Au-delà du retour : Ce que les médias révèlent au sujet des mères athlètes d’Équipe Canada et comment les organismes de sport peuvent les soutenir

À moins d’un an des Jeux olympiques d’hiver de 2026, les athlètes sont en pleine préparation, déterminées à représenter l’équipe canadienne. Pour des vétérantes comme la skieuse acrobatique Cassie Sharpe et l’attaquante de hockey Natalie Spooner, ce cycle olympique a toutefois une signification particulière : toutes deux sont devenues mères après avoir remporté une médaille aux Jeux de 2022.

Les médias ont rapidement célébré le retour de Sharpe et de Spooner à la compétition d’élite en tant que mères, témoignant d’un changement culturel dans la manière dont on perçoit la quête de l’excellence sportive après la maternité. Ces récits mettent toutefois aussi en lumière la réalité complexe que vivent les mères athlètes dans le monde du sport.

Pour mieux comprendre ces expériences, notre étude examine les thèmes récurrents dans la couverture médiatique des mères athlètes d’élite. Dans nos recherches antérieures sur la représentation médiatique entourant les Jeux olympiques de 2020 et 2024, nous avons constaté que les médias présentaient souvent les mères athlètes comme défiant les stéréotypes selon lesquels les corps post-partum sont affaiblis, ou encore comme des super-mamans qui se débrouillent seules. Nous avons également observé une évolution : de plus en plus de mères athlètes utilisent les médias pour dénoncer la pénalité liée à la maternité dans le sport — c’est-à-dire la discrimination (par exemple, la perte d’une place en raison d’une grossesse) et le sexisme (comme le manque d’installations et de ressources) auxquels elles sont confrontées en raison de leur nouveau statut de mère.

Cet article s’appuie sur les résultats de notre recherche portant sur des articles de presse concernant des mères athlètes- vétérantes canadiennes. Nous définissons ce groupe comme étant composé d’athlètes âgées de 32 à 41 ans ayant participé à plusieurs éditions des Jeux olympiques. En comprenant mieux les obstacles auxquels ces mères sont confrontées, les intervenants du milieu sportif peuvent mieux soutenir leur retour et leur participation continue au sport de haut niveau.

Deuxième chance et « rédemption » de carrière

Notre analyse des représentations médiatiques de mères athlètes olympiques canadiennes, comme Melissa Bishop-Nriagu, Catherine Pendrel, Malindi Elmore et Danielle Lawrie, révèle que leur retour à la compétition est souvent présenté comme une occasion de seconde chance. La couverture médiatique met de l’avant des récits de rédemption, qu’elle soit personnelle ou professionnelle, ainsi qu’un retour à la force physique et mentale. Même si ces récits s’appuient sur les paroles des athlètes elles-mêmes, les médias tendent à encadrer leurs témoignages de manière à ce que leur identité de mères-athlètes soit perçue comme un atout — une source de nouvelles perspectives et d’une plus grande résilience face aux exigences du sport de haut niveau.

Nos résultats font également ressortir une tension persistante autour du concept de la « bonne maternité ». Cette norme culturelle suppose que les mères doivent constamment faire passer leurs enfants avant leur carrière, y compris leur entraînement sportif, afin de répondre aux attentes sociales liées à leur rôle parental. Ce modèle impose parfois aux athlètes un choix difficile entre la maternité et leur carrière sportive, ou encore une pression accrue à exceller dans les deux sphères. Les médias soulignent fréquemment cette réalité, évoquant notamment la « culpabilité maternelle » ressentie par plusieurs athlètes durant leur préparation olympique. Par exemple, un article décrit Melissa Bishop-Nriagu admettant qu’elle se sentait « un peu triste d’être loin de sa fille » et se demandant si « tout cela en vaut la peine ».

Les résultats de ces reportages ont montré que ce travail émotionnel était atténué par le soutien des partenaires, des membres de la famille, des coéquipiers et des entraîneurs, comme en témoignent les discussions avec les athlètes dans les médias sur l’importance des systèmes de soutien.

Modèles de rôle

Une autre représentation médiatique dominante identifiée dans notre recherche sur la « pénalité de la maternité dans le sport » est celle des mères athlètes en tant que modèles de changement, ouvrant de nouvelles voies pour les générations futures de femmes dans le sport. Les reportages présentent souvent ces athlètes comme des pionnières qui défendent les droits des mères et démontrent que la maternité n’est ni un frein à la carrière sportive ni un obstacle à la performance. Ce rôle de porte-voix découle d’un manque criant de soutien et de ressources pour les mères athlètes. Des figures comme la basketteuse Kim Gaucher et la boxeuse Mandy Bujold illustrent bien ce phénomène, en utilisant les médias pour faire entendre leur voix et faire progresser les droits liés à la maternité dans le sport d’élite.

Mme Bujold a remporté une victoire juridique importante contre le Comité international olympique (CIO), entraînant une modification des critères de qualification olympique afin d’inclure les athlètes enceintes ou en post-partum pendant la période de qualification, même de façon rétroactive. De son côté, Mme Gaucher a milité pour que les mères allaitantes puissent amener leur enfant aux Jeux olympiques — une interdiction imposée pendant la pandémie — et a obtenu gain de cause. Toutes deux ont ensuite représenté le Canada aux Jeux de Tokyo.

