Le secteur du sport considère les évaluations comme une pratique organisationnelle essentielle. Grâce aux évaluations, les organismes de sport peuvent acquérir des connaissances et solliciter des commentaires sur leurs programmes. Les évaluations peuvent également orienter la prise de décisions, guider l’amélioration des programmes et renforcer la valeur et la promotion des programmes par les parties prenantes (Holt et coll., 2016; Shaikh et coll., 2020).
Malgré sa valeur, l’évaluation pose également des défis à de nombreux décideurs, bailleurs de fonds, partenaires, gestionnaires et entraîneurs du sport. Les défis auxquels ces parties prenantes sont confrontées lorsqu’elles entreprennent une évaluation proviennent d’un manque de formation axée sur l’évaluation, de ressources humaines ou financières, et de temps (Arnold et coll., 2016; Mitchell & Berlan, 2016). Il en résulte une demande accrue de stratégies qui peuvent aider les organismes de sport à améliorer les évaluations de manière économique et non contraignante.
Ce billet de blogue résume l’état actuel des pratiques d’évaluation dans le secteur du sport. Il présente également trois recommandations que les organismes de sport peuvent prendre en compte lorsqu’ils entreprennent une évaluation.
Naviguer dans les nouvelles vagues
La pandémie de la COVID-19 a donné aux organismes de sport l’occasion de poser et de répondre à des questions importantes, notamment sur la façon d’adapter les programmes sportifs pour répondre aux besoins des intervenants tout en respectant les règlements de santé publique (À nous le podium, 2020; Patton, 2020). Face à la pandémie, une équipe de recherche de l’Université Brock et de l’Université d’Ottawa a cherché à connaître le point de vue de 28 intervenants du secteur du sport canadien, de la base aux organismes nationaux de sport (ONS). Leurs conversations ont révélé un changement de priorité d’une des deux façons suivantes concernant les pratiques d’évaluation :
- L’évaluation a été mise en second plan. En donnant la priorité à d’autres aspects opérationnels, notamment l’adaptation des programmes, la satisfaction des besoins fondamentaux des clients et l’obtention de fonds supplémentaires, certaines parties prenantes ont eu l’impression de ne pas avoir la capacité d’entreprendre une évaluation.
- L’évaluation a pris été mise de l’avant. Malgré les obstacles liés à la pandémie, le temps a permis aux autres parties prenantes de poser des questions importantes et de réfléchir aux objectifs du programme. Le personnel a eu le temps de se concentrer sur l’évaluation parce qu’il a pu mettre ses programmes sur pause, soit en raison d’adaptations radicales de la prestation des programmes en personne à la prestation virtuelle, soit en raison d’un arrêt complet dans les programmes.
De nombreuses parties prenantes ont souligné l’avantage d’adopter des pratiques d’évaluation. Pour ceux qui ont mis leurs programmes sur pause, cela leur a permis de prendre du recul par rapport aux activités courantes du programme et de consacrer du temps et de l’énergie à poser et à répondre à des questions d’évaluation pertinentes. En revanche, ceux qui ont modifié leur programme ont parlé de la valeur accrue de l’évaluation, notamment en affinant les questions d’évaluation compte tenu du changement des objectifs et/ou de la prestation du programme.
Quelle que soit la priorité accordée à l’évaluation, tous les intervenants ont partagé d’importantes réflexions sur les stratégies de renforcement des capacités axées sur l’évaluation, afin de faire progresser les organismes de sport et l’ensemble du secteur. Ces conversations ont conduit à l’élaboration de trois recommandations que les parties prenantes peuvent utiliser pour faire progresser le domaine de l’évaluation. Ces recommandations peuvent être appliquées aussi bien pendant qu’après la pandémie de la COVID-19.
Recommandation n° 1 : Faites participer plusieurs parties prenantes; c’est un travail d’équipe
Des personnes spécifiques dans une organisation sont parfois chargées des évaluations. Cependant, l’application d’une approche d’équipe qui inclut diverses parties prenantes tout au long du processus peut aider à formaliser l’évaluation, à surveiller les activités et à garantir que l’évaluation est alignée sur les objectifs de l’organisation. Une équipe d’évaluation doit impliquer les parties prenantes du sport à différents niveaux, y compris les personnes impliquées dans la mise en œuvre du programme sur le terrain, dans des rôles de gestion et à l’extérieur de l’organisation.
