec.
Enfin, les chercheurs devraient à l’avenir explorer les différences de perceptions en fonction du sexe quant à l’implication des parents et aux mises en échec dans le hockey chez les jeunes Canadiens. Comme la présente étude faisait intervenir principalement des participants de sexe masculin (à savoir 34 hommes et 6 femmes), il était difficile de discerner les différences de perception entre les hommes et les femmes, et la recherche future devrait s’attarder à cet aspect de la question.
Principaux intervenants et avantages
- Association canadienne de hockey
- BC Hockey
- Hockey Alberta
- Saskatchewan Hockey Association
- Hockey Manitoba
- Hockey Northwestern Ontario
- Ontario Hockey Federation
- Ottawa District Hockey Association
- Hockey Québec
- Hockey NouveauBrunswick
- Hockey PEI
- Hockey Nova Scotia
- Hockey Newfoundland and Labrador
- Hockey North