Cela fait presque un quart de siècle que le hockey sur glace féminin a fait ses débuts aux Jeux olympiques de Nagano, au Japon. Malgré une défaite crève-cœur de l’équipe canadienne en finale de la première compétition olympique de hockey féminin, il s’agissait d’un grand pas en avant pour le hockey féminin sur la scène internationale. Depuis, le Canada s’est imposé comme une puissance du hockey féminin, se qualifiant pour toutes les finales olympiques à ce jour et remportant cinq médailles d’or (2002, 2006, 2010, 2014, 2022).
Mais qu’est-ce qui stimule la participation au hockey féminin? Malgré les succès récents de notre équipe nationale de hockey féminin à Beijing, le fait est que les femmes représentent moins de 20 % des joueurs au Canada. Pour maintenir notre statut de leader mondial et continuer de promouvoir notre sport national, nous devons mieux comprendre les motivations et les facteurs qui influencent la participation féminine au hockey.
À cette fin, nous avons mené une étude sur les hockeyeuses québécoises avec le soutien d’une subvention de jumelage chercheurs-praticiens due SIRC. Nous avons reçu des réponses de 290 femmes suite à un sondage et avons interviewé 10 de ces répondantes qui étaient impliquées dans différents niveaux de hockey. Dans ce billet de blogue, nous vous dressons un aperçu des résultats en discutant de ce qui motive les femmes du Québec à jouer au hockey, des facteurs qui stimulent ou limitent leur participation, et des solutions possibles pour augmenter le nombre de joueuses au hockey.
Obstacles à la participation des filles et des femmes au hockey au Québec
En 2021, on rapporte que l’Ontario comptait 8 fois plus de filles dans ses équipes de hockey que le Québec. Les inscriptions de filles représentent 21 % de toutes les inscriptions en Ontario, alors qu’elles représentent qu’environ 10 % au Québec. Une des raisons possibles de cet écart est que le hockey est plus difficile d’accès pour les filles et les femmes au Québec.
Au Québec, il est fréquent de voir évoluer avec des garçons les jeunes filles qui veulent atteindre les plus hauts niveaux de hockey. Prenons l’exemple le plus récent d’une athlète qui a fait la manchette grâce à ses exploits sur la glace : la gardienne de but Ève Gascon. Ève est la première femme en 22 ans (depuis Charline Labonté en 2000) à non seulement lacer les patins, mais aussi à enregistrer une victoire dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ). Ève a joué au hockey avec des garçons toute sa vie, pour finalement progresser dans le réseau collégial masculin de la division 1, où elle joue actuellement. En 2020, elle a signé son premier contrat de hockey féminin avec l’Université du Minnesota, qu’elle s’est engagée à rejoindre en 2022 ou 2023, une fois qu’elle aura obtenu son diplôme universitaire. Son parcours est remarquable, mais il montre aussi à quel point il est difficile pour les filles et les femmes de progresser vers les plus hauts niveaux de ce sport.
Dans l’étude menée à Trois-Rivières, nous avons constaté que l’accessibilité au hockey féminin est un problème bien réel. Les participantes qui ont déclaré jouer dans des ligues masculines l’ont fait principalement parce qu’il n’y avait pas de ligues féminines dans leur région ou parce que le calibre du hockey masculin était plus approprié à leur développement. Nos résultats indiquent que le hockey féminin au Québec n’est pas seulement difficile d’accès, mais qu’il n’offre pas non plus une variété suffisante de niveaux de compétition pour répondre aux besoins de toutes les filles et femmes. Les athlètes qui ont joué dans des réseaux de compétition réservés aux femmes ont souvent été obligées de déménager ou de parcourir de longues distances pour se rendre aux pratiques et aux matchs. Par conséquent, de nombreuses joueuses ont abandonné le sport.
