Appuyer l’excellence : Cultiver la réussite dans un environnement sportif sain

Introduction et contexte

La sécurité dans le sport reste une priorité absolue au Canada, grâce aux efforts continus déployés pour lutter contre la maltraitance à tous les niveaux dans le sport. Bien que la violence sexuelle soit le sujet le plus souvent abordé dans la recherche et la pratique, avec comme discours qu’il faut protéger les enfants des « pommes pourries » et des « prédateurs », les études canadiennes1,2 et internationales3,4 sur la prévalence des taux de maltraitance indiquent que la violence psychologique et la négligence sont les formes de maltraitance les plus souvent signalées par les athlètes. La prévalence de ces problèmes est souvent liée à la normalisation de comportements nuisibles, à la croyance que ces comportements améliorent les performances et à une mentalité dominante de victoire à tout prix5.

Pour contrer ces pratiques nuisibles, des styles d’entraînement qui favorisent l’autonomie ou qui sont axés sur l’athlète ont été recommandés afin de placer ce dernier au centre de son expérience de manière globale6. Bien que ces méthodes d’entraînement positives puissent optimiser la satisfaction et la fidélisation des athlètes7, leur incidence directe sur les résultats de haute performance n’est toujours pas claire. De nombreux entraîneurs hésitent à adopter ces techniques en raison du manque de données probantes établissant un lien entre les styles d’entraînement positifs et la performance8, surtout si la sécurité de leur emploi dépend des performances de leurs athlètes ou équipes. Par conséquent, l’objectif de cette étude est de comprendre comment des médailles internationales peuvent être obtenues grâce à une expérience sportive positive. Ensuite, nous avons cherché à explorer les caractéristiques d’une expérience positive saine qui influencent la performance (p. ex. les comportements, l’environnement, les techniques d’entraînement).

Méthodes

Des entretiens ont été menés auprès de 13 athlètes olympiques et paralympiques ayant remporté au moins une médaille aux Jeux olympiques ou paralympiques, aux championnats du monde ou aux Jeux panaméricains ainsi qu’auprès de 11 entraîneurs olympiques et paralympiques de médaillés internationaux. Les participants ont été sélectionnés à dessein pour avoir remporté des médailles dans un environnement d’entraînement positif.

Principales constatations et répercussions

Les résultats indiquent que des médailles peuvent être gagnées sur la scène internationale dans des environnements qui favorisent le bien-être global. Ce sentiment a été résumé par une championne olympique qui a comparé ses performances sportives dans des environnements positifs et négatifs. Elle a souligné qu’elle parvenait à s’épanouir dans un environnement sportif positif, alors qu’elle était épuisée, démotivée et rancunière dans un environnement malsain, ce qui avait une incidence négative sur ses performances.

« Il ne s’agit pas d’une théorie abstraite voulant que si on traite mieux les gens, ils feront mieux. Non, c’est quelque chose de bien tangible. Il existe des preuves. J’ai une médaille d’or chez moi qui prouve que c’est possible. Il faut donc adhérer au programme et arrêter de traumatiser les athlètes. »

Un environnement positif présente également d’autres avantages, notamment la perception d’une amélioration de la performance, la satisfaction relative à la performance, la facilité d’entraînement, la résilience, le plaisir et la longévité dans le sport. Ces avantages créent un effet cyclique qui contribue à améliorer encore plus la performance. En revanche, les participants qui avaient auparavant évolué dans des environnements sportifs malsains ou des environnements axés seulement sur la performance ont fait état d’une diminution de leur performance, de leur motivation et de leur bien-être. Même lorsque des médailles ont été obtenues dans des environnements négatifs, les participants ont expressément indiqué que l’atteinte de la performance souhaitée ne valait pas les aspects malsains. De nombreux participants ont donc refusé de rester dans des environnements où règne une mentalité de victoire à tout prix. Ces résultats sont essentiels pour la communauté sportive canadienne, car ils fournissent des preuves empiriques que les athlètes peuvent avoir des performances exceptionnelles si on adopte une approche plus positive.

