
Pour beaucoup, le sport est avant tout une source de plaisir. C’est ce qui pousse les enfants à s’inscrire dans des ligues de soccer, à rejoindre des équipes de hockey ou à adhérer à des clubs d’aviron. Mais qu’est-ce qui rend le sport réellement amusant? Et comment les entraîneurs et les responsables de programmes peuvent-ils faire en sorte que le plaisir ne soit pas une simple réflexion après coup, mais une composante essentielle de l’expérience sportive?
Erin Sharpe, professeure associée au département des études sur les loisirs de l’Université Brock et responsable du programme d’aviron récréatif pour les jeunes au St. Catharines Rowing Club, s’est penchée directement sur ces questions. Son approche? L’utilisation d’un outil appelé FUN MAPS.
Qu’est-ce que FUN MAPS?
Mme Sharpe, elle-même rameuse de haut niveau, a découvert FUN MAPS alors qu’elle cherchait un moyen de reconstruire les programmes pour les jeunes de son club après la pandémie de la COVID-19. Elle avait besoin d’un outil lui permettant de créer un environnement où les enfants ne se contenteraient pas de pratiquer un sport, mais y prendraient réellement plaisir. Le problème, a-t-elle constaté, est que le mot plaisir est omniprésent dans notre vocabulaire, mais rarement défini avec précision.
C’est précisément à cette question que FUN MAPS apporte une réponse. Développée à l’origine par la Dre Amanda Visek, professeure associée au département des sciences de l’exercice et de la nutrition de l’École de santé publique de l’Institut Milken de l’Université George Washington, cette méthode repose sur des recherches identifiant les éléments clés qui rendent le sport agréable pour les jeunes athlètes. Plutôt que de simplement demander aux enfants ce que signifie s’amuser—une question qui mène souvent à une impasse—les chercheurs ont exploré ce qui rend le sport plus amusant et ce qui, au contraire, lui enlève son attrait.
Le résultat? Une approche structurée basée sur des modèles scientifiques pour mieux comprendre et concevoir le plaisir dans le sport. Pour Mme Sharpe, dont le travail consiste à initier les enfants à l’aviron, c’était exactement le cadre dont elle avait besoin.
Les résultats, dit-elle, ont changé la donne.
Décortiquer les éléments du plaisir
En discutant avec 142 joueurs de soccer âgés de 8 à 19 ans de tout ce qui rendait le sport amusant pour eux, ils sont parvenus à 81 déterminants de l’amusement. Mme Visek a ensuite réduit cette liste et identifié 11 déterminants clés du plaisir dans le sport, mais 4 d’entre eux sont arrivés en tête (et continuent d’arriver en tête au fur et à mesure que ses recherches se poursuivent) :
- Essayer fort – L’opportunité de se pousser, de tester ses limites et de s’engager dans un effort physique.
- Dynamique d’équipe positive – Sentiment d’appartenance à un groupe, esprit sportif et encouragements de la part des coéquipiers.
- Entraînement positif – Avoir des entraîneurs qui soutiennent, motivent et créent un environnement sûr et accueillant.
- Apprendre et s’améliorer – La satisfaction de développer de nouvelles compétences et de constater des progrès au fil du temps.
À première vue, certaines de ces conclusions peuvent sembler contre-intuitives. Le plaisir n’est-il pas censé être synonyme de détente et de relaxation? Ce n’est pas forcément le cas.

Le facteur numéro un? « La possibilité de faire des efforts, explique Mme Sharpe. Les enfants ne considèrent pas l’effort comme le contraire du plaisir, il en fait partie. En intégrant cette idée dans les programmes et en réfléchissant à des façons de créer des expériences où les enfants ont l’occasion de se dépasser… c’est une manière différente d’aborder le plaisir dans le sport, par rapport à ce que nous avons vu auparavant, je pense.
Un autre élément clé sur lequel s’appuie Mme Sharpe est l’entraînement positif, où l’entraîneur encourage son équipe grâce à une communication claire et cohérente, en permettant les erreurs tout en maintenant une attitude bienveillante.
Pour Mme Sharpe, un élément en particulier est ressorti. « Un entraîneur qui participe aux entraînements avec les joueurs, explique-t-elle. C’est une chose à laquelle nous avons vraiment adhéré en tant qu’équipe. Cela remettait en question l’idée traditionnelle selon laquelle les entraîneurs devraient rester en retrait et se contenter d’observer. Au contraire, nous avons constaté que les enfants réagissaient très bien lorsque les entraîneurs étaient engagés, actifs et travaillaient à leurs côtés. »
Mais une approche axée sur le plaisir ne se limite pas à transformer les styles d’entraînement : elle modifie aussi la façon dont les jeunes athlètes eux-mêmes vivent leur sport.
« Pour les enfants, le fait de voir que l’entraînement est un facteur déterminant du plaisir a vraiment compté, explique Mme Sharpe. Sachant cela, les entraîneurs l’ont vraiment pris à cœur, car nos entraîneurs sont eux-mêmes des athlètes en âge d’aller au secondaire ou à l’université, et ils passent du statut d’athlètes à celui d’entraîneurs juniors ou seniors. »
Selon Mme Sharpe, les plans d’amusement permettent de jeter les bases d’un bon entraînement en gardant tout le monde « sur la même longueur d’onde ».
FUN MAPS et rétention dans le sport
L’un des plus grands défis du sport pour la jeunesse est de maintenir l’engagement des enfants dans la durée.