Les intervenants sur le terrain sont ceux qui sont les plus proches de l’expérience sportive, comme les entraîneurs et les athlètes, qui peuvent offrir des perspectives vécues de l’expérience du programme. Les parties prenantes de la gestion comprennent les gestionnaires ou les administrateurs de programmes qui peuvent offrir un soutien en donnant la priorité à l’évaluation dans l’organisation et en fournissant des ressources pour l’évaluation. Les parties prenantes externes peuvent inclure toute personne investie dans l’avenir du programme de sport, comme les partenaires communautaires, les bailleurs de fonds, les membres du conseil d’administration et les experts de l’industrie. Il est important de chercher intentionnellement à diversifier les intervenants, car cela permet d’offrir une variété de points de vue pour informer les priorités et les activités d’évaluation.
Recommandation n°2 : Susciter une réflexion évaluative
Savoir simplement comment faire des évaluations n’est qu’un morceau du casse-tête. La capacité à réfléchir de manière critique à un programme peut également être essentielle pour mener des évaluations de haute qualité. La pensée évaluative fait référence à une réflexion constante sur la manière et la raison pour laquelle vous entreprenez une évaluation à l’avenir (Buckley et coll., 2015).
Sans réflexion évaluative, une évaluation peut finir par être superficielle et sans intention. Ainsi, en utilisant la pensée évaluative, les membres de l’équipe d’évaluation peuvent se tenir responsables des questions qu’ils posent, des activités qu’ils engagent et de la manière dont ils interprètent et communiquent les résultats. De cette façon, l’évaluation devient bien planifiée, les activités sont maintenues et les résultats soutiennent l’amélioration et la continuité du programme.
Pour promouvoir la réflexion évaluative dans une organisation, les parties prenantes devraient rencontrer les membres de leur équipe d’évaluation et examiner leurs pratiques d’évaluation actuelles. Voici quelques questions à poser pour amorcer les discussions (Shaikh et coll., 2020) :
- Dans quel but évaluez-vous votre ou vos programmes?
- Quelles sont les données que vous collectez?
- Quelle est la qualité de vos données?
Recommandation n° 3 : Exploiter le pouvoir de la narration
Une fois qu’une organisation a recueilli ses données, la narration peut être utilisée pour communiquer les résultats sous forme de récit de l’expérience sportive. La narration permet de donner un sens aux pensées, aux expériences et aux interactions des participants avec les autres, ce qui les aide à former leurs croyances, leurs identités et leurs valeurs (Wilson, 2018).
La narration peut être particulièrement valorisante lorsqu’elle est racontée par la voix des parties prenantes. Par exemple, les entraîneurs peuvent partager des histoires sur la façon dont ils ont mis en œuvre des pratiques de programme spécifiques, comme enseigner aux athlètes la valeur de la consolidation d’équipe. Le partage de ces histoires peut avoir un effet positif sur les athlètes. Par exemple, en les encourageant à prendre des initiatives en guidant des joueurs plus jeunes. Un athlète pourrait également raconter comment son rôle de capitaine d’une équipe de soccer l’a aidé à apprendre la valeur d’être un leader dans sa communauté. En intégrant des données et des statistiques dans ces histoires, le récit peut être placé dans le contexte plus large d’un programme.
En faisant participer les parties prenantes à la communication de vos données, vous pouvez offrir un point de vue réaliste et culturellement pertinent pour vous assurer que les résultats sont acceptables pour divers publics. Récemment, la narration est devenue un véhicule promotionnel populaire et elle est même utilisée par les bailleurs de fonds comme moyen de communiquer les résultats des évaluations.
En résumé, les organisations de sport rencontrent divers succès et défis en matière d’évaluation. En tenant compte des trois recommandations énumérées, les parties prenantes du sport disposent d’un autre point de vue pour améliorer leurs pratiques d’évaluation. Ces recommandations sont applicables pendant et après la pandémie.
Ce billet de blogue et la recherche connexe sont possibles grâce au soutien du Conseil de recherches en sciences humaines, du gouvernement du Canada et de l’Université Brock.