Nous entendons trop souvent les générations plus âgées, en particulier dans le domaine du sport, utiliser des insultes telles que « flocon de neige », « princesse », « mou », parfois accompagnées de jurons et d’insultes homophobes. Toutes des formes d’intimidation. Ce que beaucoup d’entraîneurs et de parents ne réalisent pas, c’est que du point de vue de la science du cerveau, les jeunes sont vraiment vulnérables. Ils ne choisissent pas d’être sensibles, tout comme ils ne choisissent pas les changements physiques intenses qui se produisent avec les hormones de l’adolescence. Nous avons tendance à vouloir protéger les jeunes enfants, mais d’un point de vue cérébral, les cerveaux des adolescents et des jeunes dans la vingtaine sont les plus vulnérables. C’est pourquoi nous devons accorder beaucoup plus d’attention à nos paroles.
En même temps que le corps commence à changer, le cerveau stimule la curiosité et le courage de l’adolescent pour qu’il quitte le foyer familial et s’aventure dans le monde afin de trouver un nouveau groupe (pairs) et, finalement, un partenaire. L’évolution active les changements hormonaux et cérébraux pour encourager les adolescents à relever ce défi exigeant.
Les adolescents et les jeunes de 20 ans sont programmés pour prendre des risques, rechercher des récompenses, être créatifs, émotifs et se concentrer sur leurs pairs. Apprendre rapidement est la clé de la survie. L’engagement avec les pairs et le nouveau statut social activent de nouvelles expériences d’émotions intenses. L’impulsivité contribue à l’aventure. La honte ou l’ostracisme devant les pairs peut gravement nuire au cerveau en développement pendant cette période de plasticité et de sensibilité accrues.
Le cerveau adulte est différent. Vers l’âge de 24 ans, le cortex préfrontal (CPF) atteint sa pleine maturité. Les scientifiques considèrent le CPF comme le PDG du cerveau : il est rationnel, raisonnable, pèse le pour et le contre, réfléchit aux conséquences futures. Un autre aspect clé du cerveau adulte est qu’il a été influencé pendant beaucoup plus longtemps par la société dans laquelle il vit.
Si les adultes vivent dans une culture où l’intimidation est normalisée, et peut-être même dans une croyance tacite selon laquelle l’intimidation est un mal nécessaire à la réussite, ils risquent de normaliser l’intimidation. Les croyances s’inscrivent dans notre cerveau au cours de nos années de formation et nous avons tendance à interpréter ce câblage comme une « réalité » ou une manière préférée de penser et d’agir. Les adultes ont des réseaux neuronaux bien établis qui sont câblés au fil du temps par leur environnement et par ce qu’ils pratiquent. Ils croient à la « réalité » de leurs croyances et de leurs expériences.
Nous avons tendance à considérer l’intimidation comme un problème lié à l’enfance ou à l’école, mais la difficile vérité est que les adultes permettent et modèlent l’intimidation. Il est bien établi qu’il s’agit d’un comportement acquis. L’intimidation se manifeste en politique, au travail, dans les espaces domestiques et s’infiltre dans l’enfance, infectant les sports, les écoles, les arts et même les lieux de culte. Voilà la mauvaise nouvelle.
La bonne nouvelle, c’est que notre cerveau, même celui des adultes, est intrinsèquement conçu pour se réparer et se rétablir. Nous disposons tous d’une neuroplasticité jusqu’à notre dernier jour sur la planète. Cela signifie que nous pouvons changer notre cerveau en fonction de ce que nous pratiquons. Si nous faisons partie du cycle de l’intimidation intergénérationnelle, nous pouvons quitter ce tapis roulant et emprunter une voie plus saine.
Est-ce difficile? Oui. Cela demande-t-il du travail, de l’engagement et beaucoup d’entraînement? Oui. Mais c’est la raison pour laquelle les dirigeants sportifs et les entraîneurs peuvent montrer la voie. Ils vivent et respirent le monde de l’entraînement, de la formation, du perfectionnement et de la recherche incessante de l’excellence.
