Résumé du projet
Les programmes de sport et d’exercice de groupe, guidés par l’approche de l’identité sociale1, représentent une stratégie viable pour promouvoir l’activité physique et le bien-être chez les étudiants universitaires, particulièrement dans le contexte de la COVID-19. Les interventions orientées par l’identité sociale visent à cultiver un sentiment de solidarité et de spécificité en regroupant les personnes en fonction de caractéristiques importantes (p. ex. âge, expériences vécues semblables) et en ayant recours à des activités de groupe 2,3. Nous avions pour objectif d’évaluer la faisabilité et l’acceptabilité d’un programme de course et de marche en groupe orienté par l’identité sociale, d’une durée de huit semaines et offert en ligne, afin de favoriser le bien-être et le comportement lié à l’exercice des étudiants universitaires de premier cycle peu actifs (c.-à-d. qui ne satisfont pas actuellement aux lignes directrices canadiennes en matière d’activité physique) durant la pandémie de COVID-19. Au total, 72 étudiants de premier cycle ont été répartis aléatoirement dans le programme de course ou marche en groupe (n = 36) offert sur des plateformes en ligne (Zoom, Strava, Canvas) ou dans le groupe de contrôle de l’attention (n = 36). Les résultats en matière de faisabilité et d’acceptabilité comprenaient l’intérêt pour le programme, l’inscription, le respect de l’étude, la satisfaction à l’égard du programme et l’identification sociale avec les membres du groupe. La taille des effets (pour les analyses de puissance futures) a également été calculée pour les attitudes affectives liées à l’exercice, l’identité liée à l’exercice, le bien-être et le comportement lié à l’exercice. Les expériences et les perceptions des participants (n = 16) à l’égard du programme de course en groupe ont été évaluées au moyen d’entrevues semi-structurées. L’intérêt envers le programme, l’inscription, le respect de l’étude et la satisfaction à l’égard du programme étaient élevés. Cependant, les participants ont déclaré avoir eu des difficultés à établir des liens sociaux profonds avec les membres du groupe au moyen de plateformes en ligne (Zoom et Strava), ce qui pourrait expliquer des effets d’intervention allant de faibles à nuls et une identification sociale modérée avec les membres du groupe (voir ci-dessous). Bien que l’identité sociale des groupes de course semble être une stratégie d’intervention faisable et acceptable, en particulier pour les étudiants universitaires peu actifs, une composante de présence en personne devrait être intégrée pour favoriser un lien social profond entre les membres du groupe et être mise à l’essai avant de mener un essai d’efficacité à grande échelle.
Méthodes de recherche
Plan de l’étude : Essai pilote ouvert contrôlé, à répartition aléatoire, à deux groupes parallèles, d’une durée de huit semaines et préenregistré (numéro d’identification sur le site Clinical Trial : NCT04857918).
Participants : Les étudiants peu actifs de premier cycle ont été recrutés au moyen de diverses stratégies (annonces en classe, publicités, médias sociaux).
Répartition aléatoire : Dès que 12 participants satisfaisaient aux critères d’admissibilité (lors d’un appel de sélection) et avaient répondu au sondage de début d’étude, ils étaient répartis au hasard également (stratifiés selon le genre) soit au programme de course en groupe, en ligne, soit au groupe de contrôle de l’attention.
Description du programme : Les groupes de coureurs étaient formés de six personnes. Tous les participants ont assisté à une première séance d’accueil et d’intégration au programme sur Zoom. Chaque groupe de coureurs avait pour objectif commun de courir et de marcher sur une distance de 940 km (équivalant à la Colombie-Britannique) dans le cadre des huit semaines du programme, et les participants étaient encouragés à respecter individuellement, chaque semaine, les lignes directrices canadiennes en matière d’activité physique. On a demandé aux participants d’enregistrer leurs courses, leurs marches et d’autres exercices sur Strava, et des groupes de course ont été créés sur Strava afin que les participants puissent voir l’activité des autres, les féliciter et leur envoyer des mots d’encouragement. Les groupes de coureurs ont été incités à créer leur propre nom de groupe sur Strava, et les participants ont reçu un T-shirt athlétique portant le logo de l’étude pour encourager la spécificité du groupe. Chaque semaine, les groupes de coureurs ont organisé un café-causerie sur Zoom pour stimuler la connectivité sociale. La plateforme Web (c.-à-d. Canvas) a fourni de l’information sur le programme et des ressources (p. ex. des vidéos de conseils sur la course).
Groupe de contrôle de l’attention : On a demandé aux participants de télécharger Strava et de consigner tous leurs exercices dans l’application, et on les a encouragés à respecter les lignes directrices canadiennes en matière d’activité physique chaque semaine de l’étude.
Évaluation et mesures : La fréquence a été enregistrée pour l’intérêt envers l’étude, l’inscription au programme et le respect de l’étude. Les participants ont rempli un questionnaire au début de l’étude et un autre questionnaire une fois l’étude terminée. Certaines mesures (pour le présent rapport) comprenaient la satisfaction à l’égard du programme4 et l’identification sociale5 avec les membres du groupe (groupe d’intervention et suivi seulement), les attitudes affectives liées à l’exercice6, l’identité liée à l’exercice 7,8, le bien-être (c.-à-d. l’épanouissement9) et les carnets d’entraînement hebdomadaires pour calculer, en moyenne, le nombre de minutes d’exercice modéré à intense par semaine. Les expériences et les perceptions des participants (n = 16) à l’égard du programme de course en groupe ont été évaluées au moyen d’entrevues semi-structurées.
