Objectif
Dans la présente étude, nous posons un regard critique sur les modèles actuels de gouvernance et les pratiques inclusives du sport communautaire. Plus précisément, nous cherchons à remettre en question la façon dont nous considérons les bénévoles des conseils d’administration sportifs communautaires et l’efficacité des structures de conseils professionnels.
Cadre
Comme l’a défini le Groupe d’experts de l’Union européenne sur la bonne gouvernance (2013), la gouvernance du sport est « le cadre et la culture dans lesquels un organisme sportif définit sa politique, réalise ses objectifs stratégiques, collabore avec des intervenants, surveille le rendement, évalue et gère les risques, et rend compte de ses activités à ses membres ». Comme l’a relevé Kerwin (2013), les membres d’un conseil d’administration s’identifient à des gens ou à des groupes de leur club sportif, ce qui influe directement (ou indirectement) sur les situations de conflit et de désaccord. Par ailleurs, les caractéristiques identitaires comme le genre, la race, l’(in)capacité, la classe sociale ou la caste, le sexe et l’orientation sexuelle sont des positions sociales qui viennent avec un statut et des pouvoirs sociaux (Satore et Cunningham, 2010). Il est donc important de comprendre la façon dont les diverses identités sociales des membres du conseil d’administration, ainsi que celles des membres de leur famille, influent sur la gouvernance du sport et la prise de décision dans le milieu du sport.
Méthodes
Étant donné la nature exploratoire de l’étude, le choix d’une méthode ethnographique qualitative convenait. Pour un seul sport, six conseils d’administration dans l’ensemble de l’Ontario, au Canada, représentant diverses zones géographiques (urbaines, suburbaines, rurales) et densités de joueurs ont participé à l’étude. Il est important de noter que ces organisations gouvernent des clubs sportifs qui servent des milliers de participants dans la communauté. Nous avons observé les réunions mensuelles ou bimensuelles du conseil d’administration de chaque district pendant un an (69 réunions au total) et réalisé des entretiens avec 30 membres des conseils d’administration des six conseils. Simultanément, l’équipe a procédé à des réunions bihebdomadaires d’analyse pendant deux ans et demi. L’analyse des données a été guidée par une approche interprétative de l’analyse thématique afin que l’on puisse trouver des tendances en matière de signification dans l’ensemble des données qualitatives (Braun et coll., 2016; Sparkes & Smith, 2014).
Constatations
Les résultats préliminaires remettent en question le cadre actuel de la gouvernance sportive selon des archétypes de conception. À l’échelle communautaire, les données suggèrent que des résolutions idiosyncrasiques fondées sur la nature bénévole des conseils et l’équilibre des pouvoirs entre le personnel et les bénévoles doivent être prises en compte pour définir une gouvernance efficace dans ce contexte. En particulier, les cibles identitaires que les membres d’un conseil portent en eux lors de la prise de décision jouent un rôle clé dans la définition de l’orientation des discussions du conseil. Cette constatation est pertinente, car nos résultats révèlent que l’identité d’un conseil façonne le domaine, les principes d’organisation et les définitions de l’efficacité dans ce contexte. Le rôle des membres d’un conseil est essentiel au fonctionnement du conseil.
Nous préconisons plus précisément de remettre en question « ce qui est efficace » lors de l’évaluation de la gouvernance des conseils d’administration sportifs. Nous devons également réfléchir à « qui participe » à la définition de l’efficacité lorsque nous remettons en question les structures de pouvoir dominantes qui contrôlent la culture, les politiques et la prise de décision des conseils depuis des décennies. Même lorsqu’un conseil formule un objectif d’inclusion ou reconnaît qu’une culture plus équitable est nécessaire, on observe le silence, le maintien du statu quo et des pratiques de résistance. Au cours des dernières années, les inégalités liées à la COVID19 ainsi que le mouvement Black Lives Matter ont mis en évidence les tentatives des alliés souhaitant s’aligner sur ces mouvements sociaux. Pourtant, nous observons que ces initiatives ne disposent pas des processus qui permettraient d’assurer un changement durable : manque de clarté (p. ex., les énoncés de mission), de principes d’organisation (p. ex., les codes de conduite) et de pouvoir et de voix au chapitre au sein des relations avec les conseils d’administration.
Répercussions et conseils clés
À mesure que les organismes de gouvernance du sport commencent à fonctionner dans des contextes où des mouvements sociaux plus importants doivent guider la prise de décision, il est important que nous prenions du recul et que nous examinions de façon critique les valeurs que les membres bénévoles de conseils d’administration apportent à leur conseil (p. ex., sport en toute sécurité, sport équitable pour tous, alliance de façade ou alliance en action) conjointement aux valeurs qui soutiennent les structures de gouvernance de la haute direction et des salles de conférence. Pour ce qui est des répercussions concrètes, nous proposons les conseils suivants pour équilibrer les principes de bonne gouvernance et les structures de pouvoir qui sont historiquement ancrées dans les définitions du leadership dans le sport :
- Effectuer un examen régulier des principes liés à l’organisation et à la définition de l’efficacité.
- Évaluer d’un œil critique les personnes qui participent au processus décisionnel.
- Veiller à ce que les notions de diversité et d’inclusion soient intégrées aux principes directeurs qui définissent l’efficacité.
- Transformer les déclarations de façade sur la diversité en actions mesurables.