Certains entraîneurs, dirigeants sportifs et parents peuvent paniquer. On leur a dit et on les a formés à croire que se concentrer sur la santé et le bien-être global des athlètes conduit à des résultats médiocres. Ils pensent que la motivation et la discipline par l’humiliation, en poussant les athlètes au-delà de leurs capacités physiques, en les privant d’eau et de nourriture, en mesurant leur corps, leurs comportements et leurs interactions, est la voie de la grandeur. C’est un mythe.
La vérité est que, quel que soit le nom qu’on leur donne, toutes les formes d’intimidation et d’abus peuvent causer des dommages physiques à l’architecture du cerveau. Les cicatrices neurologiques sont visibles sur les scanneurs cérébraux. Nous avions l’habitude de penser que le fait de reprendre le jeu immédiatement après une commotion cérébrale était une marque d’honneur et de robustesse, alors qu’il s’agit en fait d’une lésion cérébrale traumatique. Les scientifiques disposent aujourd’hui de suffisamment d’études évaluées par des pairs et reproduites à l’aide d’images cérébrales pour savoir que l’intimidation et les mauvais traitements sont nocifs pour le cerveau. Ils n’améliorent pas les performances.
Les dommages causés au cerveau par le stress de l’intimidation normalisée ont une incidence sur l’apprentissage, le développement des compétences, la résolution des problèmes et la mémoire. Ils peuvent provoquer des inflammations dans le cerveau et le corps, ce qui peut avoir des conséquences graves sur la santé. Le cerveau consacre ses ressources à l’évaluation des menaces, à la protection et à la survie, et non à toutes les exigences d’un athlète compétitif.
Nos lois nous encouragent à croire que les coups physiques portés au corps sont bien plus graves que les coups portés au cerveau par l’utilisation de mots. Nos lois ne sont pas à jour avec la science. La violence verbale peut endommager le cerveau. Les cerveaux des adolescents et des jeunes dans la vingtaine sont particulièrement sensibles et vulnérables à toutes les formes d’intimidation, y compris celles qui sont véhiculées par les dénigrements.
Nous avons la capacité d’éliminer les abus dans le sport. Les cerveaux blessés font mal, mais les neuroscientifiques documentent et décrivent des pratiques fondées sur des preuves pour réparer, réhabiliter et récupérer les cerveaux blessés. Les dirigeants sportifs et les entraîneurs connaissent bien la réadaptation physique, mais beaucoup n’ont pas encore découvert le domaine de la réadaptation cérébrale à la suite d’intimidation et d’abus. Alors que les environnements et les pratiques toxiques causent au cerveau des traumatismes physiques, visibles sur les scanneurs cérébraux, les scientifiques ont mené des recherches approfondies sur les stratégies de pratique visant à réparer les dommages causés.
De même, les dirigeants sportifs et les entraîneurs connaissent bien la condition physique, mais beaucoup n’ont pas encore découvert le monde de la « condition cérébrale ». Le Dr Michael Merzenich est un leader dans le monde de la réhabilitation et de la remise en forme du cerveau. Alors que lui et une équipe de neuroscientifiques travaillaient en laboratoire à l’élaboration d’un programme ludique en ligne destiné à rééduquer les traumatismes cérébraux et à prévenir la démence chez les populations vieillissantes, ils ont reçu un appel de l’entraîneur de Tom Brady, Alex Guerrero. Il a demandé aux scientifiques s’ils savaient que le célèbre quart-arrière utilisait leur programme d’entraînement cérébral.
L’intimidation fait en sorte que les cerveaux se sentent menacés. Elle nuit à la concentration, à la cohésion de l’équipe et bloque les performances. En revanche, la pratique de la pleine conscience, l’aérobie, le sentiment de sécurité et la confiance permettent aux cerveaux d’exceller. À l’instar de Tom Brady, qui a intégré l’entraînement cérébral du Dr Merzenich dans sa méthode TB12, tous les athlètes et toutes les équipes peuvent tirer profit de la connaissance de ce qui rend leur cerveau sûr, sain, fort, flexible et compétitif. Réparer et renforcer le cerveau permet d’améliorer les performances et d’obtenir un avantage compétitif. Le sport n’est pas seulement un jeu mental, c’est aussi un jeu cérébral.