Analyse : En plus des statistiques descriptives pour les critères d’évaluation de la faisabilité et de l’acceptabilité, on a utilisé des analyses de variance de type mixte 2 x 2 pour calculer la condition multipliée par les effets temporels (condition x effets temporels) pour les attitudes affectives, l’identité liée à l’exercice et le bien-être. Nous avons calculé le d de Cohen pour les différences entre les groupes dans le comportement moyen lié à l’exercice hebdomadaire. Les données manquantes au moment du suivi ont été traitées au moyen de méthodes d’intention de traiter (report des résultats de référence). Les entrevues menées une fois le programme terminé ont été transcrites textuellement pour dégager des citations communes qui viennent s’ajouter aux constatations quantitatives. Elles seront analysées à l’aide d’une analyse thématique10 ultérieurement.
Résultats de recherche
Critères principaux d’évaluation de la faisabilité et de l’acceptabilité : Au total, 254 personnes ont manifesté de l’intérêt pour le programme et 72 ont été inscrites. Le taux de rétention dans l’étude était de 90,30 %. La participation moyenne aux cafés-causeries était de 62,88 % chez les participants retenus dans le groupe d’intervention. En moyenne, les participants retenus pour l’étude ont rempli le questionnaire de suivi et le carnet d’entraînement à 96,90 % et à 99,00 %, respectivement. Les participants ont déclaré une satisfaction modérée à élevée à l’égard du programme (moyenne = 4,13; écart-type = 0,73; échelle de 1 à 5) et une identification sociale modérée aux membres du groupe (moyenne = 4,63; écart-type = 1,43; échelle de 1 à 7). Les résultats obtenus à partir des entrevues semi-structurées ont indiqué que les participants étaient satisfaits du programme et ont mis en évidence les avantages de faire partie d’un groupe dans lequel les membres partagent des capacités de course et d’activité physique et des expériences semblables (défis à l’université). Les participants ont également fait remarquer que le fait de voir les autres faire des progrès dans leurs activités physiques ou leurs courses (au moyen de Strava et de cafés-causeries) les motivait à faire de l’exercice. Les participants ont signalé des difficultés à établir des liens sociaux significatifs par Zoom et Strava et ont exprimé le désir de participer à des activités de course et de marche en personne. Dans le cas des attitudes affectives liées à l’exercice, il y a eu un effet temporel important (np2 = 0,180), mais un effet temporel x condition négligeable (np2 = 0,004).
Critères d’évaluation secondaires : Pour l’identité liée à l’exercice, l’effet temporel était important (np2 = 0,216) et l’effet temporel x condition était faible (np2 = 0,025) en faveur du groupe d’intervention. Pour le bien-être, il y avait un effet temporel faible (np2 = 0,035) et aucun effet temporel x condition (np2 = 0,000). Enfin, en ce qui concerne le nombre moyen de minutes d’exercice modérées à intenses par semaine, l’effet d’intervention était faible (d = 0,126), de sorte que les membres du groupe d’intervention ont déclaré une moyenne d’activité physique hebdomadaire plus élevée (moyenne = 157,78 minutes) que les personnes faisant partie du groupe de contrôle (moyenne = 144,17 minutes). Toutefois, après avoir supprimé une valeur aberrante dans le groupe d’intervention (Z = 5,24), la taille d’effet était négligeable (d = -0,045).
Limites : L’étudiant-chercheur (Colin Wierts) a participé directement à l’exécution du programme, ce qui a pu biaiser l’évaluation du programme par les participants.
Conclusions: Un essai d’efficacité à grande échelle semble faisable et acceptable. Cependant, les effets d’intervention, de faibles à négligeables, indiquent qu’il faut travailler davantage pour améliorer le pouvoir de l’intervention. L’intégration d’activités de course de groupe en personne et d’occasions d’établir des relations sociales après les courses peut améliorer l’efficacité de l’intervention et devrait être mise à l’essai dans le cadre d’études pilotes futures.
Incidence du point de vue des politiques et des programmes
Les conclusions de la présente étude ont plusieurs répercussions sur les programmes d’exercice et de sport récréatif visant à favoriser l’activité physique chez les Canadiens, ce qui représente le principal objectif du Comité fédéral-provincial/territorial de l’activité physique et des loisirs. Premièrement, les résultats semblent indiquer que les interventions de groupe dans le sport et l’exercice peuvent être souhaitables pour les personnes qui ne satisfont pas aux lignes directrices canadiennes en matière d’activité physique. Deuxièmement, il est important de regrouper les personnes en fonction de leurs capacités sportives et de leur expérience commune (p. ex. similitudes sur le plan professionnel). Troisièmement, les personnes souhaitent établir des liens sociaux significatifs avec les membres de leur groupe. Les concepteurs de programmes devraient donc envisager d’intégrer des composantes d’interactions sociales non structurées après une séance d’exercice ou de sport en personne (p. ex. cafés-causeries).
Prochaines étapes
Compte tenu du niveau d’intérêt pour le programme et du taux de rétention dans l’étude, un essai d’efficacité à grande échelle devrait être élaboré et réalisé. Les futurs essais d’efficacité tireraient profit de l’intégration et de la mise à l’essai d’une composante de course en personne proposant du temps pour établir des relations sociales de façon non structurée après l’exercice.
Application des connaissances
Le rapport sur l’application des connaissances devrait être transmis au Comité fédéral-provincial/territorial de l’activité physique et des loisirs.