
Résumé du projet
La recherche a permis de constater l’importance du sport dans la vie des Autochtones, mettant en relief en quoi le sport peut améliorer la santé et le bien-être de cette population. Toutefois, on en sait bien peu sur les enjeux culturels qui ont une incidence sur la participation des Autochtones au sport. Le présent projet vise à explorer l’expérience vécue par les athlètes autochtones qui ont quitté des réserves du Nord-Est de l’Ontario pour se réinstaller dans les communautés « majoritaires » (eurocanadiennes) dans le but de poursuivre leurs aspirations sportives. Le projet a été conçu en collaboration avec des membres des communautés autochtones d’une réserve locale. Des données qualitatives ont été recueillies auprès de 21 athlètes autochtones au sujet de trois thèmes : (1) les avantages de la réinstallation, (2) les défis de la réinstallation, et (3) les stratégies de facilitation de la réinstallation dans le nouveau contexte. Les constatations de cette étude nous ont fourni de nouvelles connaissances sur la façon dont les expériences liées au sport des athlètes autochtones relocalisés sont modelées par les dynamiques de l’acculturation, ou l’apprentissage d’une deuxième culture.
Méthodes de recherche
Une approche de recherche participative a été privilégiée : trois membres des communautés autochtones ont été embauchés à titre de co-chercheurs pour orienter le projet et faire en sorte qu’il soit porteur de sens et sensible à la culture.
Participants
Les participants étaient 21 athlètes autochtones qui avaient quitté des réserves du nord-est de l’Ontario pour se réinstaller dans des contextes eurocanadiens dans le but de poursuivre leurs aspirations sportives. Le groupe comptait dix hommes et onze femmes. L’âge des participants allait de 14 à 26 ans (âge moyen : 19,3 ans) et ils provenaient de sept réserves différentes.
Collecte et analyse des données
Les participants ont créé des mandalas témoignant de l’expérience qu’ils ont vécue lorsqu’ils ont déménagé pour poursuivre leurs aspirations sportives. Chacun de ces dessins a alors été utilisé comme point de départ pour mener une entrevue sous forme de conversation visant à ce que le participant décrive son expérience de façon narrative plus détaillée. On a ensuite réalisé une version autochtone de l’analyse thématique inductive à partir de la transcription de l’entrevue de chacun des participants afin de relever les structures de sens communes.
Résultats de recherche
Les défis de la réinstallation
Les participants ont indiqué que les questions entourant le choc culturel et l’isolation par rapport à leur communauté d’appartenance faisaient partie des défis qu’ils avaient eu à relever dans le cadre de leur réinstallation. En ce qui a trait au choc culturel, les participants ont parlé d’un sentiment d’anxiété et d’inconfort découlant de leur immersion dans un contexte culturel étranger, où les règles et les systèmes de valeurs étaient différents. Les participants ont été ébranlés par les importants changements que la culture eurocanadienne leur imposait, ainsi que par leur nouveau statut d’« étranger » culturel lorsqu’ils ont essayé de s’intégrer aux non-Autochtones. De plus, les participants ont été perturbés par le sentiment croissant d’être isolés des leurs et de leur communauté culturelle d’appartenance pendant la période où ils vivaient ailleurs. La distance physique entre les participants et leurs réseaux communautaires et familiaux a engendré des sentiments d’isolement. Le départ des participants de leur communauté autochtone pour s’installer ailleurs a également suscité des réactions négatives chez leurs pairs dans les réserves, qui considéraient que les athlètes abandonnaient leur communauté d’appartenance.
Les avantages de la réinstallation
Tout d’abord, les participants ont expliqué qu’en intégrant le contexte eurocanadien, ils ouvraient la porte à beaucoup de nouvelles perspectives et de nouvelles possibilités qu’ils n’auraient probablement jamais eues en demeurant dans la réserve. Ils se sont dits très enthousiasmés de prendre ce nouveau départ dans le contexte eurocanadien, qui leur a permis de découvrir à quoi ressemble le monde en-dehors de la réserve et de développer un sentiment d’appartenance à leur nouvelle communauté. Ensuite, les participants ont révélé que leur réinstallation les avait aidés à approfondir et enrichir leur vision d’eux-mêmes à titre de membres de la communauté autochtone. En relevant les nombreux défis présentés par l’adaptation à la culture du contexte eurocanadien, ils se sont développés sur le plan personnel (et pas seulement en tant qu’athlètes) et sont parvenus à une meilleure compréhension de leur identité et de tout ce qu’ils sont en mesure d’accomplir. Ils ont notamment insisté sur la façon dont ils pouvaient jouer un rôle positif dans leur communauté autochtone en partageant leurs histoires et leurs réussites à titre de modèles locaux.
Stratégies pour faciliter la réinstallation et l’acculturation
Les participants ont souligné l’importance de cultiver leur identité autochtone et d’en faire une source de force et de ressourcement pendant le processus de réinstallation. Leur identité à titre de membres de la communauté autochtone les a aidés à intégrer les difficultés et les expériences personnelles qu’ils ont vécues à une histoire culturelle collective de survie et de succès et a donné un sens à leur vécu, ce qui leur a permis de persévérer davantage et de faire preuve de plus de résilience en tant qu’athlètes relocalisés. Les athlètes ont également indiqué qu’ils étaient fréquemment aux prises avec des sentiments d’insécurité, d’isolation et de marginalisation dans le contexte eurocanadien. Il était donc crucial qu’ils puissent compter sur des réseaux de soutien social, dans les deux contextes culturels, sur lesquels ils pouvaient s’appuyer pendant qu’ils vivaient ailleurs. Les participants ont également indiqué qu’il était nécessaire de favoriser une mentalité forte et positive, afin qu’ils gardent confiance en eux et qu’ils demeurent convaincus de leur capacité à réussir en dépit des attitudes racistes et des stéréotypes auxquels ils sont confrontés.