Revenir plus fort et plus sage

Les récits médiatiques analysés dans le cadre de notre recherche révèlent également que les athlètes vétérantes sont souvent sous-estimées après l’accouchement, mais présentées comme revenant plus fortes, plus sages et dotées d’une nouvelle perspective. Ces récits célèbrent la « force de la mère », la résilience mentale, et l’expérience acquise grâce à la maternité, tout en mettant en valeur leur statut d’athlètes aguerries. En parallèle, ils illustrent aussi les doutes et les surprises exprimés par les athlètes elles-mêmes quant à leurs performances post-partum. Par exemple, malgré leur statut olympique, Catherine Pendrel et Malindi Elmore ont déclaré ne pas s’attendre à pouvoir concourir à nouveau au plus haut niveau, soulignant ainsi l’incertitude et les défis de leur parcours sportif après la maternité.

Bien que certaines mères athlètes aient adopté un état d’esprit plus flexible pour concilier les exigences de la maternité et de la carrière, la persistance des doutes quant à leurs capacités physiques met en lumière un manque de connaissances scientifiques et de ressources spécifiques pour les athlètes enceintes ou en post-partum. Certaines se montrent même méfiantes envers les informations qui leur sont proposées. Cette incertitude souligne l’importance de mettre en place des soutiens sociaux et structurels adaptés, afin que les athlètes ne soient pas seules à porter la responsabilité de gérer leur maternité tout en poursuivant leur carrière sportive.

Comment le système sportif peut agir

Nos recherches sur les reportages dans les médias révèlent des progrès pour les mères d’athlètes d’élite, en particulier en ce qui concerne la présentation de leur carrière sportive. Nos résultats mettent également en évidence les obstacles et les croyances persistantes concernant le sport et la maternité. Ces informations nous permettent de formuler quelques recommandations à l’intention des organisations sportives :

  • Présenter la famille comme une source d’action et de croissance : Les mères d’athlètes vétérantes ont exprimé les effets positifs de leur identité d’athlète-mère. Leurs expériences s’inscrivent dans les appels récents à bâtir un système sportif canadien axé sur la personne, qui reconnaît la valeur des athlètes au-delà de leurs performances. Ces femmes devraient être soutenues dans la poursuite de carrières longues et fructueuses, plutôt que sous-estimées. Les intervenants qui les accompagnent peuvent contribuer à déstigmatiser la maternité en les encourageant à poursuivre leur parcours sportif dans une perspective holistique et centrée sur la personne.
  • Créer des systèmes de soutien : De nombreuses athlètes retardent ou renoncent à la maternité en raison de l’incertitude liée à leur niveau de performance post-grossesse ou à la difficulté de concilier maternité et exigences sportives (par exemple, l’entraînement ou les déplacements). C’est en partie ce qui explique pourquoi plusieurs choisissent d’avoir des enfants à un stade plus avancé de leur carrière. Les organisations sportives devraient recruter activement des experts en sciences du sport afin d’informer les athlètes sur les soutiens existants pour celles qui envisagent une famille ou qui reviennent en tant que mères. Elles devraient aussi faciliter l’accès à des ressources externes telles que le réseau MOMentum Peer-to-Peer.
  • Les récits médiatiques comme opportunités d’apprentissage : Notre recherche montre que les récits médiatiques peuvent à la fois sensibiliser, déconstruire des mythes, remettre en question le statu quo… mais aussi renforcer certains stéréotypes. Les organisations sportives gagneraient à utiliser leurs plateformes médiatiques pour mettre en lumière les histoires des mères d’athlètes vétérantes, en illustrant leurs réalités, leurs luttes et leurs réussites. Nous encourageons des partenariats avec ces femmes afin qu’elles puissent partager leurs récits authentiques, tout en valorisant la diversité des expériences : mères LGBTQ+, en situation de handicap ou encore mères célibataires.

About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

Jill Moffatt, OLY, est candidate au doctorat à l’Université Laurentienne, où elle étudie la maternité chez les athlètes d’élite ainsi que la couverture médiatique du sport, sous la supervision de la Dre Kerry McGannon. Double olympienne en aviron (Tokyo 2020, Paris 2024), elle est également cofondatrice de MOMentum, un organisme à but non lucratif primé qui soutient les athlètes féminines d’élite canadiennes dans leur planification familiale.

Instagram : @jillmoffatt
X (Twitter) : @jillmoffatt

Kerry R. McGannon, Ph. D., est professeure titulaire à l’École de kinésiologie et des sciences de la santé de l’Université Laurentienne. Ses recherches visent à faire progresser la compréhension de l’équité entre les genres et de l’inclusion dans le sport. Ses travaux portent sur les identités croisées (par exemple : race, orientation sexuelle, genre, âge) en lien avec les dynamiques de discrimination et de privilèges dans les milieux sportifs et d’activité physique. Elle s’intéresse également aux médias comme outil de compréhension et de mobilisation des connaissances sur la participation sportive et l’équité. Cette approche alimente à la fois son enseignement et la formation de la relève académique.

Déclaration de financement : Ce travail a été soutenu par une subvention Insight du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada – 435-2021-0033.

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