Les 24 entraîneurs et athlètes interrogés ont discuté de quatre facteurs interdépendants d’un environnement sportif sain. Les attributs comprenaient le tempérament de l’athlète (motivation intrinsèque, orientation vers des objectifs, travail acharné, se mettre une pression énorme), le tempérament de l’entraîneur (humble, détendu, techniques d’entraînement suivantes : soutien à l’autonomie, centré sur l’athlète, comprend le lien entre le corps et l’esprit), la relation entraîneur-athlète (respect mutuel, confiance, communication ouverte, pouvoir équilibré et respect des limites) et l’environnement d’entraînement (s’amuser, milieu sécuritaire et positif, qui encourage le travail d’équipe, et priorité à l’équilibre entre le sport et la vie personnelle). La figure 1 résume les interactions entre les caractéristiques nécessaires à une expérience sportive saine.

A diagram of training and coaching

Description automatically generated
Figure 1. Expérience sportive saine

Enfin, l’une des conclusions les plus remarquables de cette étude est que la définition de la réussite chez les athlètes ne se limite pas aux médailles obtenues. Une nouvelle définition de la réussite est donc proposée et intègre les cinq composantes d’une expérience sportive réussie :

Excellence des performances personnelles

    « Je pense que pour moi, gagner ou être le meilleur n’est jamais le but. C’est plutôt de donner le meilleur de soi-même, d’essayer d’atteindre un certain résultat ou d’acquérir une nouvelle compétence […] »

    Développement personnel

    « Mon directeur de haute performance et moi, on dit toujours qu’on veut juste créer de bonnes personnes. Aux Jeux olympiques, quand notre équipe a réalisé de bonnes performances, il paraît que beaucoup de médias et de gens qui ne connaissaient rien au sport ou ne faisaient pas partie de notre programme aimaient jaser avec nous parce qu’on est gentils. Pour moi, on avait déjà gagné. La médaille, c’était un plus. »

    Bien-être

    « Je pense que le bien-être des athlètes doit être la priorité absolue. Même si je veux gagner une médaille d’or aux Jeux olympiques, je veux être en bonne santé physique et mentale ET sentir que mon bien-être est pris en compte. Peu importe l’objectif, il faut que ce soit clair qu’on ne dépassera pas les limites pour l’atteindre. »

    Satisfaction

    « Je pense que le sport de haut niveau est comme le sport au niveau local. Pourquoi les jeunes font-ils du sport? Ils en font entre autres pour le plaisir, l’amitié, l’entraînement physique et la joie de participer à une activité de groupe. Le sport, c’est ça à tous les niveaux, et on en a fait une entreprise. »

    Longévité de la pratique sportive

    « Il faut non seulement avoir du talent, mais aussi s’assurer qu’il reste… Devenir une jeune femme avec ce stress, cette pression et cette discipline, c’était insupportable… Avec mon nouvel entraîneur, je peux continuer d’être moi-même, avoir des loisirs et vivre une vie vraiment normale, c’est beaucoup plus acceptable… J’ai excellé dans [des environnements positifs et négatifs], mais l’important, c’est le long terme. »

    Points forts et limites

    L’échantillon de la population constitue à la fois une force et une limite de cette étude. Les connaissances acquises grâce à ce sous-ensemble d’entraîneurs et d’athlètes de haut niveau ont permis d’acquérir une solide compréhension des techniques d’entraînement efficaces. Cette recherche est en quelque sorte une « classe de maître » en matière d’entraînement de haut niveau. Toutefois, la spécificité de cet échantillon signifie qu’il ne reflète pas nécessairement les points de vue et les expériences des athlètes et des entraîneurs à d’autres niveaux (p. ex. au niveau local ou provincial). Par conséquent, il reste du travail à faire pour explorer ces concepts, en particulier la conceptualisation de la réussite, au sein d’une population plus large et diversifiée. De plus, la collecte de données quantitatives explorant les relations entre les styles d’entraînement, l’amélioration de la performance et les indicateurs de la santé mentale permettrait de consolider ces résultats.