Répercussions sur les politiques
Conformément aux objectifs de la Politique de Sport Canada sur la participation des Autochtones au sport, la présente recherche fournit des pistes sur la façon de mieux appuyer les athlètes autochtones dans le système sportif canadien au cours de leur relocalisation et de leur acculturation.
Tout d’abord, les participants autochtones a indiqué que leur adaptation à titre d’athlètes relocalisés pouvait être rendue beaucoup plus facile ou encore beaucoup plus difficile par leur entourage dans la culture d’accueil, comme leurs coéquipiers, leurs entraîneurs et les personnes rattachées à leur hébergement. Lorsque les membres de l’entourage des athlètes autochtones faisaient preuve de racisme ou refusaient de faire un effort pour interagir avec eux, ces derniers se sentaient isolés et marginalisés et trouvaient difficile de s’adapter à la culture du contexte eurocanadien. À l’inverse, lorsque les membres de la communauté d’accueil faisaient un effort pour apprendre à connaître les athlètes autochtones et pour leur montrer qu’ils étaient de leur côté, ceux-ci arrivaient plus facilement à s’adapter à la culture et éprouvaient un sentiment d’appartenance et de rapprochement à l’égard du contexte eurocanadien. Il faut sensibiliser davantage à cette dynamique sociale les praticiens du domaine du sport et les fournisseurs de service qui sont appelés à travailler avec des athlètes autochtones qui ont quitté les réserves pour se réinstaller ailleurs. Il faut offrir à ces athlètes des occasions porteuses de sens de partager des aspects de leur culture et de leur identité autochtones dans leur milieu et dans leur équipe sportive, et leur faire sentir qu’on les encourage à être qui ils sont vraiment. Si on n’offre pas ce genre de possibilités aux athlètes autochtones, il est probable que les contextes sportifs les marginalisent.
Ensuite, il est crucial pour les athlètes autochtones de conserver leurs liens avec la communauté et la culture autochtones pendant leur immersion en contexte eurocanadien. Des efforts devraient notamment être déployés pour donner aux athlètes hors-réserve des occasions de participer à des sports en contexte autochtone, comme à l’occasion de pow-wow locaux ou de tournois autochtones. Ces événements sportifs et ces expériences imprégnés de leur culture peuvent aider les athlètes réinstallés à se ressourcer sur le plan culturel et leur permettre de continuer d’évoluer des contextes eurocanadiens, en renforçant leur sentiment d’identité.
Il existe une autre possibilité pour faciliter la réinstallation des athlètes autochtones : partager les histoires inspirantes et instructives d’Autochtones qui poursuivent leurs aspirations sportives et connaissent le succès en dehors des réserves. Ces récits aideraient à encourager les athlètes autochtones en devenir à croire en leurs chances de réussite, car ils sont confrontés aux stéréotypes négatifs qui laissent entendre que les Autochtones ne peuvent pas réussir en dehors des réserves. Par exemple, les mandalas dessinés par les participants dans le cadre du présent projet ont été imprimés sur une couverture de la communauté et exposés sous forme de récit visuel au centre pour les jeunes de la réserve locale. Les dessins des athlètes constituent un récit culturel collectif au sujet de jeunes autochtones qui poursuivent leurs rêves et qui essaient de faire quelque chose de leur vie. Les responsables des sports et des loisirs se servent donc de ces dessins pour faire comprendre aux jeunes à quoi ils peuvent s’attendre en quittant la réserve pour s’installer ailleurs et les inspirer à poursuivre leurs rêves. Une autre possibilité consisterait à inviter des Aînés de l’endroit ou des modèles autochtones à venir faire des présentations dans le cadre des programmes sportifs, afin qu’ils donnent des enseignements culturels et partagent leurs expériences personnelles sur la façon de cultiver la résilience.
Prochaines étapes
Les participants au présent projet se composaient d’athlètes autochtones d’une région de l’Ontario qui avaient conservé certains liens avec leur communauté d’appartenance pendant qu’ils vivaient ailleurs. Or, il existe des athlètes qui ont quitté leur réserve d’appartenance sans entretenir de liens solides avec leur communauté, ou encore qui proviennent de régions différentes du Canada, et ils ne sont pas pris en compte dans la présente recherche. Dans le cadre de recherches futures, les chercheurs pourraient s’appliquer à leur donner voix au chapitre, ce qui permettrait de parvenir à une compréhension plus nuancée de l’expérience vécue par les Autochtones en ce qui a trait au sport.
Principaux intervenants et avantages
- Sport Canada
- Organismes provinciaux, territoriaux et nationaux de sport
- Association canadienne des entraîneurs
- Centres sportifs et récréatifs dans les réserves
- Toutes les personnes et les organisations qui travaillent avec des athlètes autochtones qui ont quitté les réserves