Facteurs clés de la participation des filles et des femmes au hockey au Québec
Alors, qu’est-ce qui motive ou inspire les filles et les femmes du Québec à sauter sur la glace, malgré les défis auxquels elles sont confrontées? Les Québécoises qui ont répondu à notre sondage ont identifié 3 sources principales de motivation pour leur participation au hockey :
- le désir d’accomplissement de soi (progresser, s’améliorer);
- le plaisir;
- l’acquisition et la maîtrise de nouvelles compétences.
Certaines femmes ont également identifié les émotions positives, la stimulation liée à l’exposition à quelque chose de nouveau, l’apprentissage et la reconnaissance (victoire) comme des motivations supplémentaires. Dans notre échantillon, ces tendances étaient similaires quel que soit le niveau de compétition de l’athlète.
De plus, les répondantes ont mentionné l’importance d’avoir des modèles qui les ont inspirées dans le hockey. Bien que le terme « modèle » puisse faire penser à des athlètes professionnels comme Marie-Philippe Poulin ou Kim St-Pierre, notre étude a révélé que les hockeyeuses québécoises, que ce soit au niveau récréatif ou compétitif, ont tendance à considérer leurs parents, leurs tuteurs et leurs entraîneurs comme les modèles les plus importants dans leur parcours sportif. Néanmoins, les répondantes ont indiqué qu’elles accueilleraient favorablement les occasions de côtoyer des joueuses d’élite en assistant à des matchs internationaux et en ayant la possibilité de s’entraîner avec des championnes.
Si l’on veut encourager la participation des filles et des femmes au hockey, les entraîneurs et les dirigeants sportifs doivent être attentifs à leurs besoins et motivations. L’accès à des environnements favorables avec des modèles positifs est crucial. Alors, comment faire en sorte que les femmes et les filles aient accès à un environnement sain où elles peuvent connaître le succès, le plaisir, l’engouement et l’apprentissage? Nous proposons des initiatives pour aider à combler l’écart entre les préoccupations des chercheurs et des praticiens qui se soucient de la participation des filles et des femmes au hockey.
Sortir des sentiers battus
Sachant que les québécoises sont motivées par le fait de s’amuser et d’acquérir de nouvelles compétences, une solution pourrait être d’envisager de nouvelles manières dont les programmes de hockey sont dispensés dans le reste du Canada. En effet, il n’est peut-être pas nécessaire de diviser les équipes de filles en catégories d’âge comme pour les garçons. Par exemple, des équipes de filles avec des tranches d’âge plus larges et des programmes qui mettent l’accent sur le développement des habiletés individuelles pourraient créer un modèle compétitif qui encourage le développement des filles et des femmes dans l’environnement du hockey au Québec. Un tel modèle pourrait également contribuer à créer un environnement compétitif pour les filles et les femmes à des niveaux plus élevés du sport.
Nous savons également que l’environnement social est essentiel pour promouvoir la participation des filles et des femmes au sport. Dans cette optique, des événements sociaux réguliers pourraient être intégrés aux programmes de hockey pour filles et pour femmes afin de recruter et de retenir les participants. Par exemple, les ligues féminines pourraient organiser des pratiques où les athlètes et les participants sont encouragés à amener leurs familles et leurs amis. De tels événements permettraient d’exposer une population plus large au hockey féminin et de recruter de nouvelles participantes.
Ce ne sont là que quelques suggestions pour accroître la participation des filles et des femmes au hockey. Il reste à voir si de telles mesures seront mises en œuvre au Québec ou dans le reste du Canada, même si elles attirent l’attention sur une question importante pour notre sport national. Le hockey féminin canadien a connu des succès importants sur la scène internationale, mais il reste encore beaucoup à faire pour développer ce sport au Canada.
Remerciements
Les auteurs tiennent à remercier l’équipe de direction de Hockey Québec (volet hockey féminin) pour leur collaboration dans l’élaboration du projet. Un merci spécial aux joueuses qui ont accepté de participer à l’étude.