Le club d’aviron de Mme Sharpe a pu constater les bienfaits des plans d’amusement en action. Elle est convaincue de leur efficacité, mais aussi de l’importance de les combiner avec une progression sportive bien structurée, comme celle mise en place par le club.
Pour combler l’écart entre les programmes d’apprentissage de l’aviron et les équipes de compétition, Mme Sharpe et son équipe ont créé un programme spécialement destiné aux élèves de 7e et 8e année. Ces jeunes étaient trop âgés pour les programmes d’initiation, mais pas encore admissibles à l’aviron de compétition, qui débute généralement au secondaire.
« Ils avaient besoin de quelque chose qui ne soit pas simplement un substitut, mais qui leur donne un véritable sentiment d’appartenance », explique Mme Sharpe. Les plans d’amusement nous ont aidés à concevoir ce programme autour d’une dynamique d’équipe positive. L’accent était mis sur le travail en équipe, même si les enfants ne participaient pas encore à des compétitions officielles. C’était un espace où ils pouvaient développer leurs compétences tout en conservant le plaisir de faire du sport. »
De plus, plutôt que de supposer ce que les enfants pourraient aimer, Mme Sharpe a utilisé un plan amusant pour façonner tous les aspects de son programme d’aviron.
Par exemple, ayant compris qu’une dynamique d’équipe positive était cruciale, Mme Sharpe a revu la façon dont les participants étaient regroupés. « L’aviron n’est pas toujours considéré comme un sport d’équipe au niveau de l’initiation, explique-t-elle. Les enfants viennent en tant qu’individus. Mais sachant à quel point le sentiment d’appartenance est important, nous avons structuré les activités de manière à ce qu’ils aient l’impression de faire partie d’une équipe dès le premier jour. »
De même, sachant que l’effort est un facteur clé du plaisir, Mme Sharpe a veillé à ce que chaque participant, quelles que soient ses capacités, soit mis au défi d’une manière appropriée. « La difficulté est différente pour chaque enfant”, explique-t-elle. Nous nous sommes efforcés de créer des petits groupes où chaque enfant pouvait se dépasser à son propre niveau. »
Modifier les stratégies d’entraînement
La mise en œuvre des plans d’amusement a nécessité non seulement une refonte du programme, mais aussi une évolution des stratégies d’entraînement. « Nous devions nous assurer d’avoir suffisamment d’entraîneurs pour offrir des expériences en petits groupes et un encadrement individualisé », explique Mme Sharpe. Cela impliquait un besoin accru de personnel, engendrant un coût supplémentaire, mais le programme considérait cet investissement comme essentiel.
L’équipe d’encadrement a également pris le temps de réfléchir à ses propres expériences. « Nous leur avons demandé de se remémorer ce qui, pour eux, avait rendu le sport amusant, explique Mme Sharpe. Cela nous a permis de définir ensemble ce que le plaisir devrait représenter dans notre programme. »
En mettant l’accent sur un entraînement positif, le programme a privilégié le soutien plutôt que la critique. Il ne s’agissait pas seulement d’enseigner des techniques, précise Mme Sharpe, mais surtout de créer un environnement où les enfants se sentent encouragés et valorisés.
Les plus grandes idées fausses sur le plaisir et le sport
Si le plaisir est un ingrédient clé pour inciter les enfants à faire du sport, pourquoi est-il souvent négligé?
« Nous avons tendance à considérer le plaisir et le développement comme des choses distinctes, alors qu’en réalité, ce n’est pas le cas, explique Mme Sharpe. Il y a cette idée que le sport doit être soit amusant, soit sérieux. Mais ce que les plans d’amusement ont montré, c’est que les enfants trouvent en fait du plaisir à travailler dur, à s’améliorer et à se lancer des défis. »

Elle s’oppose également à l’idée selon laquelle le plaisir et la victoire sont incompatibles. « Faire des efforts est en tête de liste de ce qui rend le sport amusant pour les enfants, dit-elle. La compétition, le fait de se mettre à l’épreuve, de réaliser quelque chose de difficile, tout cela fait partie de ce qui rend le sport agréable. »
Les plans d’amusement au service d’un plus grand nombre de sports
Quels conseils Mme Sharpe donne-t-elle aux autres directeurs de programmes sportifs désireux d’intégrer les plans d’amusement dans leurs propres clubs?
« Commencez par la recherche, dit-elle. Les travaux d’Amanda Visek sont largement disponibles et elle a fait un travail incroyable pour les rendre accessibles. »
En outre, elle recommande d’adapter le cadre aux besoins uniques de chaque sport. « Les plans d’amusement eux-mêmes sont généraux, mais ce que nous avons fait, c’est la prendre et nous demander à quoi cela ressemble dans notre sport, ou à quoi ressemble l’apprentissage ou une pratique bien organisée dans notre sport. Mais les principes s’appliquent partout. »
Une approche différente de l’amusement
La vision traditionnelle du plaisir dans le sport repose souvent sur l’excitation, la légèreté et les interactions sociales. Mais la cartographie de l’amusement offre une perspective plus large, intégrant également l’effort, le défi et la progression.
Cette approche a des implications majeures, non seulement pour le sport chez les jeunes, mais aussi à tous les niveaux de participation. Elle remet en question l’idée que compétition et plaisir s’opposent, démontrant au contraire qu’un défi bien adapté renforce le plaisir.
Pour les parents, les responsables de programmes et les entraîneurs, les plans d’amusement offrent un moyen concret de garantir que le sport reste une expérience positive.