    Conclusions et prochaines étapes

    En conclusion, cette étude prouve que les athlètes peuvent réussir dans des environnements sportifs sains. Ce constat est important, car il combat les croyances prédominantes selon lesquelles les entraîneurs doivent utiliser des tactiques abusives, comme crier, rabaisser et forcer la soumission des athlètes pour obtenir des résultats9. Les conclusions des athlètes et entraîneurs de haut niveau de cette étude indiquent une préférence pour des environnements sportifs sains, qui peuvent contribuer à de bonnes performances et au développement personnel. Les prochaines étapes de ce projet comprendront la formation des entraîneurs et la compréhension des obstacles auxquels les entraîneurs et les organisations sportives font face lorsqu’ils essayent de mettre en place un environnement sportif positif.

    Remarque : Afin d’améliorer la mise en application des connaissances, les autrices travaillent avec l’Association canadienne des entraîneurs pour élaborer un rapport et une trousse d’outils à l’intention des entraîneurs. Ces documents sont offerts à l’automne 2024.

    Bibliographie

    • Willson, E., Kerr, G., Stirling, A. et Buono, S., « Prevalence of maltreatment among Canadian national team athletes », Journal of Interpersonal Violence, vol. 37, 2022, p. 21-22, NP19857-NP19879.
    • Parent, S. et Fortier, K., « Prevalence of interpersonal violence against athletes in the sport context », Current Opinion in Psychology, vol. 16, 2017, p. 165-169.
    • Hartill, M., Rulofs, B., Allroggen, M., Demarbaix, S., Diketmüller, R., Lang, M. et Vertommen, T., « Prevalence of interpersonal violence against children in sport in six European countries. » Child Abuse & Neglect, vol. 146, 2023, 106513.
    • Ohlert, J., Vertommen, T., Rulofs, B., Rau, T. et Allroggen, M., « Elite athletes’ experiences of interpersonal violence in organized sport in Germany, the Netherlands, and Belgium », European Journal of Sport Science, vol. 21, no 4, p. 604-613.
    • Roberts et coll., « Organisational factors and non-accidental violence in sport: A systematic review » Sport Management Review, vol. 23, no 1, 2020, p. 8-27.
    • Gurgis, J., Kerr, G. et Stirling, A., « Advancing autonomy-supportive coaching through the application of the transtheoretical model », Routledge Handbook of Athlete Welfare, 2020, p. 396-407. Routledge.
    • Appleton, P. R. et Duda, J. L., « Examining the interactive effects of coach-created empowering and disempowering climate dimensions on athletes’ health and functioning », Psychology of Sport and Exercise, vol. 26, 2016, p. 61-70.
    • McMahon, J. et Zehntner, C., « Shifting perspectives: Transitioning from coach centered to athlete centered », Journal of Athlete Centered Coaching, vol. 1, no 2, 2014, p. 1-19.
    • Stirling, A. E., « Understanding the use of emotionally abusive coaching practices », International Journal of Sports Science & Coaching, vol. 8, no 4, 2013, p. 625-639.

    About the Author(s) / A propos de(s) l'auteur(s)

    Erin Willson, Ph. D., Université de Toronto

    Les informations présentées dans les blogs du SIRC et les articles du SIRCuit sont exactes et fiables à la date de leur publication. Des développements survenus après la date de publication peuvent avoir une incidence sur l’exactitude actuelle des informations présentées dans un blog ou un article publié antérieurement.
    Restez connecté

    Les nouvelles vont vite! Livré directement dans votre boîte de réception, le bulletin quotidien virtuel du SIRC vous permettra d’être à l’affut des dernières nouvelles, événements, emplois et connaissances dans le domaine du sport au Canada.

    Articles récents

    S'abonner au quotidien sportif canadien

    Les nouvelles vont vite! Livré directement dans votre boîte de réception, le bulletin quotidien virtuel du SIRC vous permettra d’être à l’affut des dernières nouvelles, événements, emplois et connaissances dans le domaine du sport au Canada.

    Abonnez-vous à nos infolettres

    Les nouvelles vont vite! Livré directement dans votre boîte de réception, le bulletin quotidien virtuel du SIRC vous permettra d’être à l’affut des dernières nouvelles, événements, emplois et connaissances dans le domaine du sport au Canada.

    "*" indique les informations requises

    Groupes*
    Skip to content